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Je suis allongée depuis trop longtemps sur ce lit King size, les yeux rivés au plafond sans pourtant y faire attention plus que ça. Delging est assise sur la chaise de bureau, mais elle ne travaille pas. Elle a la tête dans ses bras, le visage tourné vers moi, mais elle ne me regarde pas. Nous sommes dans la même pièce, mais c'est comme si nous appartenions à deux univers différents. La fenêtre grande ouverte laisse s'engouffrer un léger vent qui fait tourbillonner le parfum de ma collègue autour de moi. Comme si la sensation de ses lèvres sur les miennes n'était pas assez douloureuse comme ça.

Nous sommes rentrées à l'hôtel tout de suite après le baiser. Elle m'a tenu la main tout le long du chemin, et sa peau semblait brûler la mienne. Nous n'avons pas échangé un seul mot, je pense qu'elle ne savait pas vraiment quoi dire, et moi j'étais bien trop choquée pour vouloir parler. Alors je me suis affalée sur le lit et elle est partie prendre sa douche. Lorsqu'elle est revenue, j'étais toujours dans la même position. Elle n'a rien dit, elle ne doit pas comprendre ce qu'il se passe mais je la connais suffisamment pour savoir qu'elle ne veut pas qu'on en parle.

Elle se redresse lentement : je discerne son corps qui vient troubler la couleur taupe qui tapisse le fond de la chambre. Elle se plante au bord du lit et s'y assoit : je sens le matelas s'affaisser à ma gauche. Elle est tout près : je ressens sa chaleur corporelle qui m'enveloppe comme pour me sortir de ma léthargie. Elle m'observe un long moment mais je ne parviens pas à être gênée : le blanc du plafond m'absorbe bien plus que ses beaux yeux bleus. A cette réflexion, je tourne la tête vers elle, imperceptiblement et pourtant, elle s'en rend compte. Elle tente un sourire que je ne lui rends pas. On dirait bien qu'elle s'inquiète, c'est mignon. Du moins ça l'aurait été en d'autres circonstances.

⸺ On n'avait pas le choix.

⸺ Je sais.

Ces mots sont sortis de ma bouche sans consulter mon cerveau. Heureusement d'ailleurs, parce que ce ne serait sans doute pas ce que j'aurais dit si j'avais pu y réfléchir. Ç'aurait été quelque chose du genre « On a toujours le choix »... Autant remercier mon instinct de survie.

⸺ Alors pourquoi tu me fais la tête ? Je veux dire, c'était qu'un baiser.

⸺ Je sais.

Pour ce qui est de mon instinct de survie, je retire ce que j'ai dit quelques lignes plus tôt. Même mon cerveau aurait pu trouver mieux. Jennifer tente de me scanner avec son regard bleuté parsemé de touches vertes, mais je ne me laisse pas prendre à son jeu. Je me redresse et attrape mon téléphone.

⸺ Nath. Euh... Nathalie.

Je ne parviens à dire que cela en montrant du doigt mon écran, et Delging approuve d'un signe de tête. Je me glisse par la porte et disparaît dans les escaliers.

Mais ce n'est pas Nathalie que j'appelle – Dieu sait que c'est ma meilleure amie, mais elle est trop loin pour pouvoir améliorer mon état. J'appelle alors la seule personne que je connais dans les parages : Jessica. Elle m'avait refilé son numéro pendant la semaine, et c'est le moment ou jamais de m'en servir.

⸺ Allo ?

⸺ Salut.

⸺ Elena ?

⸺ Ouais. Tu peux me rejoindre dans le hall ?

⸺ Oui, j'arrive.

Elle raccroche tout de suite et je m'adosse au mur, le corps légèrement tremblant. Super, qu'est-ce que je vais lui dire d'ailleurs ? Je réagis comme une collégienne, c'est désespérant.

Tu prends le risque ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant