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Nous sommes de retour dans la chambre après avoir mangé. Heureusement pour moi, Mike et Jessica devaient être de sortie puisque notre table ne comportait que le couple qui ne nous adresse toujours pas plus qu'un hochement de tête. Je montre rapidement à Jennifer le speech que j'ai préparé pour la semaine, elle hoche la tête par moments et modifie certains trucs, sans doute la tournure de mes phrases. J'ai tendance à perdre mon audience en m'embrouillant dans les idées que j'essaye de transmettre. Jennifer corrige ça avec attention. Ses sourcils sont froncés, et je l'observe travailler sans la déranger. Je meurs d'envie d'aller l'embêter pour qu'elle m'accorde de l'attention mais je n'en fais rien, me contentant de l'admirer du lit.

⸺ Tu veux bien arrêter de me mater ? J'essaye de me concentrer, dit-elle d'un air froid.

Je lève les sourcils mais je repère son sourire en coin qu'elle essaye vainement de dissimuler.

⸺ Pas de problème, je descends voir si y'a mieux dans le hall.

Je me lève et fais mine de sortir de la chambre quand je l'entends se lever brusquement de la chaise et me rattraper. Elle m'attrape aux poignets, me plaque contre le mur et me regarde d'un air joueur.

⸺ Tu es sûre que tu veux descendre ?

⸺ Je pourrai toujours remonter ensuite, fis-je en haussant les épaules.

Elle plisse les yeux pour voir si je suis sérieuse ou pas et ses muscles se relâchent quand je la vois douter. J'attends sa réaction en la fixant dans les yeux. Un air de défi flotte entre nous, mais aucune n'est sûre que le jeu en vaille la chandelle. Nous sommes tellement stupides que nous pourrions nous perdre à jamais pour une connerie de ce genre. Etrangement, ça ne nous arrête pas.

⸺ Fais un pas hors de cette pièce et la prochaine fois que tu y remettras les pieds ce sera pour emballer tes affaires.

⸺ Arrête, on dirait qu'on est mariées.

Elle me détaille des yeux, me lançant des éclairs foudroyants mais j'ai appris à vivre avec, alors ça n'a plus le don de m'intimider. Du moins, plus trop. Moins qu'avant. Jennifer me lâche et retourne s'assoir au bureau pour reprendre le travail qu'elle avait entamé avant que je vienne la déranger. Joueuse, je viens embrasser sa joue et lui lâche un « A ce soir chérie » au creux de l'oreille par la même occasion. Je la sens se crisper et je quitte la pièce sans plus attendre. Bien sûr, je ne vais mater personne, c'est juste histoire de garder une certaine complexité dans la relation parce que je crois bien que c'est ce qui m'attire.

Je descends dans la rue et me dirige vers la rue marchande. Je vagabonde sans d'autre but que celui de faire s'écouler un petit peu de temps. Je veille à ne pas être trop longue, il ne s'agirait pas de blesser Jennifer. Je repère une boutique de fleurs et une idée me traverse l'esprit. Je commande un bouquet de fleurs rouges, et j'attends une quinzaine de minutes qu'on me le prépare avec soin. Le fleuriste a l'air surpris que ce soit une femme qui commande un bouquet de roses – en principe ce sont les maris qui offrent ce genre de fleurs. Je ris intérieurement en me disant qu'il n'a probablement pas fait le rapprochement puisqu'il tente d'engager une discussion. Par chance, je ne parle pas italien, et suis obligée de couper court à sa tentative de drague qui ne pouvait de toute façon pas fonctionner.

Je remonte dans le couloir de ma chambre et dépose le bouquet devant la porte avant d'entrer. Je suis rassurée de voir que ma collègue est toujours attablée au bureau, les mains sur le clavier. Je refusais de me l'admettre, mais j'avais peur qu'elle décide de s'en aller.

⸺ Désolée de te l'apprendre, mais j'ai trouvé plus belles que toi, dis-je d'un air tranquille tandis qu'elle se redresse sur sa chaise.

Tu prends le risque ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant