Lorsque je me réveille, je trouve le lit vide et froid du côté de Jennifer. Je manque de me lever en sursaut pour aller la chercher, mais je me raisonne en me disant qu'elle a dû descendre déjeuner. Je m'étire, fixe le plafond quelques minutes – les rideaux ne sont pas assez épais pour empêcher la lumière d'inonder la pièce. Soudain, j'entends une voix à travers le battant de la porte de la chambre. Je reconnais celle de Jennifer : son timbre est spécial et me réchauffe le cœur. La discussion, quant à elle, me glace le sang.
⸺ Je t'avais dit de ne pas gâter Mathis, il va prendre de mauvaises habitudes ! [...] Non, ce n'est pas ce que je dis. [...] Je dis juste que tu ne dois pas l'habituer à être gâté ! Comment vais-je le récupérer, ensuite ? [...] Je ne sais pas, punis-le, il faut qu'il apprenne. C'est une étape nécessaire. [...] Bien, je dois te laisser, Camille. A plus tard. [...] Oui, je t'aime aussi. Fais un bisou à Mathis de ma part.
Je suis redressée dans le lit, la mine effarée, quand Jennifer entre dans la chambre. Lorsqu'elle me voit, elle me sourit en soulevant un sac cartonné qui est légèrement tâché de gras.
⸺ Petit-dej ! dit-elle en s'approchant. J'ai vu que tu aimais les pains au chocolat. Tu as bien dormi ?
⸺ C'est qui ce Mathis ? J'ai entendu la conversation.
Elle semble perplexe, puis elle comprend où je veux en venir.
⸺ Mon chiot. J'en ai confié la garde à ma sœur.
Je hoche lentement la tête. Elle n'a pas bougé de l'entrée de la chambre, sûrement refroidie par mon accueil. Je comprends. Je ne dis rien. Elle avale sa salive, se racle la gorge, hésite. Elle pose le sachet sur la table basse, à côté de la corbeille de fruits, vide depuis quelques jours déjà.
⸺ Mange, c'est encore chaud.
Elle se retourne et repart sans rien ajouter. Je n'ose pas la retenir, je me dis que c'est mal venu, et que si elle avait eu le cœur de rester elle l'aurait fait. Je me lève et attrape le déjeuner qu'elle m'a préparé. Ce n'est rien : deux viennoiseries achetées à une boulangerie, mais l'intention est louable. J'aimerais aller la chercher et l'enfermer dans mes bras en la maintenant contre moi, mais je ne peux pas. Je mange les pains au chocolat sans grand appétit : les italiens et les viennoiseries, ça fait deux. Je prends la peine de finir ce qu'elle m'a acheté de façon à être polie, puis je file prendre une douche en espérant qu'à mon retour elle sera revenue.
Je sors de la salle de bains et trouve Jessica qui ramasse les miettes de mon déjeuner sur le bout de son index.
⸺ Oh, salut, dit-elle en levant la tête vers moi. 'Sont nuls ces italiens en boulangerie... Comment tu vas ?
⸺ Mmh, bien et toi ?
⸺ Ça allait jusqu'à ce que Jenny m'envoie un message complètement paniquée à l'idée d'avoir merdé.
⸺ De quoi tu parles ?
⸺ Cette femme est étonnante, continue-t-elle comme si je n'avais rien dit. Elle a débarqué dans ma chambre en criant qu'elle ne savait plus quoi faire, qu'elle venait de tout gâcher. Elle n'a rien voulu m'expliquer. Elle a juste dit qu'elle avait laissé la chambre ouverte, et qu'elle aimerait que je passe te faire un petit coucou pour voir si tout va bien. Alors, me voici. Mon idée du resto a-t-elle merdé ?
Je mets un temps à réagir, la fixant avec les sourcils haussés, puis je lâche :
⸺ J'ai mal de le dire, mais non. L'idée était fantastique.
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Tu prends le risque ?
RomanceElena en a toujours pincé pour sa collègue impitoyable, Jennifer. Elles vont être amenées à partager une chambre pendant quinze jours...