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Nous sommes samedi, la semaine a été affreusement longue. Mardi, nous n'avons pas fait grand-chose, Jennifer et moi. A part nous afficher en ville et sortir avec Jessica et Mike pour les remercier de tous leurs efforts (même si ce jeune homme n'a pas arrêté de faire de l'œil à ma collègue et qu'il m'en aurait peu coûté de lui décocher un direct droit dans la mâchoire).

Notre entreprise a attiré énormément de contrats de partenariat. Nous avons recueilli les dossiers de demande et les ramènerons dans l'avion avec nous cet après-midi. Notre patron se chargera de les étudier, mais il nous a promis de nous demander notre avis. Il estime que c'est quelque chose qui nous est dû, mais Jennifer et moi nous en fichons pas mal : nous avons plutôt hâte de classer ce dossier en affaire classée et de ne jamais en reparler.

Les jours qui ont précédé ont été plutôt déstabilisants : Jennifer variait entre tendresse et froideur. Je devrais être habituée, mais ça commence à peser dans ma poitrine. J'imagine que son comportement est dû à la pression, ainsi qu'à notre retour en France, mais quand même. Nathalie ne me fait plus la gueule, et m'a avoué que toute l'entreprise sait pour notre couple. Je ne suis pas particulièrement touchée par cette nouvelle, mais Jennifer passe son temps à se demander comme elle va être accueillie lors de notre retour. Elle ne me le dit pas, mais je le sais : elle a peur de perdre cette facette de « bulldog » qui la protégeait si bien de tout le monde.

⸺ Eléna, tu m'écoutes ?

Je redresse la tête et la regarde, l'air hébété. Elle est sur les nerfs. On est allé manger deux-trois trucs dans les onze heures et demies pour avoir tout notre temps pour faire nos bagages, mais elle semble toujours aussi stressée. Je soupire pendant qu'elle ferme les yeux. Elle essaye de garder son calme.

⸺ Merde, c'est pas compliqué de faire une valise, si ?

Je roule des yeux. J'ai l'impression d'être un enfant qui met sa mère à la bourre pour le boulot, alors que je suis sa collègue-peut-être-petite-amie et qu'on a une avance considérable sur les horaires de l'avion, si encore celui-ci arrive à l'heure prévue. Elle serre les poings et je me dis sérieusement que je n'aimerais pas être à la place de Mathis. Peut-être a-t-elle plus de patience avec les enfants ?

Je me traîne jusqu'au placard pour satisfaire mademoiselle, et range la totalité de mes affaires en moins de cinq minutes. Je dépose ma valise à l'entrée de la chambre et la regarde d'un air las. Elle regarde de partout pour être sûre qu'elle n'a rien oublié.

⸺ La salle de bains ! s'écrie-t-elle.

Sur ce, elle court vérifier la pièce tandis que je lève les yeux au plafond.

⸺ Ça fait trois fois que tu la vérifies, je lâche avec exaspération.

Elle m'assassine du regard en revenant sur ses pas, les mains vides. Je vais jusqu'à elle et pose mes mains sur ses épaules, l'obligeant à me regarder.

⸺ Détends-toi, Jen.

⸺ J'arrive pas ! s'exclame-t-elle.

Je pose mes lèvres sur les siennes et je sens son corps se détendre sous mes doigts. J'ai un petit sourire, et elle chuchote :

⸺ D'accord, je suis calme...

Je lui replace une mèche de cheveux qui n'en fait qu'à sa tête depuis ce matin, et lui caresse la joue du même geste. Ses yeux bleus m'hypnotisent toujours autant, même après les avoir vus se noircir de désir, se remplir de larmes. Une étrange lueur grandit dans ses pupilles, et je l'interroge du regard.

Tu prends le risque ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant