Black Butler : L'envol du Corbeau

Prologue

Année 1877

L'obscurité l'entourait cette nuit là. Le peu de lumière parvenant encore à ses yeux provenait de la lune, froide et belle, qui était pleine cette fois-ci. Enfin, à quand remontait la dernière fois qu'elle lui était apparue ? Elle revoyait enfin le ciel après une si longue période dans les ténèbres qu'elle en avait perdu la notion du temps. Depuis quand avait-elle disparu ? Plusieurs jours ? Non, au moins plusieurs mois, c'était certain. Là où elle était, rien ne pouvait lui indiquer à quel moment de la journée elle se trouvait. Pas d'horloges, pas de montres à gousset et surtout, pas de fenêtres. Finalement, l'obscurité n'avait jamais cessé de l'entourer.

Elle avait aussi froid. Elle ne portait qu'une petite robe brune qui lui couvrait à peine le corps et l'air glacial de la nuit l'aurait fait courir pour trouver un endroit où se réchauffer si ses jambes avaient eu encore la force de la soulever. L'Hiver n'était pourtant pas encore là, il n'y avait pas de neige et il neigeait toujours à Londres durant cette période. Peut-être était-ce la fin de l'Automne, cela aurait expliqué le froid.

En fait, elle avait surtout mal. Tout son corps lui faisait terriblement souffrir. Elle le savait recouvert de bleus, d'hématomes, de cicatrices et de bien d'autres blessures. Les pires de toutes étaient ces entailles encore fraiches sur son ventre, dont du sang coulait abondamment. Sa main avait eu le réflexe de presser ses plaies pour arrêter le flux, où peut-être était-ce pour la recouvrir de ce liquide chaud. La seule source de chaleur dont elle disposait. Au fond, cela n'avait plus d'importance. Elle n'était plus qu'une fillette de neuf ans, agonisant sur les pavés froids.

Elle allait mourir ce soir, dans cette ruelle, dans son sang et ses larmes. Quelle fin pitoyable pour quelqu'un comme elle. Elle aurait tant voulu qu'il l'achève quand il l'avait déposée dans cette rue. Il avait l'habitude de le faire, c'était son travail alors pourquoi l'avait-il épargnée ? Elle l'avait pourtant supplié mais il s'était contenté de pratiquer ces entailles et de s'enfuir. À présent, la petite fille n'avait plus qu'à attendre que son état ait raison d'elle, que la Mort vienne la prendre et lui accorder enfin la paix qu'elle n'osait plus espérer. Elle trouverait sa délivrance dans le repos éternel.

Pourtant, quelque chose en elle n'était pas d'accord avec sa raison. Cette même sensation qu'elle éprouvait après leurs passages, hormis la honte et la douleur. Ce sentiment brûlant et rugissant qu'elle avait noyé dans son chagrin afin qu'ils ne le voient pas. À présent qu'elle était délivrée de leurs présences, elle put l'assumer, reconnaitre qu'elle la désirait plus que son trépas et la crier haut et fort : la Vengeance !

Non ! Elle ne voulait pas mourir ! Elle ne devait pas mourir ! Pas avant d'avoir fait payer ces monstres pour les horreurs qu'ils lui ont infligées, pour les crimes qu'ils ont commis, pour les épreuves qu'ils l'ont forcées à endurer, pour ce qu'ils lui ont prit. Elle avait refoulé ce besoin pendant trop longtemps et maintenant qu'elle n'était plus enfermée, il lui explosait dans la poitrine, lui redonnant des forces qu'elle croyait perdues à jamais. Elle ne savait pas encore comment elle y arriverait vu son état, elle avait plus de chances d'expirer avant d'avoir fait un mouvement mais elle se promit que si elle survivait, elle consacrerait sa vie à les pourchasser et à les punir.

Tout d'abord, elle devait trouver le moyen de rester en vie. Si elle appelait, quelqu'un l'entendrait-il ? Il était tard, mais elle essaya quand même :

- Au se...cours. S'il vous... plait..., aidez... moi, murmura-t-elle à l'agonie.

Rien à faire, sa voix fonctionnait à peine à force d'avoir crié tant de fois, elle ne portait pas assez loin. Elle n'entendait également aucun bruit qui aurait pu lui indiquer la présence de passants. Elle ne pouvait pas demander de l'aide, elle ne pouvait pas marcher et elle ne pouvait même pas ramper. La pauvre enfant comprit que sa volonté ne la sauverait pas mais elle refusait de quitter ce monde avant d'avoir fait une dernière tentative, aussi folle soit-elle.