Six de Coeur

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" Le magicien n'a qu'un devoir. "

Althaia ouvrit les yeux en souriant. Elle se leva d'un bond et fila dans la cave, esquivant avec aisance les meubles de l'étroit appartement. La pièce souterraine et lumineuse était isolée des ondes, en particulier de localisation. Alors certes elle ne pouvait pas téléphoner, mais on ne pouvait pas la localiser par quelque moyen que ce soit. D'autant plus que la jolie brune n'avait toujours par réussi à déterminer ce qu'était ce cube transparent, alors que cela faisait six jours qu'il était en sa possession, et que le temps pressait.
Mais une idée s'était frayée un chemin dans son cerveau au réveil, et elle allait tâcher de la vérifier.

Adeline prit le dé transparent entre ses doigts, et le fit tourner un instant, avant de le presser.
Rien.
Elle avait déjà essayé, mais question de principe, elle retentait une dernière fois, avant d'agir. Du bout des doigts de la main gauche, libre, elle frôla la table de bois verni, et vint frapper de toute ses forces le dé dessus. Les faces se brisèrent, découvrant une micro-puce. Bien joué. Si elle arrivait à reconstituer le dé, elle laisserait un mot pour saluer l'ingénieur à avoir construit ça, parce qu'elle avait cru trop longtemps à un dé translucide, alors qu'il ne s'agissait que d'un jeu de lumière et de miroir pour faire croire à la transparence.

Très très ingénieux.
Mais pas assez pour Althaia.

Celle-ci écarta la puce, et poussa les morceaux de verre d'un côté. Alors qu'elle lançait son ordinateur et cherchait un lecteur, dans la commode un peu plus loin, capable de lire la puce, un cliquetis la fit sursauter et faire violemment volte-face.

Adeline, après être resté longtemps estomaqué, se mit à rire. Un rire d'abord nerveux, puis étonnamment franc.

"Je ne sais pas qui tu es, mec, mais tu es un génie !"

Le cube s'était réformé tout seul, sans doute à coup d'ondes magnétiques, qui, elles, passaient encore dans la pièce. L'ingénieur à avoir fait ça était brillant, vraiment. Elle reprit le cube entre ses doigts, glissa la puce dans le lecteur qu'elle avait fini par dénicher entre deux accessoires de magie, et le brancha à son ordinateur.

Le dossier était crypté. Un profond soupir lui échappa. C'était loin d'être infaisable, mais ô combien long de faire sauter le cryptage de ce genre de fichier. Elle en aurait pour des heures. Althaia passa trois heures dessus avant de sortir manger un sandwich. Le reste de l'après-midi fila, et à quinze heures, elle débrancha le lecteur de puce de son ordinateur, le rangea, avec la puce, dans une des commodes, rabattit son écran, et remonta dans l'appartement pour se préparer. Jack avait dit quatre heures et demi, et Adeline avait toujours détesté être en retard. Alors en tant qu'Althaia, même si elle connaissait parfaitement ce café, il fallait absolument qu'elle arrive en avance.

Elle passa à travers le salon, se faufila dans l'étroit escalier vers l'étage, et atteignit sa chambre. La maison comptait, avec la cave, trois étages, tous aussi étroits les uns que les autres. Ainsi l'étage ne comptait qu'une petite salle de douche et sa chambre, à peu près aussi vaste que le salon. Elle se déshabilla rapidement et fit glisser la porte coulissante de l'armoire, d'où elle sortit un collant épais bleu sombre, une robe de la même couleur, qui lui marquait la taille, remontait jusqu'à son cou, et lui tombait en un doux plissé juste au dessus du genou. Althaia enfila le tout, tira légèrement sur les manches courtes qui avaient réussi le tour de force de se froisser, enfila ensuite une paire de tennis, toujours du même bleu, car elle ne portait des chaussures à talons, ou même des ballerines, seulement les jours de fêtes ou de représentations importantes. Contente du résultat qui lui avait pris une dizaine de minutes à obtenir, elle se glissa dans la salle de bain, passa simplement un coup d'anti-cernes sous ses yeux et un mince trait de mascara pour souligner ses prunelles noisettes. Elle rabattit rapidement des cheveux en une tresse qui vint tomber entre ses omoplates.

En redescendant, elle retourna à la cave, où elle enfila avec précaution des gants en latex, et glissa le cube transparent entièrement désinfecté dans une enveloppe sans la moindre trace d'ADN. Elle inscrivit de la main droite, car elle était ambidextre et faisait particulièrement attention à ne jamais écrire de la même main quand elle était Althaia que quand elle était Adeline, et faisait en plus attention à modifier son écriture :
Police de New York,
P.S. L'ingénieur est un génie.

Un rire amusé s'échappa de sa gorge, et elle alla poster l'enveloppe au bout de la rue, avant d'ôter les gants et de les jeter en revenant à l'intérieur de sa maison, de la démarche assurée qui permettrait aux rares passants de croire que tout était normal dans la vie d'Althaia.

Puis l'heure de se rendre au café arriva.

"Être le plus malin dans la salle."

Ils croient être plus malins que moi. L'Oeil croit être plus malin que moi. Qu'ils ont tous tort. Je suis tellement plus intelligente et forte qu'eux... S'ils savaient. Car j'ai cette puce, et s'il me faudra du temps pour la décoder, j'y arriverais. J'atteindrai les quatre cavaliers, et je pourrais aussi l'aider elle, par la même occasion. Et si l'homme dont parlait Jack est bien celui que je croit, alors cet énième jeu va être foncièrement drôle.
Tant que les sentiments que j'ai n'entrent pas en jeu. En particulier la colère.
Mais cela ne doit pas rentrer en jeu.
Car je suis Althaia.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant