Six de carreau

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A L T H A I A

"Sixième coup"

La brune avançait d'un pas assuré. Elle avait quitté l'usine depuis plusieurs minutes, et avait disparu dans les sous sols new yorkais. Elle marchait rapidement, s'éclairant de la lampe de poche qu'elle ne quittait jamais.
La cape rouge et le morceau de masque n'allait que les faire rager encore plus, puisqu'elle n'avait évidemment pas mis ceux qu'elle portait. Ils s'en rendraient compte assez vite. D'ici là, elle avait le temps de se rendre au prochain point sur la carte.

Un ancien centre de l'Oeil, qui, comme l'usine, n'était quasiment plus en fonction. C'étaient ceux là qu'elle devait faire tomber en premier. Réduire les possibilités de repli jusqu'à n'avoir plus que quelques points sur la carte.

Un sourire confiant se dessina sur ses lèvres. Tout se passait comme prévu, dans les temps. Après avoir pianoté sur son téléphone portable, caché moins des vieilles caméras, elle vit ces dernières tomber vers le bas. Adeline se dépêcha d'aller y mettre une bombe de peinture noire, pour les empêcher de visualiser les lieux quand elles se rallumeraient.

Grimpant dans le bâtiment, une maison des années quatre vingts on ne pouvait plus banale, isolée et typique des banlieues périphériques de New York. La ville était tellement immense que la brune devait faire vite.

Ajustant légèrement sa perruque rousse, elle escalada le premier étage et entra par la fenêtre de toit. Dans les maisons de ce type, abandonnée depuis plus ou moins longtemps, un coup de pied en forçait l'ouverture. On mettrait quelques minutes à savoir où elle était passée. Autant de temps gagner pour elle.

Adeline se balada à l'intérieur, le regard attentif, et dans le hall, elle gratta légèrement le papier peint avec une pince à épiler, après avoir longuement passé sa main dessus. Un oeil.

La jeune femme secoua légèrement la tête, et sur l'étagère juste en dessous de la gravure, elle déposa une paire de lentilles vertes, dans une boîte rouge. En refermant le couvercle, elle acquiesça, contente de son petit jeu de cache cache. Son nom s'inscrivait en lettres argentés sur le rouge du couvercle. Althaia.

Une fois cela fait, elle brisa les poignées, détruisit ce qu'elle pouvait détruire, et plaça de la bombe noire sur tout ce qui faisait référence aux yeux. Rien n'y était par hasard, elle ne le savait que trop bien. Et alors qu'elle montait à l'étage, la jeune femme s'arrêta sur le papier du haut. Un oeil, en gros, sur la porte face à celle de la chambre où elle était entrée.

Adeline hésita, méfiante. Mais la curiosité finit par l'emporter, et elle poussa la porte, évidemment ouverte. Les murs étaient blancs, vierges, tout comme le sol vieillot. Pas un meuble. Et au plafond, un autre oeil, et une phrase.

Surveille tes arrières.

Adeline sourit. Ça avait dû être une pièce de réunion. N'empêche qu'il fallait vraiment qu'elle fasse attention, Henley n'arriverait pas, à distance, à la protéger indéfiniment. Elle devait aller plus vite.

Au moment où Adeline sortait, un reflet attira son regard. Un morceau de papier dans le gond de la porte. Abîmé par le mouvement, mais pas tellement vieux. Elle le tira, le déplia, et son visage se décomposa sous le masque.

Une photo d'elle et de son frère, prise par Jack bien des années plus tôt, et au dos, une phrase manuscrite d'une écriture qu'elle ne connaissait que trop bien.

Surveille tes arrières.

Adeline replia la feuille, la déchira, et avec un briquet trouvé au fond de son sac, la brûla. Elle tapota dessus pour que la maison ne prenne pas feu, mais chercha à répartir les cendres au sol.

Althaia replaça ses mèches rousses correctement, ainsi que sa capuche, et sortit par le toit, avant de disparaître au coin de la longue route. Puis dans les souterrains.

Elle n'était pas observé. L'Oeil ne la connaissait pas assez bien pour anticiper ses mouvements. Il ne connaissait qu'Althaia. Et si elle n'était plus Adeline, certains traits de son caractère, de son histoire, lui étaient toujours utiles.
Il fallait néanmoins qu'elle se méfie. Peut-être que L'Oeil avait quelques doutes malgré tout.

"Protège la Reine."

Ça commence à devenir complexe. Il me connaît bien. On s'aimait trop, donc je suppose que c'est normal. Mais je suis un peu perdue. A quoi joue-t-il ? A-t-il compris que derrière Althaia, se trouvait une pâle version d'Adeline ? J'en doute. Je joue trop bien pour ça. Et lui, quel rôle a-t-il dans tout ça ? Il faut que je surveille mes arrières. Il serait dommage de se faire surprendre.
Après tout,
Je reste Althaia.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant