Cinq de Carreau

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H E N L E Y

"Cinquième coup"

Henley enfila sa veste, et attrapa quelque chose dans un tiroir avant de le glisser dans sa poche, tout ça en quelques secondes, si bien qu'Atlas n'y fit pas attention. Elle fit mine d'hésiter avant de sortir.

- Atlas ?
- Oui ? pivota-t-il.
- Je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée.
- Moi non plus, pour tout te dire. Mais je dois y aller.
- Je vais le regretter. Je vais le regretter, répéta la jolie rousse.

Elle sortit son téléphone, et appuya sur le raccourci téléphonique qui composerait le numéro d'Adeline.
Elle sentit la main de Daniel se poser brusquement sur sa main.

- Qu'est-ce tu fous ?
- Je préviens ma copine que je ne serais pas là ce soir, répondit-elle le plus naturellement du monde.
- Fais attention à toi, et suis moi.
- Je suis grande, je te rappelle.

Henley leva les yeux au ciel, comme si la situation n'avait rien de grave. Tout était pourtant complexe. Elle devait prévenir Adeline du déroulement des opérations sans se faire comprendre par Daniel. Et la rousse était consciente qu'il la connaissait mieux que personne. Du moins c'était le cas un peu plus d'un an plus tôt.

- Allô, Rose ?

A l'autre bout du fil, Adeline mit plusieurs secondes à répondre, et pour cause, elle ne comprit pas tout de suite. Puis Henley entendit sa voix. Elle avait compris.

- Oui ?
- Je... Je ne pourrais pas rentrer ce soir, chérie, je suis désolée. Je suis avec un vieil ami, et quelques collègues, j'ai pas mal de chose à régler. Je suis vraiment désolée.
- Okay. Super. On se retrouve plus tard.
- Je t'aime. A demain.
- A tout à l'heure.

Alors qu'ils remontaient les rues de New York au pas de course pour venir à la rencontre de la voiture dépêcher par l'Oeil, Henley espérait que tout se passait bien pour Adeline. Sa voix était sereine, mais elle paraissait toujours l'être, quand elle se donnait une mission, même quand les choses prenaient une drôle de tournure.

Pour l'instant, à quelques légères variables, tout se passait comme prévu.

- Elle le prend bien ? interrogea Atlas, la sortant de ses pensées.
- Oui. Elle est super conciliante, et d'une patience à toute épreuve.

Tout était relatif. Mais ces termes correspondaient un peu à la brune de toute manière. Elle vit Daniel hocher la tête. Voir l'effet qu'elle avait encore sur lui était assez surprenant, même s'il fallait avouer qu'il ne la laissait pas de marbre non plus.
Le jeune homme jeta un coup d'oeil à son téléphone et s'arrêta. Henley fit de même.

- La voiture arrive, expliqua-t-il.

Quelques secondes plus tard, une petite voiture grise, on ne pouvait plus basique, apparut dans la rue, et s'arrêta à leur hauteur. Ils grimpèrent à l'intérieur, et le véhicule redémarra quasiment immédiatement. Henley était confiante. Adeline aurait quitté les lieux depuis longtemps quand ils arriveraient, mais il fallait jouer le jeu jusqu'au bout.

Assise à côté de Daniel, la jeune femme ne se gêna pas pour le regarder. Elle était en position de force, elle n'avait pas à douter d'elle même.

- Est-ce que tu es heureuse ?

La question était sortie de nulle part, sans préavis, et prit un peu au dépourvue Henley. Que répondre ?

- Tu veux la réponse la plus franche, ou la moins douloureuse ?
- Le plus douloureux serait que tu ne dises pas la vérité. La plus franche, Henley.

Henley se pinça les lèvres. Elle lui mentirait, peu importait son choix.

- Je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie. Je dois encore faire attention, évidemment, mais les gens ne s'attendent pas à me voir, alors c'est très rare qu'ils me reconnaissent. Tout est tellement plus évident loin de l'Oeil, Daniel, si tu savais. Plus de conflits, de complots, de complications, de défaut de confiance de Rhodes. Rose est la femme la plus fantastique que j'ai rencontré. Elle est patiente, calme, forte, déterminée, et je ne pensais pas que c'était possible d'aimer autant quelqu'un. Ça va sûrement être dur à entendre pour toi, mais je la suivrais au bout du monde, les yeux fermés, s'il le fallait.

Daniel ferma les yeux, et hocha la tête. Le coeur visiblement lourd, ce fut pourtant un sourire sincère qui apparut sur ses lèvres.

- Je suis heureux de savoir que tout va bien pour toi.

Et alors qu'il prononçait cette phrase, Henley se rendit compte qu'elle pensait vraiment la plupart des mots qu'elle avait dit. Elle n'était pas amoureuse d'Adeline, mais elle avait d'énormes qualités, et elle irait réellement jusqu'en Enfer pour elle, s'il le fallait. Et c'était réciproque.

Un sourire ravie se dessina sur les lèvres de la rousse, puis un air concentré prit place sur le visage des deux adultes. Ils étaient arrivés. Daniel sortit le premier de la voiture et se dépêcha d'aller à l'intérieur de l'usine. En le suivant, Henley envoya un sms à Adeline, qui répondit rapidement.

De A.
2ème étape. 1er balcon 1er étage, gauche.

Henley rangea son téléphone dans sa poche intérieure. En passant l'entrée métallique de l'usine de voitures, désaffectée depuis quelques années, elle observa sur le mur un oeil gravé dans le métal. Elles avaient visé juste.

- On se sépare ? Tu fais le bas et je fais le haut, demanda Henley.
- On fait ça. Les autres ne vont pas tarder, si tu as un problème, tu appelles. Ne prends pas de risques, elle est dangereuse.

La jeune femme hocha la tête. Elle riait intérieurement. Elle savait tout ça, mais surtout elle savait qu'Adeline n'était physiquement dangereuse que si on l'attaquait et qu'elle avait nécessité de se détendre. Elle n'attaquerait pas si on ne l'y forçait pas de manière violente et soutenue.

Henley monta les marches d'acier, qui résonnèrent, d'un pas vif, courant presque, pour donner le changer. Elle fouilla toutes les pièces, sachant pertinemment qu'elle n'y trouverait rien. Arrivant sur la dernière porte de gauche, elle cria :

- J'ai entendu du bruit !

Alors que Daniel remontait les marches en courant, elle donna plusieurs coups dans la porte, qui finit par céder. Un sourire bref s'étendit sur son visage, vite remplacé par un faux air décontenancé.

- Elle a disparu.

Sur le béton léger du balcon, ne restait qu'un morceau de masque, la partie qui entourait l'œil, et la cape rouge d'Adeline. Sans la moindre empreinte, Henley en était persuadée. La brune faisait toujours les choses parfaitement.

- Elle ne doit pas être loin.

Il décrocha son portable, et signifia au chauffeur de la voiture et au camarade qui était aussi présent de fouiller la zone, et de faire très attention. Cette zone n'avait plus été utilisé par l'Oeil depuis quelques mois, d'autres lieux plus stratégiques avaient été investis, si bien qu'ils étaient seuls sur ce coup là.

Daniel descendit au pas de course, mais s'arrêta en voyant les Cavaliers arriver avec Dylan. Ils étaient heureux de les voir. Et derrière lui, Henley était mitigée entre joie et tension.

"Ignore la tour."

Tout se passe bien. Aucun accro. Les variables sont minimes. Il faut que ça continue comme ça, que je ne me laisse pas déconcentrer, ça causerait notre chute à toutes les deux, et je ne veux pas tomber. Daniel, ne m'en veux pas, je t'en prie. Mais ce que je fais est beaucoup plus important que tout ce qu'il y a eu entre nous jusque là.
Je suis Henley. Et je ne lâcherais pas.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant