Huit de coeur

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"Pensais-je à la mort ? Pour enfin arrêter d'être si forte..."

Althaia souffla en voyant Jack s'asseoir en face d'elle. Elle prit son temps pour accrocher la fleur dans sa tresse. Quand elle releva finalement la tête, se fut pour observer le café.

"Je m'étonne que les gens ne te reconnaissent pas."

Jack soupira une seconde, d'un soupir très léger, et murmura, encore étonnamment tendu.

" Quand on est magicien, on a toujours un coup d'avance, Adeline. Mais là, c'est la mise en place complète de l'échiquier qui me permet de me balader sans soucis dans New-York. Les gens ne font pas attention aux gens qu'ils ne connaissent pas, et parfois, il ne font même pas attention aux gens qu'ils connaissent. Personne ne me reconnaît jamais quand je marche dans la rue, je peux te l'assurer. "

Adeline sourit, intérieurement plus qu'amusée. Il ne croyait pas si bien dire. Mais elle hocha la tête, faisant mine de comprendre ce qu'il voulait dire alors qu'elle l'appliquait déjà elle même.

" Étant donné que je présume que tu n'as pas le droit de me parler de ton boulot... Est ce que tu peux me parler un peu de toi ? Depuis qu'on s'est séparé je veux dire... "

Jack la regarda de longues secondes. La fleur rouge réhaussait le brun-châtain de ses cheveux, et si elle avait grandi, son sourire n'avait pas changé. Elle paraissait détendue, contrairement à lui, et il se sentit alors idiot. Quel était ce mauvais pressentiment qui n'avait pas lieu d'être ? Il finit par répondre, hésitant.

" Si ce n'est que c'est toi qui a disparu, Adeline, sans rien dire, pendant l'université. Tu ne comprends pas à quel point c'est étrange de te revoir maintenant. Je...
- Je t'expliquerais, Jack, promis. Mais pas maintenant, pas ici."

Ce fut autour du jeune homme d'acquiescer et de reprendre :

" J'ai fini mes études assez rapidement, en fait. Et puis j'ai commencé des petits boulots, tout en pratiquant la magie à côté. Et la suite... J'ai été contacté par le groupe qui nous gère. Les Quatre Cavaliers étaient nés. Mais je n'ai pas le droit de t'en dire tellement plus. Je ne crois pas avoir tellement changé, j'ai...
- Tu as changé, Jack, le coupa la jolie brune. Tu es plus sûr de toi qu'avant, je te le garantis. Alors... Parle moi de Lula.
- Je n'ai pas les mots pour la décrire. Elle est un peu brut de décoffrage, parfois, mais elle est tellement... elle, que je ne peux pas lui en vouloir. Je l'aime tellement.
- Elle a l'air géniale, dans tout les cas, et j'apprécie de te voir si heureux.
- Elle l'est, crois-moi. Et toi ? Parle moi un peu de toi. Dans quoi tu bosses ?"

Althaia avait attendu cette question. L'avait préparée, parce qu'elle savait qu'elle viendrait sur la table à un moment ou un autre. Alors elle répondit :

"J'avais obtenu mon diplôme quand je suis... partie. Je l'avais passé de manière anticipée. Et je me suis mise au théâtre. Je passe de troupes en troupes, du coup, je n'ai pas vraiment un boulot stable, même s'il l'est en ce moment. Et je fais des petits boulots à côté, donc je m'en sors sans trop de soucis."

Jack avait cette désagréable impression qu'elle était très vague. Mais peut être était-ce simplement dû à la cause de son départ, qu'elle ne souhaitait visiblement pas évoquer pour le moment. Alors le jeune homme demanda :

"Et toi, côté coeur, comment ça se passe ?"

Adeline fit mine de souffler, et esquissa une drôle de moue avant de déclarer, avec une sincérité feinte plus qu'habilement :

"Disons que je n'arrive pas à me poser. C'est comme si j'étais bloquée. J'ai eu deux ou trois copains et une ou deux copines, mais ça n'a pas duré.
- Oh, c'est dommage pour une fille comme toi, souffla Jack.
- Ça sous-entend quoi, ça, exactement ?"

Là, Althaia était extrêmement sérieuse. Elle détestait ce genre de remarque mais pouvait peut-être entraîner un peu plus Jack dans ses filets grâce à ça.
Il posa un regard désolée sur la jeune femme en face de lui, et tâcha d'expliquer, hésitant un peu sur des mots :

"T'es intelligente, tu fais du théâtre, et tu es belle, ou du moins charismatique. Tu devrais pouvoir trouver chaussure à ton pied, non ?
- C'est... beaucoup de termes que je ne peux pas accepter. Je ne suis pas idiote, certes, et je présume que j'ai un peu plus de charisme qu'une huître, mais... Bref, c'est très subjectif et ce n'est pas ce que pense les gens de moi, dit-elle dans un faux soupir en baissant les yeux."

Elle n'était pas arrogante, Adeline, mais Althaia était extrêmement sûre d'elle, ainsi elle n'aurait pas hésiter à utiliser ces termes, non pas comme des qualificatifs qui viendraient flatter son ego, mais bien comme de simples constatations. Mais la jouer ainsi avec Jack ne serait pas la meilleure méthode, elle en était presque persuadée.

"Ne sois pas timide, Adeline, ce n'est que ce que je perçois, rien de plus, souffle-t-il en hochant la tête.
- Si tu le dis, murmura-t-elle, en finissant par relever les yeux."

Puis une chose lui traversa l'esprit.

"Tu m'as parlée d'un ami, au téléphone. Il a décidé de ne pas venir ?
- Hum, quand je suis partie, il empêchait Lula de s'énerver alors que la discussion même n'avait pas lieu d'être. Et elle lui a balancé des phrases pas très jolies à la figure, mais avec son humour habituel. Alors je présume qu'il s'en remettra et qu'il ne tardera pas."

Althaia hocha la tête et laissa son regard dériver à l'extérieur, dans un faux naturel. Puis elle se prit vraiment au jeu de laisser ses prunelles divaguer sur le monde extérieur. Le regard du jeune homme s'attardait sur elle, elle le savait. Il la fixait dans les moindres détails. Se demandait peut être si c'était elle qui avait le cube.

Oh oui, c'était loin d'être une simple visite de courtoisie, même si Jack appréciait sans aucun doute la compagnie d'Adeline.

"Adeline ?
- Hum ?"

La jeune femme reposa son regard noisette sur le jeune magicien.

"Il ne devrait pas tarder. Si tu as fini, on peut peut-être sortir et marcher un peu."

Il.
L'invité presque mystère.
Car elle savait pertinemment qui était celui qui allait arriver.
Celui dont Henley avait été amoureuse.
L'un des Quatre Cavaliers.
Qui répondait au nom d'Atlas.

"Sais-je au moins pleurer ?"

Tu as grandi, Jack. Mûri, aussi. Mais je suis intimement persuadée que tu ne fais pas le poids. Ma haine est trop vive et ma rancune trop tenace pour que j'échoue. Je n'ai pas menti. J'ai vraiment fait du théâtre et je vogue vraiment de troupe en troupe. Après tout, cela m'aide grandement à atteindre mes objectifs.
Mais tu ne le sais pas, après tout.
Si je suis si bonne comédienne, c'est que
Je suis Althaia.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant