Cavalier de carreau

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L U L A

"Douzième coup"

- Qu'est-ce qui lui prend ? Pourquoi il me fait ça ? Et c'était quoi cette menace à la fin ? T'as une explication, Dylan ?

L'homme était resté figé, le téléphone dans la main, sous le regard soucieux des autres, en particulier Lula. Henley affichait un sourire de biais que la plus jeune ne remarqua pas. Dylan les avait rapatrié quelques minutes avant le départ de Jack, après avoir parlé avec la rousse.

- Hey, Dylan, je te parle !

L'agacement de la brune s'infiltrait dans sa voix et se transformait en colère. Elle s'approchait dangereusement du meneur, qui avait du mal à réagir.

- Dylan, putain !

Lula le gifla, et l'homme recula d'un pas, avant de secouer la tête, et de déclarer d'une voix glaciale :

- Rejoins le, Lula.

Lula resta figée, à le fixer, avec colère et déception. Elle fit un quart de tour et se dirigea vers la porte. Au moment où elle franchit le seuil, elle entendit la voix de Henley s'élever dans son dos, mais elle n'en avait plus rien à faire.

- Échec au roi, Dylan Shrike.

Lula dévala les marches de l'escalier de secours ; ses talons claquaient dans un bruit métallique qu'elle détestait. Arrivée devant la porte de secours, elle resta arrêtée quelques secondes. Incapable de bouger, les muscles tétanisés, le coeur serré, et les larmes prêtent à dévaler ses joues, Lula hésita.

Elle finit par ouvrir la porte.
Dehors, le froid la saisit. Elle resserra un peu sa veste autour d'elle, et s'appuya contre le mur qui conservait étonnamment la chaleur de la pollution. Elle ne savait pas quand il allait arriver. Elle ne savait pas comment elle allait réagir. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle l'avait perdu, pour de bon, et que son coeur aurait bien du mal à supporter son absence.

Tout ça n'était pas arrivé d'un coup. Adeline avait abattu ses cartes les unes après les autres, avec la discrétion des magiciens, et les tours de passe-passe qui allaient avec. Lula secoua la tête. Après quelques minutes, à seulement écouter les voitures passer et les gens l'ignorer, la brune releva la tête. Elle l'avait senti arriver.

- Jack.

Elle posa ses prunelles dans les siennes. Il avait l'air différent. Comme si ce qu'elle avait vu s'infiltrer en lui depuis des semaines, sans qu'il ne la croit, avait enfin atteint son but. Il était retombé dans ses filets, retombé amoureux d'elle, de cette fille qu'elle ne connaissait pas et qu'elle n'avait plus envie de connaître, maintenant qu'elle savait qu'elle se jouait d'eux. Elle avait l'impression de sentir son cœur se consumer, lentement mais sûrement.

- Je suis désolé.

Lula serra un instant les dents. Il avait le regard déterminé, mais toujours quelque chose de l'amour qu'il avait eu pour elle. A moins que ce n'est toujours été quelque chose de l'ordre du remplacement. Cette idée l'aurait fait vacillée si la brunette ne fixait pas toujours Jack droit dans les yeux.

- Je ne vais pas te faire de phrases bateaux, Lula. Tu ne le mérites pas. Je veux te demander quelque chose.

Elle ne répondit pas. Elle sentit les larmes venir, impossible à retenir, saccadées. Sa poitrine se souleva irrégulièrement. Plusieurs fois.

- Viens avec moi.
- Je ne peux pas Jack. Tu ne peux pas me demander ça.
- Tu as vu Dylan. Il nous ment. Quand on croyait qu'il disait la vérité, il mentait. Il n'a été qu'un pion. Tout comme nous. Tu veux le laisser gagner ?
- Ce Damien ?

Jack hocha brièvement la tête. Lula le vit réajuster sa veste. Il faisait ça tout le temps. La jeune femme ne put s'empêcher de faire un pas en avant, et de prendre son visage entre ses doigts.

- Jack, j'ai besoin de toi. On a tous besoin de toi. Elle ne t'aime pas. Tu crois qu'elle t'aurait fait subir tout ça, si elle était amoureuse de toi ? Encore ?

Ces mots lui arrachaient la gorge, faisaient vibrer ses cordes vocales avec une amertume qui lui donnait envie de vomir. Mais elle devait les dire. Lui dire. Et il devait entendre. Il devait entendre !

- Non. Je sais bien tout ça. Et oui, je l'aime encore. Je t'aime aussi, Lula. Je t'ai vraiment aimé, je te le promets. Et mon coeur a toujours été un peu stupide, tu le sais. Je la choisis elle... Si tu viens, tu ne choisis pas Dylan.
- Je n'ai jamais fais mes choix par défaut, Jack Wilder. Où est-ce que tu me connais si mal ?

La jeune femme sentit une larme glisser le long de sa joue, et elle posa ses lèvres contre celle de Jack. Une demi-seconde. Et elle se détacha de lui, recula d'un pas.

- Au revoir, Jack.

Elle vit le brun froncer les sourcils. Très vivement, comme s'il ne voulait pas qu'elle remarque. Mais c'était trop tard. Leurs défenses, leurs boucliers de magiciens, leurs visages de pierre... Tout était entrain de s'effondrer.

Ils n'étaient pas des colosses au pied d'argile. Ils n'avaient jamais été des colosses, ni l'un ni l'autre. Lula repassa la porte de secours. Elle se referma en un claquement sec, et elle se mit à pleurer, vraiment.

Elle n'avait jamais été un colosse. Une philosophe, à la limite, protégée derrière son sarcasme et son assurance.

Ça ne tenait plus. Plus personne n'était protégé. Dylan les avait tous mis en danger. Toutes leurs barrières étaient tombées, laissant la voie ouverte à Althaia.

- Échec au roi, souffla Lula.

"Sors le pion du plateau"

Je l'ai perdu. Ça y est. Mais c'est peut-être pour le mieux. Je ne sais plus qui sont les bons dans cette histoire. Je nous prenais pour des Robin des Bois des temps modernes. Si j'étais juste un monstre ? Quel est l'intérêt de ce qu'on est entrain de faire ?
Il nous a divisé en exigeant notre confiance. Henley est partie. Elle est revenue, mais j'ai compris qu'elle n'est plus avec nous. Jack est parti. Atlas n'est plus vraiment là. Moi non plus.

Où est-ce qu'on va ? J'ai intérêt à le découvrir vite. Après tout,
Je suis Lula, la Magicienne.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant