Dix de carreau

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A D E L I N E

"Dixième coup"

La jeune femme planta son regard dans celui de Jack. Il était à l'heure, mais elle, comme toujours, comme c'était le cas lors de leur premier rendez vous au New Rock, quelques semaines plus tôt, était en avance. Pas question de se laisser avoir par un dispositif quelconque. Jack était seul. Il n'y avait aucun micro camouflé dans sa tenue, elle le savait.

Après toutes ces années, Adeline Descartes savait reconnaître les signes. Et les signes lui indiquaient qu'elle pourrait parler tranquillement, et que de plus, il était vraiment venu seul.

Henley l'avait mise en garde. Ils savaient. Jack savait. Son regard était le même, pourtant. Althaia, plus qu'Adeline même, avait gagné.

- Adeline ?
- Tu apprendras que je suis rarement en retard, Jack.

Le brun s'assit en face de celle qu'il avait tant aimé. Il lui sourit, malgré les mots trop familiers pour être autres qu'ironiques, et lui tendit une photo. Ce n'était pas une rose, comme la première fois. C'était la photo qu'Adeline avait prise. La photo d'une partie de tarot. La brune posa sur lui un regard interrogateur.

- J'en ai marre de mentir. Mais plus que tout, j'en ai marre que tu me mentes. Je ne voulais pas que ça se termine comme ça.

Adeline esquissa un mouvement de tête. Elle venait de comprendre que Jack était entrain de lui avouer qu'il savait. La brune fronça un instant les sourcils. Ça ne devait pas être dans les plans de l'Oeil, ça.

La jeune femme prit la photo entre ses doigts, et eut une grimace amère. Elle resta silencieuse face à Jack de longues minutes. Elle sentait la colère monter en lui, mêler à un peu de tristesse.

- Ils savent qui tu es, Adeline. Ou dois-je vraiment t'appeler Althaia ?

La belle brune se contenta de cligner des yeux un bref instant. Le visage froid, le magicien ne savait pas comment il devait réagir. Et c'était exactement ce qu'elle voulait.

- Tu sais, je déconnais pas, Jack. Quand je disais qu'il me manquait. Il me manque vraiment. Mais le Damien que je connais, il est mort. C'est lui qui dirige tout au sein de l'Oeil. Y compris Shrike.

Sur ces mots, Adeline sortit de son sac les photos qu'elle avait trouvé, sur les lieux appartenant à l'Oeil. Des photos prises par Damien, quand ils étaient plus jeunes. 5 photos. Sur chaque photo, la même phrase, qu'elle avait retrouvé sur 4 des six lieux.

- Surveille tes arrières ?
- C'était partout.
- A quoi tu joues exactement ?
- Je ne joue plus Jack.
- Tu joues toujours, Althaia. Mais je t'ai connu longtemps en tant qu'Adeline. Ne fais pas comme si c'était facile de me berner, maintenant que j'ai perçu tes stratagèmes. Je veux juste retrouver celle que je connaissais. Celle qui était vraiment inquiète pour son frère.

Adeline hocha la tête. Elle était déçue, parce qu'elle le pensait plus perspicace. Plus fin dans ses analyses. Et qu'elle n'avait pas envie, après tous ces sacrifices, tous ces plans, de voir tout retomber à zéro.

- Cette fille là n'existe plus, Jack. Je me suis enfoncée trop loin. J'ai entraîné trop de gens. Les Cavaliers doivent tomber pour que le reste de l'Oeil s'effondre.
- J'ai pas envie de me battre contre toi. Tu sais ce que j'ai ressenti, au téléphone ? Quand j'ai entendu ta voix, en sachant que c'était toi ? Toi qui nous rendait la vie si difficile depuis tout ce temps ? On fait tomber les gens qui dupent, les menteurs, ceux qui profitent du système pour détruire des vies. Il est où le problème ? Pourquoi il faut que tu t'en prennes à nous ?
- Tu viens de faire la description parfaite du magicien, Jack Wilder. Et à défaut de me venger, j'ai besoin de comprendre pourquoi Damien a fait ça.
- Tu crois pas que ça serait pire de découvrir la vérité ?

La jeune femme ramassa les photos, les rangea, et se leva, sous le regard las du jeune homme.

- Je veux connaître la vérité. Il n'y a que deux hommes capables de me la donner. Et tu n'es ni l'un ni l'autre, Jack. Arrête moi maintenant, si tu en a le courage, parce que je te préviens. Tu n'auras pas de seconde chance.

Jack resta assis, tous ses muscles désormais si tendus qu'Adeline le voyait.

- Quoi que tu es en tête, je t'en supplie, ne le fais pas.

Alors que la jeune femme s'éloignait, il l'arrêta de quelques mots.

- Je t'aime, Adeline.

Sur ce, la jolie brune pivota, et planta un regard sans émotions sur Jack.

- Je suis désolée, Jack. Adeline n'existe plus.

Et la brune disparut, le regard déterminé mais le coeur lourd.

"Échec au roi."

Ça a été difficile. J'ai cru que je pouvais l'amener à comprendre, après ce que m'a dit Henley, après les mots qu'il m'a adressé. Après tout, il n'avait pas à me dire qu'il savait. Il aurait pu garder ça pour lui, et chercher à me piéger. Je crois qu'il m'aime vraiment. Et oui, j'ai mal aussi d'avoir à m'éloigner. Mais j'ai trop travaillé pour ça. Il disait, la première fois qu'on s'est vu ici, que je n'aurais pas de mal à trouver chaussure à mon pied. Je ne suis pas Cendrillon, et ce n'est pas le prince qui mène la danse.
Vouloir le ramener à ma cause, ça a été une faiblesse.
Et avec ce qu'il me reste à faire, je ne peux plus être faible. C'est la dernière ligne droite.

Je suis Althaia.

Althaia | InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant