J'ai rencontré quelqu'un sur Happn

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Il y a quelques temps, je me suis inscrite sur une application de rencontre nommée Happn. Le concept me semblait intéressant alors, après avoir hésité longuement, j'ai décidé de tenter l'expérience. Au bout de quelques jours à peine, j'ai reçu ce que l'on appelle un « Charme ». Pour faire court, c'est un peu le même système qu'un « Poke » sur Facebook. C'était un garçon de mon âge qui me l'avait envoyé. Sans plus attendre, je me suis jetée sur son profil en constatant qu'il était plutôt mignon. Or, j'étais obligée de le charmer à mon tour pour entamer une conversation. Je ne vous cache pas que j'ai quelque peu hésité. En réalité, je trouvais ça débile de devoir à mon tour lui envoyer la même chose. Mais je l'ai fait quand même.

Je n'ai pas eu à attendre très longtemps pour qu'il engage une conversation. C'était simple, basique. Nous parlions, nous faisions connaissance. En parcourant davantage son profil, j'étais persuadée de l'avoir déjà rencontré quelque part. Il a rétorqué le contraire. Pourtant j'étais sûre de moi mais je n'arrivais pas à me souvenir de l'endroit où j'avais pu le rencontrer. Bref, Quentin était quelqu'un de très gentil. J'adorais son humour, sa simplicité. Pratiquement tous les jours nous nous parlions.

Un soir, alors que je rentrais d'une soirée chez des amis, dans le bus, j'ai ouvert l'application en constatant que j'étais en train de croiser ce garçon à ce moment. En effet, Happn a la particularité d'informer où et quand vous croisez une personne. Sur son profil était indiqué « croisé maintenant, à moins de 500 mètres ». Il faut savoir que ça ne peut pas être plus précis que ça. Ravie, je lui ai très vite envoyé un message avant que le bus ne parte en lui demandant où il était. malheureusement il n'a pas répondu tout de suite. Sur la route, j'ai rouvert l'application en remarquant à nouveau que le statut n'avait pas changé. J'étais toujours en train de le croiser et cela à moins de 500 mètres. Cependant, il n'y avait aucune voiture derrière nous, ni même devant et de plus, le bus avait pris une route de campagne avec rien aux alentours à part des champs et de la forêt. Je me suis dit qu'il devait se trouver avec moi dans le bus. J'observais discrètement chaque personne présente mais lui n'était pas là. J'ai renvoyé un message en attendant impatiemment une réponse. Une fois descendue au dernier arrêt, j'ai découvert sans surprise qu'il était toujours dans le coin. Deux types ainsi qu'une jeune femme étaient descendus avec moi. J'ai regardé une nouvelle fois les photos mais aucun des deux hommes ne correspondait au profil. Je suis finalement rentrée chez moi en pensant que l'application ne s'était simplement pas actualisée.

Le lendemain soir, mes parents m'avaient autorisée à inviter deux de mes amies pour ne pas rester toute seule. Sans hésiter, j'ai contacté Maëlle et Laurine, mes deux meilleures amies, pour une soirée spéciale séries. Il était déjà tard et le dernier épisode venait de se terminer lorsque Laurine a reçu un appel inconnu. Trois tentatives d'appels plus tard, elle a décidé de couper son téléphone. À peine quelques minutes après, ç'a été au tour de Maëlle. Elle n'a pas décroché au premier appel mais au second. Sans se poser de questions, elle a engagé directement la conversation. Elle a mis la main contre son portable et nous a informées qu'il s'agissait d'un homme cherchant à s'amuser avec nous. Laurine et moi lui avons demandé de raccrocher aussitôt. Chose qu'elle n'a pas faite. Prudente et quelque peu intriguée par cet événement, j'ai décidé de fermer la porte d'entrée ainsi que les volets. De toute manière, mes parents ne devaient plus tarder. J'ai d'un seul coup sursauté en entendant les éclats de rire de mes deux amies. Maëlle avait mis le haut-parleur. Certes, l'homme semblait très sympathique et surtout très marrant. Un canular qui avait échoué selon lui. Mais personne ne trouvait ça étrange à part moi, visiblement. Il n'y avait plus que moi qui me posais des questions. Cela dit, nous sommes restées tout de même pas loin d'une dizaine de minutes avec lui.

Par la suite, il a voulu que nous racontions chacune notre tour notre meilleure histoire d'horreur. Heureusement, nous en rigolions bêtement, même si au fond de moi je voulais qu'elles raccrochent. C'est alors qu'est venu son tour. Toutes les trois plongées dans le noir, il a commencé à nous raconter sa légende urbaine. C'était très bizarre. L'ambiance était, d'un seul coup, redescendue et devenue très pesante. Il nous la racontait tellement bien que c'était oppressant. Parfois, nous rions nerveusement pour nous rassurer lorsque ses paroles nous faisaient frissonner d'angoisse. Alors que nous attendions la chute, nous avons soudainement été surprises par les craquements du plancher à l'étage. Un perturbant silence a régné ensuite dans le salon pour ensuite laisser place à nos éclats de rire de moins en moins naturels. Le type ne parlait plus. A bout de nerfs et quelque peu anxieuse, j'ai pris le portable dans mes mains tout en voulant lui dire que nous allions raccrocher. Jusqu'au moment où nous avons clairement commencé à entendre l'écho de ma voix venant directement des escaliers. À travers l'obscurité, un rire des plus anormaux s'est fait immédiatement entendre aussi bien dans le téléphone qu'en bas des marches, puis, quelques mots prononcés d'un air tétanisant ont suivi : « C'est alors que la jeune femme se rendit compte qu'elle avait oublié son portable dans la salle de bains ». Complètement terrifiées, nous sommes précipitamment sorties de la maison par la baie vitrée du salon. Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que ce type nous avait appelées avec mon téléphone resté au premier étage.

Evidemment, la police n'a trouvé personne à l'intérieur. Je n'ai malheureusement pas pu leur décrire l'individu ni même expliquer comment il aurait pu s'introduire dans la maison. Mes amies sont finalement rentrées chez elles. Mon père m'a ensuite accompagnée à l'intérieur de la maison afin de récupérer mon portable. Il était sur la première marche des escaliers. Juste à côté se trouvait un calepin. A l'intérieur, l'individu y avait fait un folioscope. Les dessins représentaient un personnage en mouvement et se dirigeant vers une autre personne, une fille qui semblait être couchée sur son lit. Plus je faisais défiler les pages, plus le personnage de gauche se rapprochait jusqu'à ce qu'il se tienne devant le lit. La fille était alors représentée comme un ange flottant au-dessus de son lit qui, quant à lui, était maintenant rempli de sang. Toujours sous le choc et après avoir réussi à persuader mes parents, nous avons dormi chez ma tante. Ne trouvant pas le sommeil, mes amies et moi reparlions de ce que nous venions de vivre lorsque j'ai reçu un message sur Happn de la part de Quentin. Il se trouvait maintenant à plus de 5km de ma position. « Hey, comment tu vas ? » m'a-t-il demandé. J'étais toute contente d'avoir enfin un message de lui alors je lui ai répondu sans tarder en lui expliquant ce qui s'était passé ce soir-là. Nous avons papoté toute la nuit.

Le jour suivant, je suis restée à la maison avec ma mère. J'ai remarqué que Quentin se trouvait de nouveau à moins de 500 mètres d'où j'étais. Je ne vous cache pas que je commençais à trouver cette histoire de plus en plus étrange. Je l'ai bombardé de questions sans jamais avoir une seule réponse. J'étais perturbée et je ne savais pas vraiment quoi faire. Avec tout ce qui m'était arrivé, je me posais un tas de questions. J'en devenais carrément parano. C'est alors que dans la nuit j'ai enfin reçu une réponse. « Je suis là. » me disait-il. Je me suis aussitôt placée devant la fenêtre en lui demandant où il était quand une main sortie de derrière moi s'est plaquée sur ma bouche. Cette même voix sinistre que l'autre soir m'a chuchoté à l'oreille : « ici. » Je me suis retournée vers lui en étant toujours dans l'impossibilité de dire quoi que ce soit.

Ce n'était pas lui. Ce n'était pas Quentin. Accompagné d'un grand sourire, il m'a saluée d'un ton si naturel que c'en était effrayant. Il m'a conseillé de ne pas dire un mot en me montrant le couteau dans sa poche. Il s'est alors assis sur mon lit et a sorti l'arme de sa poche. Je me suis collée contre le mur en ne le quittant pas des yeux. Il a retroussé les manches de son sweat, ses bras étaient recouverts d'un nombre incalculable de cicatrices. Il a pris son couteau et s'est mutilé devant moi. L'homme a tenté de me rassurer en confirmant que ça ne faisait pas mal et m'a demandé si je voulais essayer. Il a ajouté également qu'il ne ferait aucun mal à mes parents ainsi qu'à moi-même si j'acceptais sa proposition. Je me souviens avoir jeté un rapide coup d'œil vers la porte. Il s'est levé et m'a déconseillé de faire ça. Ensuite, il s'est approché de moi en me tendant le couteau. Toute tremblante, j'ai pris son arme et cherché inconsciemment à le poignarder. Il m'a stoppée sans grande difficulté puis m'a retroussé les manches brusquement en me couvrant de nouveau la bouche. Apeurée et totalement impuissante, j'ai fermé les yeux afin de me mutiler le bras droit. Quand j'ai essayé d'arrêter, il m'a forcée à faire le contraire. Au bout d'un certain temps, je n'ai plus ressenti la douleur. J'ai même oublié qu'il était devant moi. Pourtant, je continuais. Je sentais le sang couler sur ma peau. Je me sentais fatiguée, à bout de souffle. Je ne me souviens de rien jusqu'à mon réveil à l'hôpital. Ce sont mes parents qui m'ont trouvée dans  ma chambre les bras entièrement ensanglantés.

En expliquant la situation aux policiers, l'un d'eux m'a coupé la parole en m'annonçant que Quentin, la personne à qui je croyais parler, avait été retrouvé mort il y a trois jours maintenant. Il semblait s'être suicidé non loin de chez lui. Son collègue a précisé qu'il n'y avait pas moins d'une centaine de coupures au niveau de ses bras comme sur les miens. Je me suis alors souvenue que j'avais déjà vu sa photo sur plusieurs affiches signalant sa disparition il y a quelques semaines maintenant. Depuis cette nuit, je n'ai plus jamais voulu rester toute seule chez moi ni sortir de ma chambre lorsqu'il faisait nuit. Faut dire que cette histoire m'a réellement traumatisée, mais, j'en avais marre que ma mère vienne systématiquement dans ma chambre quand je dormais. Chaque matin je retrouvais ma porte déverrouillée. Après tout, ce n'était pas pour rien si je m'enfermais à clef. Justement, ça me rassurait plus qu'autre chose. Elle s'en faisait trop pour moi mais je pouvais la comprendre. Lorsque je lui ai demandé si c'était elle, elle s'est mise à rire et à me dire : « chérie, tu vas pas me faire croire que tu ne sais pas fermer une porte à clef ? Je te rappelle qu'il y en a qu'une seule pour ta chambre, celle que tu poses sur ta table de nuit avant de dormir ! »

Aujourd'hui, je ne veux même plus retourner chez moi tant que l'homme qui a tenté de provoquer mon propre suicide n'a pas été trouvé. Je vis actuellement chez ma tante.

Don't Read at Night | Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant