Le soleil se couchait à l'horizon, dans une teinte rosée filtrée par les quelques nuages dans le ciel. Au loin, les arbres formaient un ensemble tel qu'ils pouvaient se confondre avec une petite montagne. Au pied de cette forêt se trouvait un petit village, situé au centre d'un creux. Le paysage était digne d'un tableau d'une très grande valeur. Il y régnait un tel calme que cela en était apaisant. Une douce brise virevoltait sous une douce température de fin de journée. Si quelqu'un passait à ce moment-là, il pourrait penser qu'à cet endroit, toute notion du temps serait futile. L'église du village se mit à sonner, coupant le silence par sa cloche. Elle sonna vingt-et-une fois, puis le calme fut de retour.
Cependant, ce n'était que de courte durée. Un puissant bruit, tel un coup de feu, s'éleva des rues. Une personne apparut dans l'allée principale, en train de courir. Elle était suivie par un groupe d'une demi-douzaine d'hommes et de femmes. Tous tenaient quelque chose dans leurs mains, comme si leur vie en dépendait : certains avaient des pelles, d'autres des couteaux, ou encore des balais. La première, cependant, était la seule à posséder une arme : un pistolet 9mm, pour être précis. Ils étaient suivi par une centaine d'êtres, hommes et femmes confondus. Toutefois, leur démarche était anormale : ils marchaient le corps en biais, comme s'ils ne pouvaient supporter leur poids. De plus, ils semblaient en état de décomposition plus ou moins avancées, de sorte que certains membres manquaient ou étaient sur le point de s'arracher.
A travers la lunette de mes jumelles, je pu reconnaître la personne dirigeant le groupe : ça ne pouvait être que ma sœur. Immédiatement, je fus pris par la panique. Et si jamais elle se faisait attaquer ? Et si elle ne pouvait éviter la morsure d'un de ces monstres ? La fin serait inévitable ... Non, je ne dois pas y penser ! Elle est tout ce qui me reste ... En la cherchant avec la jumelle, je fus en mesure de voir une scène qui me réconforta : celle pour qui je m'inquiète venait de tirer une balle dans le crâne de l'une de ces choses. Elle n'avait pas perdu son sang-froid, c'est déjà cela.
Il me fut toutefois impossible de la laisser comme ça. Je plaça ma sacoche sur mon épaule en bandoulière, un petit couteau toujours en main. Mes jambes me firent avancer le plus rapidement possible. Plus je mettrai de temps, moins les chances de survie seront grandes. Arrivé à l'entrée du village, je n'eus qu'à suivre les grognements des créatures pour me guider. Au moment de tourner pour aller sur la place de la Mairie, un nouveau coup de feu retentit. Mon souffle se coupa. La scène qui se tenait devant moi était inhumaine : des tas de corps ensanglantés gisaient tout autour de la mairie, alors qu'une centaine de cadavres animés par une raison inconnue s'avançaient vers le petit groupe acculé. Je chercha ma sœur des yeux, et nos regards se sont croisés. J'aperçus un sourire sur ses lèvres, et c'en était de même pour moi.
Je couru alors à travers le mur d'êtres me faisant face. Une balle fusa à mon oreille pour aller s'écraser entre les yeux d'une des créatures qui allait m'attaquer. J'eus tout juste le temps de me retourner pour le voir tomber au sol. Et alors que je me remettais de face, je reçu un choc brutal sur le crâne, me faisant tomber au sol, inconscient.
Lorsque mes paupières se levèrent, j'eus l'impression que ma tête allait exploser. Puis je ressentis comme des fourmillements sur mon pied droit, ma jambe gauche et mon ventre. Je baissa la tête pour voir, et cela m'horrifia ... Ce n'était pas possible, je ne pouvais pas me faire manger par trois personnes ! Mais alors ...
Je poussa un hurlement de douleur et je chercha ma sœur qui était en train de se barricader dans le bâtiment. Elle m'entendit et me fixa, se retenant de pleurer. Je leva alors trois doigts collés les uns aux autres, et je fis tourner ma main. C'était un signe qu'on s'était donné étant petit pour se dire que tout allait bien et que l'on se veillerai mutuellement. Les larmes coulèrent sur nos deux visages, chacun pour la même raison que l'autre. Nous nous étions compris grâce à ce symbole plus jeune, nous nous sommes encore compris maintenant. Mes dernières forces s'épuisèrent, et il y avait maintenant cinq personnes pour m'engloutir. Ma main tomba au sol, et le sommeil éternel me prit dans ses bas.
Où suis-je ? Tout est noir autour de moi. Alors, c'est à ça que ressemble la mort ... Je m'attendais à quelque chose de enthousiasmant ...
Que se passe-t-il ? Tout est froid autour de moi. Je ne perçois aucune lueur, rien. L'environnement même n'est que noir. Aucune chaleur ... Que faire ?
Qui suis-je ? Tout est si étrange, j'ai l'impression d'être en apesanteur. Je sais que j'ai eu une existence, enfin je crois. J'ai ... J'ai une famille, je crois. Je cherche mon nom, mais est-ce nécessaire ? Après tout, est-ce utile ici, où tout n'est rien ?
J'ai mal. Mon corps me fait mal. Pourquoi ? Pourquoi suis-je en train de souffrir autant ? J'ai l'impression que mon enveloppe corporelle va se dissoudre d'un instant à l'autre ... Je sens mes os brûler en moi, mes muscles fondre petit à petit, ma peau s'évaporer. Mais que se passe-t-il ?!
Ah, une lumière apparaît. Je me sens renaître. Tout ce qui se passait précédemment n'est plus. Je me sens bien, comme entouré par une chaleur protectrice.
Mes paupières s'ouvrent. Je suis ébloui par ce qui me semble être un lustre. Je sens le sol contre mon dos. Les murs sont bleus, enfin je pense.
Je me redresse lentement, mais pas par ma volonté. C'est impossible !
Ma tête bouge alors de droite à gauche. Je ne comprend pas. Pourquoi mon corps bouge sans que je ne le lui demande ? Je me force à m'allonger, mais sans succès. Au contraire, je me lève. J'entends des bruits qui me semblent familier mais je n'arrive pas à les reconnaître. Je m'avance, cette fois de mon gré, et je me retrouve dans une grande pièce avec des meubles collés contre une double-porte. Les fenêtres à l'origine fermées ont été brisées, des bras tentant d'y rentrer. Il y avait aussi six personnes devant la porte, à attendre.
Tout à coup, une sensation que je connaissais bien m'envahit. La faim. J'avais faim. Je remarqua la nuque dénudée de l'une des personnes, et je m'approcha silencieusement. J'avais faim, très faim. Et devant moi se tenait à manger. Pourquoi me le priver ? Je mis alors le morceau de chair entre mes mains, je serra et je croqua. La personne poussa un cri d'effroi. Les autres se retournèrent et hurlèrent. Mais pourquoi réagir comme ça ?
Et puis, j'ai compris. J'étais en train de manger une personne ! Comment ... Comment ais-je pu faire ça ! Mais pourquoi je continue de manger ? Arrête ! Stop !
Mon corps lâcha le corps et posa les mains sur la tête. Il hurla. Je n'en revenais pas : était-ce moi qui avait réussi à faire ça ? Si c'est le cas, alors ...
Mon enveloppe se retourna et je vis qu'une jeune femme se tenait juste devant. Étrangement, je la reconnu directement. Un lien très fort ... Ma sœur. Peut-être qu'elle pourrai répondre à mes questions. Enfin, je dis ça, mais c'est pas comme si je pouvais communiquer. Mes doigts tentèrent de l'attraper. NON ! Mon bras passa derrière sa tête. Les gens poussèrent des cris derrière, et j'entendis une arme se charger. Non ... Non, non, non, NON !
Le bras se referma autour de la nuque de sa cible. Mais contre toute attente, ma bouche ne fonça pas pour la manger. Non, il ne faisait aucun mouvement. J'eus envie de la serrer contre moi, et mon corps a agit. Choqué, je redressa la tête. Je pouvais contrôler mon corps ? Dans ce cas, je veux faire une dernière chose.
Je posa ma main sur ses cheveux, et j'approchai ma tête de la sienne. Je vis alors une larme sur sa joue gauche. J'ai voulu lui dire quelque chose, mais aucun son n'est sorti. Je voulais lui donner un dernier message, mais j'en étais incapable ... Tout à coup, ma mémoire me revint. Je sais quel message lui adresser. Et je sais qu'elle pourra le comprendre, celui-là.
Je me recula un peu et leva ma main droite. La vision de mon membre à moitié rongé n'était pas beau à voir, mais cela ne m'inquiétait guère. Je fis le signe avec trois doigts – ce qu'il en reste, tout du moins – et je fis tourner mon poignet, qui craqua. Je la vis sourire, et cela fit mon bonheur.
Mais d'un seul coup, je perdis le contrôle. Mon corps se mit à faire un bruit et à relever la tête en arrière. Au moment de plonger la tête dans le torse de ma seule famille, une balle se logea dans mon crâne. Je tomba alors en avant, sur celle que j'allais dévorer. J'avais réussi à me contrôler un instant avant le tir, et cela me permit de graver un sourire éternel sur mon visage. Malgré mon état de décomposition, une larme tomba de mon visage et vint s'écraser sur la poitrine de celle qui se retrouva seule. Je l'aimais, et cela m'a permis de la sauver. C'était tout ce que je voulais.
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Don't Read at Night | Tome 3
HorreurVoici le troisième et dernier tome de la trilogie Don't Read at Night. Ces trois tomes contiendront individuellement 199 histoires d'horreur, donc en tout 597 histoires pour vous effrayer et vous faire vivre des nuits blanches. Bonne lecture et surt...