Twenty - Tell me it's real

162 22 28
                                    

Ma robe noire tombe sur mes jambes blanches, jour funèbre. La terre sèche sous mes pieds, parés d'élégants escarpins, est illuminée par le soleil qui filtre entre les arbres majestueux. Je regarde de loin n'osant m'approcher, je suis inconnue à leur tristesse, ai-je seulement le droit de la partager ?

Il ne pleut pas, le temps est l'opposé de l'émotion qui réside dans le cimetière. J'assiste à un enterrement, loin de tous, sans jamais n'avoir pu être présentée. J'aurais préférée participer à un mariage ou ce genre d'événement où l'on m'aurait traînée de force. Tyler qu'est-ce que tu ressens enfermé sous les dalles de marbre que ta famille, étrangère à mes yeux avides et humides, t'ont choisies ? Est-ce que c'est agréable de mourir ? Est-ce que tu m'entends encore ou est-ce juste un bruit de fond comme les voix des autres lorsque nos têtes sont plongées sous l'eau, écartées de toute respiration ? Sache que je me déteste toujours autant et que je ne parviens toujours pas à te haïr.

Si je chantais bien, j'attendrai que tout le monde soit parti et je m'accroupirai devant ta tombe pour laisser un air s'échapper en espérant que tu aimerai puis je te déposerai des fleurs comme dans les films dramatiques. Seulement, je suis Luna Miller et je suis juste capable de déposer un mégot écrasé sous le peuplier qui masque ma silhouette pour pourrir cette herbe fraiche et cette atmosphère à la fois magnifique et morbide. Peut être que moi aussi je serai bien allongée, obligée à dormir pour rattraper mes heures d'insomnies ? Qu'en dis-tu ?

Si je devais disparaitre, je voudrais qu'on me brûle, il faut que je note ça quelque part à la maison, sur un des post-it du miroir de ma chambre. Je refuse qu'on laisse quiconque pleurer sur mes restes ou admirer une plaque qui porterait mon nom, je n'ai toujours été que fumée c'est logique que je termine ainsi. Je pensais que tu ferai pareil mais apparemment tes proches ont décidé de nous infligé ta présence ici et ailleurs. Pas de chance.

Tiens, le cortège sombre s'approche, les tiges des roses dont ils t'ont laissé les pétales en main. Dois-je m'enfuir pour ne pas faire honte à cette merveilleuse famille soudée qui est venue se recueillir ? Je suis un déchet maintenant vois-tu, tu aurais mieux fait me laisser une des substances qui t'as tué. Je m'enfonce dans mon humour noir tandis qu'une femme blonde d'une quarantaine d'années paraissant vieillie par le drame s'approche, je suppose qu'elle est la voix du téléphone.

« Luna Miller, si je ne me trompe ? me demande-t-elle avec un sourire triste.

– Elle-même...

– Je suis Kelly Joseph, enchantée, se présente-t-elle, la mère de...

– Tyler.

– Il m'a beaucoup parlé de toi tu sais il t'aimait autant qu'il aime Maddie...

- Maddie ?

– Sa petite sœur, Madison. Hum... est-ce que tu étais au courant de quelque chose à propos de ce qu'il faisait ?

– Se droguer ? Non.

-– Oh je pensais que toi aussi tu... et que...

– Vous croyiez que je l'avais entraînée là-dedans parce que j'ai une tête de toxico ? J'hallucine, je réplique cynique face à la remarque de Kelly, je ne prends pas ce genre de choses...

- Excuse-moi, je viens de perdre mon enfant alors tout est un peu... embrouillé ?

– Et moi mon meilleur ami, ça fait mal. Cette douleur, moi aussi, je la ressens, je la vis, je n'étais pas juste sa pote qui fumait, qui buvait avec lui, je l'appréciais vraiment vous savez, j'explique agacée qu'on doute de ma sincérité.

– Je le sais et c'est pour cela que je t'ai appelée ce soir-là, pardonne-moi, je cherche des explications. Tyler était l'aînée de la famille, il s'occupait beaucoup des enfants et je culpabilise de ne pas avoir vu, de m'être peut être trop reposée sur lui. On a tous des regrets mais aujourd'hui plus que jamais je m'en veux, m'avoue-t-elle comme une excuse pour ses paroles blessantes et je reçoit comme une gifle sa souffrance à la figure.

STOPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant