Des textes en vrac

Histoire de marin

En lisant ces lignes, en parcourant ces mots remplis d'une douleur vécue, d'un espoir réduis au néant, mon coeur a manqué un battement. Imaginer ces corps se tordant sous la chaleur étouffante d'un soleil qui jette sa malédiction sur ces pauvres marins, a attrapé mon esprit comme une araignée attire sa proie toujours plus au centre de sa toile maléfique. Je pouvais sentir leur peine, entendre le bruit désespérant de la faim, voir leurs larmes de tristesse aux confins de cet océan sans limite dont les vagues accompagnaient le rythme de ces coeurs solitaires.
Perdu entre imagination et réalité, je m'imaginais au côté du capitaine Achab et de Chase, son second, dans leur quête du bout du monde. Je sentais le doux toucher du vent sur ma peau, les cordes rêches sous mes doigts pendant que nous lâchions les voiles, simple victoire de voir qu'elles ne se prenaient pas dans les cordages.

Nous aurions vogué jusqu'à cette région oubliée des hommes au centre de l'océan sans fond. Nous aurions connu la joie de voir notre butin réuni en un seul lieu, toute cette huile représentant le seul obstacle entre nos proches et nous, et la promesse d'un avenir meilleur. J'aurai pu discrètement observer les larmes de joie des marins, très vite, trop vite remplacées par des larmes de désespoir créés par Son arrivée. 25 mètres de long, cachalot déchaîné qui m'aurait décimé comme il les a fait agonisé pendant 90 jours, les laissant errant et sans navire pourtant il leur rendait visite, comme s'il leur portait compagnie ou simplement qu'il admiré son œuvre. Ils ont erré, mourant les uns après les autres dans ces barques de sauvetage, pour permettre aux derniers de survivre.

Le méritaient-ils? Étaient-ils maudits au point de devoir se tuer pour espérer survivre un jour de plus, une heure de plus?
Entre mythe et vraisemblance, la légende de Moby Dick reste en suspens malgré les nombreux écrits et films, c'est un peu à nous de compléter ce voyage conté par le benjamin du navire par l'intermédiaire de la plume de Melville (1820). Et pendant que je visualise mon voyage, vous, qu'imaginez-vous?