Enflammé

37 2 2
                                    

Lors d'une interview, un ami proche d'une auteure de roman décédée le jour même, à l'âge de 20 ans, nous explique ce qui l'a poussé à écrire l'histoire de cette jeune femme.

" Je voulais retracer son histoire, sa vérité mais aussi son vrai visage. Tout ce que les gens voyaient, étaient ce qu'elle désirait montrer. Elle maniait l'art du sourire, du rire, de la posture mais aussi du langage. Le seul détail qui ne pouvait tromper était son regard. Il y avait dedans quelque chose d'effrayant, de tentant et qu'incroyablement terrifiant. Il vous envoutait et vous emportait vers ces mondes qu'elle imaginait.
Elle m'a dit un jour qu'elle n'arriverait jamais à écrire tout ce qui défilait dans sa tête !( rire) Qu'il y avait trop de choses, trop de couleurs, de saveurs et si peu de temps et d'espace pour les écrire. C'était comme si elle savait d'avance qu'elle allait mourir jeune.
Elle avait beaucoup de mal à finir ses livres. Elle en commençait un, puis un deuxième, revenait sur le premier pour repartir sur un troisième puis un quatrième. Aucune histoire ne se ressemblait. Elle s'inspirait de sa vie, des gens qui gravitaient autour, d'un quotidien anodin, de ce qu'on lui disait ou de ce qu'elle observait avec son regard d'enfant. Il était là son Secret: elle riait pour un rien, s'émerveillait de tout comme si c'était la première fois qu'elle découvrait le monde à chaque fois qu'elle franchissait sa porte. Lorsqu'elle parlait, vous pouviez avoir l'impression qu'elle avait parcouru le Monde entier, vu des choses extraordinaires alors qu'elle avait juste passé une journée à écrire, la tête dans les nuages et le cœur en voyage.

Mais en contrepartie de cette émotivité, elle pleurait souvent. Elle se cachait de tous, tournait le regard un seul instant pour ne pas laisser une larme perler.
Je crois qu'à travers ses livres, elle cherchait un moyen de se libérer, de s'ouvrir.
C'est ainsi qu'elle a décrit l'amour.

Elle vivait avec lui tous les jours, modifiant le nom des personnages mais jamais son caractère. En effet, on retrouve le long de ses lignes, quelqu'un de fort, de caractériel, de drôle, quelqu'un qui n'a pas peur de dire ce qu'il pense, ou de le montrer, quelqu'un d'attachant malgré lui, mais qui par son émotivité cachée n'a jamais su comment aimer.
Dans de nombreux ouvrages, cet homme ou cette femme ne s'ouvre pas assez et finit par perdre cet amour qui lui apportait la liberté avec un soupçon de sécurité.
C'était ce qu'elle ressentait, vous voyez? Elle voulait être comprise mais insoumise. Elle faisait beaucoup d'efforts, par peur de voir l'autre l'abandonner.
Vous allez forcément me déclarer que cela ne se voyait pas. C'est sûrement le cas.
Elle ne montrait à personne cela, ce qu'elle appelait " sa faiblesse". Elle ne désirait plus être utiliser ou tromper. "

- A-t-elle écrit un dernier livre avant de mourir?, demanda le journaliste.

À ce moment là, un pompier arriva et remit à l'ami de la victime, un manuscrit.

- Nous avons trouvé ça dans un coffre de la maison. C'est tout ce qu'il reste. Sinon tout à brulé.

Sur le manuscrit était gravé: " Lettre d'une condamnée"

L'ami ouvrit l'ouvrage, parcourant les premières lignes, écrites à la main, du bout des doigts. Une larme tomba alors qu'il arrivait à la dernière ligne de la page.

Sur celle-ci était marqué:
" J'ai exploré les forêts de cet imaginaire, gravit les parois de la grotte du mensonge, longé les rivières de cet immensité. Mais toi, Mort qui nous a hanté, pourquoi l'as tu enlevé? Toi, qui sur le Styx a juré que chacun méritait une longévité, tu l'as pris et maintenant c'est moi qui, la plume au point part au combat dans cet océan enflamé "

Des textes en vracOù les histoires vivent. Découvrez maintenant