Cluedo 2.0

Chapitre 1 - Eden

La fête d'Amir était terriblement ennuyante. J'avais trop bu, déjà et je me rappelais vaguement qu'Éléonnore m'avait traîné ici.

Des ados déjà saoules se déhanchent autour de moi, tandis que d'autres, plus calmes, occupent l'autre moitié du salon. J'observe les quelques personnes raisonnables, qui ne boivent que du coca. Elles dansent aussi, et semblent beaucoup plus épanouies.
Un instant, je me demande ce que je serais aujourd'hui, si moi aussi j'avais décidé de devenir plus mature. Mais je chasse cette idée de mon esprit. Non, ce n'est pas mon rôle. Les personnes qui ne savent pas se lâcher et profiter des bonnes choses de la vie ne sont qu'une illusion. Au fond, elles souffrent  aussi, inutile de se voiler la face.

La musique est un mélange de rap, et de chansons classiques et indémodables. Je jette un coup d'oeil à mes amis, qui sont hilares, affalés sur le canapé. Bien sur, ils sont déjà soûls.
Amir, dont c'est l'anniversaire semble joyeux, quoi qu'un peu perdu face à cette agitation incontrôlable. Je pense à aller le féliciter pour ses 15 ans, mais je renonce. Je ne le fais jamais, et ce n'est pas aujourd'hui que je commencerai.
J'ai toujours trouvé ça ridicule de fêter l'anniversaire de quelqu'un. Oui, un an de plus, et alors ? C'était si difficile que ça de vivre pendant une année entière ? C'est comme si j'allais voir Amir en lui disant : " Bravo, t'es resté en vie pendant un an de plus, franchement félicitations !" . Et puis, on fête la fin d'une année qui se termine, et moi je trouve ça plutôt flippant. On ne se rend pas compte de la vitesse à laquelle le temps passe, alors on invente des moyens pour oublier que nous ne sommes pas éternels. Fêter un anniversaire, par exemple.

Les danse s'enchainent, toutes plus stupides et superficielles les unes que les autres. Les premières notes de la chanson de la chenille retentissent, et tous les invités hurlent joyeusement en prenant leur voisin par les épaules. C'en est de trop pour moi, et je décide de m'éclipser avant de risquer de me retrouver embarqué à mon tour dans la ribambelle de gamins bourrés.

Je marche doucement vers la cuisine, ayant envie d'un nouveau verre de vodka. Quitte à être ici, autant s'amuser.
Je slalome entre des verres cassés et des bouteilles à moitié vides, et atteins enfin le bar. Des bonbons, des bouteilles et des gâteaux  sont empilés sans fin, un peu dans tous les coins. Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. J'ai besoin d'autre chose, de quelque chose qui me fasse me sentir mieux, pour de vrai. À côté, sur une autre table, sont déposées quelques bouteilles d'alcool, de vodka.
Je prends un nouveau verre et saisis la bouteille. Elle est dure à décapsuler et je me blesse avec le tire-bouchon.

- Merde.

Un filet de sang s'écoule sur mon doigt. Je porte ce dernier à ma bouche et aspire le liquide rouge qui en coule. Il ne manquait plus que ça. En plus, impossible de demander un pansement à Amir, je mettrais sûrement plusieurs heures à le retrouver.
J'abandonne et je porte le verre à ma bouche. Les gorgées s'écoulent lentement dans ma gorge, et je me décontracte enfin.
Malgré que la boisson me brûle la gorge, ça ne me fait que du bien. Tandis que je tente de boire une nouvelle fois l'alcool, on me bouscule et je vois lentement mon verre venir s'écraser contre la robe de quelqu'un. En relevant la tête, j'aperçois une petite chevelure rousse.

- Hé ! Mais t'es sérieux là ?! Mais je vais me faire défoncer si je sens l'alcool !

Je suis prêt à hurler sur la personne qui ose me parler ainsi. Si il y a bien quelque chose que je déteste par dessus tout, c'est qu'on se prenne au dessus de moi.
Je trouve en quelques secondes une bonne répartie qui fera probablement fuir la fille, mais je me ravise en voyant son visage. 
Elle doit avoir quinze ans, comme moi. Elle est si petite et si fragile qu'on croirait qu'elle pourrait se briser à la première bousculade. Elle est rousse, une couleur peu commune et qui est souvent propice à des moqueries. Mais curieusement, sur elle, ça devient magnifique. Son maquillage est parfaitement réalisé : un rouge à lèvre de couleur rouge pétant, qui s'accorde parfaitement avec sa robe rose pâle. Elle a un sourire malicieux, et me regarde de ses grands yeux verts.