Chapitre 8 - Malo

1.6K 175 20
                                    

Je ne crois pas avoir déjà un jour été aussi énervé que je ne le suis aujourd'hui actuellement.  Mes notes c'est important pour moi. Je maintiens que je ne suis pas un intello, c'est certain, mais quand même. Je bosse dur l'année entière pour obtenir les résultats que j'ai et aujourd'hui on me suspend du lycée. Autant dire que l'idée ne me remplie pas de joie.

Je connaissais même pas Amir. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que je n'ai presque pas de réelle peine pour lui. Devoir payer pour son pseudo-meurtre me met sérieusement hors de moi. Personne ne s'est dit un seul instant, que non, Malo n'aurait jamais pu faire ça ? Visiblement pas. Je suis sûr que ce mec avait simplement trop bu et qu'il a mal réagit à l'alcool. Oui, c'est triste, mais je n'ai rien à voir avec ça mince ! 

Je me replonge dans ma fiche de révision. Après m'être fait expulsé, ma mère m'a tout supprimé. Ordinateur, portable, télévision. Je dois rester toute la journée enfermé dans ma chambre à réviser, "pour ne pas prendre de retard". C'est pourquoi je me plonge dès maintenant dans les équations du second degrés. Passionnant.

J'entends la porte d'entrée claquer. Ma mère vient de partir au travail. Elle ne rentrera qu'en début de soirée, si elle n'a pas de réunion.
Quant à mon père, il n'est jamais là. Je crois qu'en ce moment il en voyage à New-York, ou au Canada. Je sais même plus si il me l'a dit. Il nous accorde de moins en moins de temps à ma mère et  moi, et ça commence à se ressentir.

Je sors de ma chambre et continue ce que j'avais déjà entrepris hier soir, tard dans la nuit : trouver mon portable. Ma mère l'a caché quelque part dans la maison, et avec quelques efforts je suis sûr de pouvoir le retrouver.
J'ai établi un plan de mes recherches et aujourd'hui j'attaque le salon. C'est pathétique et je le sais, mais je n'ai rien d'autre à faire. Je n'ai clairement pas envie de passer ma journée plongé dans mes cahiers.
J'ouvre tous les placards et je déplace les objets tout en prenant soin de tout replacer au millimètre près. Si ma mère découvre ce que je fais, je ne suis même pas sûr de revoir mon portable un jour.
En ouvrant mon quatrième placard, je découvre mon portable caché derrière une boîte de chocolats. Ce n'est pas très astucieux, tout ça. Malgré ma découverte, il n'y a pas de trace de mon ordinateur, ni de la télécommande de la télé. Mais c'est déjà ça.
Fort de ma découverte, je m'affale dans le sofa du salon et j'allume le précieux cellulaire. Je tape mon code tout en réfléchissant à un moyen de ne pas laisser de trace d'utilisation. Il n'y en a pas vraiment, il suffit juste d'espérer que ma mère ne consultera pas les historiques. Elle ne le fait jamais, mais il faut savoir rester prudent. Un son aiguë que je n'ai pas l'habitude d'entendre me tire de mes pensées. À ma grande surprise, j'ai reçu un message. Je n'en reçois pas souvent, si ce n'est dire jamais, mis à part ceux de ma famille. C'est un numéro récemment enregistré : celui d'Eden. Si on m'avait dit qu'un jour, le mec le plus populaire du lycée m'enverrait un message, j'aurais ri bien fort. Mais ironie du sort, c'est exactement ce qu'il m'arrive aujourd'hui. 

Eden : Salut à vous. C'est Eden. Pour ceux qui auraient déjà oublié, le mec qui était avec vous pendant la mort d'Amir...Enfin, si je vous envoie ce message aujourd'hui c'est pour qu'on agisse. Je supporte pas d'être enfermé chez moi alors que j'ai rien fait. Alors qu'ON a rien fait.
Si vous voulez agir, rejoignez moi au parc près du collège à 15:30. Je ne vous oblige à rien.
++

Ça ne m'étonne pas de lui. Il avait l'air tellement sûr de lui, il a l'âme d'un leader, et ça se voit au premier regard. Mais je comprends, ça craint pour sa réputation. Je l'imagine pendant quelques secondes, enfermé chez lui, seul... Il ne doit pas en avoir l'habitude !
Je ricane et commence à taper un message.

Malo : J'y serai.
++

Je suis moi aussi prêt à tout pour me sortir de là, alors autant écouter Eden : si on s'unit on pourra peut-être écrire une lettre aux policiers ou quelque chose dans le genre... 
Le problème c'est que je n'ai pas le droit de sortir. Mais en réfléchissant quelques secondes, c'est vrai que ma mère ne rentrera que vers 18 heures. Si je rentre suffisamment tôt, elle ne sera pas au courant de ma petite escapade. Enfin, je crois. La réunion ne va quand même pas durer trois heures...Mais on ne sait jamais, je devrai quoi qu'il arrive être revenu pour 17:30 au plus tard. J'efface le message d'Eden et range le portable exactement là où il était. Ma mère ne verra rien, et si jamais elle se rend compte que j'ai utilisé le téléphone, je prétexterai... Un besoin de regarder les devoirs en ligne, ça devrait passer inaperçu.


Il est 14:30. Je prends mes clés et sors furtivement. La rue est pleine de voisins, qui doivent déjà être au courant de ce qu'il m'arrive. J'ai tout sauf envie de parler avec des vieilles dames aux leçons de morales douteuses, alors j'attends que la rue soit déserte et je m'élance à vive allure, capuche sur le crâne. Si un des voisins me voit, je peux être sûr que ma mère sera au courant. C'est fou ils se racontent tout entre eux. D'ailleurs je ne vois pas ce qu'il peut avoir de bien croustillant à cela. Il ne se passe jamais rien, dans ce quartier. Ou il ne se passait, maintenant, il y a moi.

Je le dirige vers le parc près du collège, il est désert. Tout le monde doit être en cours, à cette heure-ci. Je me rappelle que quand j'étais collégiens, j'y allais à chaque fin de journée. J'avais des amis et on s'amusait bien. On se racontait toutes sortes d'âneries en mangeant des barres chocolatées. Mais depuis, j'ai sombré. Je me suis retrouvé seul sans même m'en apercevoir. C'est impressionnant, ce que tout peut basculer en une fraction de secondes. 
Le lycée est situé juste derrière le collège, et plus aucun élèves ne retourne dans le parc. Il n'est occupé que par des collégiens, les plus grands se sont lassés. C'est sûrement déjà démodé. 

Je m'avance à travers les allées du parc, qui me rappellent tant de souvenirs. Je me revois, sourire franchement et rire aux éclats avec des gens qui me ressemblaient. Comment ai-je pu laisser tout ça filer si facilement ? Je marche en regardant attentivement autour de moi jusqu'à repérer deux silhouettes assises sur un banc.
Eden, et Rose. Ils sont côte à côte, et ne parlent pas. J'imagine que la situation doit être plutôt gênante. Je pense un instant à m'en aller. Après tout, je pourrais laisser faire la justice, la vérité éclate toujours. Mais je renonce. Je refuse de me laisser abattre, de rester seul dans ma chambre à ne pas essayer de faire bouger les choses. Si on veut vraiment quelque chose, on doit se battre pour. Eden m'aperçoit et agite la main dans ma direction. J'avance timidement vers ce garçon qui me paraît si imposant.

- Salut. 

Eden s'avance et me tend la main, un sourire chaleureux aux lèvres. Je la serre, hésitant. Il m'est toujours apparu comme un garçon détestable et antipathique, et voilà qu'il se met à serrer la main d'un garçon dont il a du dire beaucoup de mal ? Après tout, si il ne faut que ça pour qu'il m'accepte... 

- Tes parents ont bien voulu que tu sortes ?, il m'interroge.

- Non, j'avoue, ils ne le savent pas. Je suis censé réviser mes maths mais...

- Ce n'est pas comme si tu en avais besoin, les notes suivent toutes seules à ce qu'il paraît.

Il m'adresse un sourie hypocrite, tout en se grattant la tête. Il sait qu'il en a trop dit. Je ne relève pas, et souris pour lui faire comprendre que je ne lui en veux pas. 

Je me tourne vers Rose. Elle reste tout de même à l'écart, me souriant et me lâchant un tout petit "bonjour". Où est passée la fille pleine d'assurance qu'elle semblait être à la soirée ? Je lui souris timidement, mais elle détourne le regard. Waouh... Elle ne semble pas d'humeur à discuter autour d'un chocolat. 

- Bon, je pense qu'on devrait attendre les autres. Enfin, si ils viennent...

- Pourquoi ils ne le feraient pas ?

Eden hausse les épaules, et me désigne le banc sur lequel Rose et lui sont assis. Je m'assois à leurs côtés, méfiant. Ils ne parlent pas plus, et un blanc s'installe rapidement. Nous n'avions pas l'habitude de nous fréquenter avant, et cela se ressent cruellement en cet instant. Malgré tout ça, j'ai l'impression qu'une histoire est sur le point de s'écrire.


Cluedo 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant