Chapitre 27 - Allie

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Eden : Rdv demain 10 heures au parc.

Encore. J'ai l'impression que mes journées sont désormais rythmées en fonction de l'enquête. Je me suis engagée dans une histoire sans vraiment réfléchir aux conséquences et je ne peux pas simplement sortir de chez moi en faisant croire que je vais me promener dans le parc.
Ma mère est bien soupçonneuse, et je sais qu'elle ne croit pas à mes sorties au milieu de la nature.
Je n'ai jamais été du genre sportive, et elle le sait très bien. Mais pour l'instant, elle me laisse sortir sans trop d'explications du moment que je ne m'absente pas trop longtemps, criminelle oblige....
D'ailleurs je ne comprends pas la police. Si elle ne veut pas qu'on sorte dehors, pourquoi ne pas nous garder en prison ? Je sais que tant que rien n'est prouvé, ils n'ont pas le droit. Mais nous exclure du lycée, ça ils l'ont fait.

Hier ma mère est venue m'apporter un dossier entier de feuilles photocopiées. Pour que je "rattrape mon retard. "
Autant dire que je ne l'ai toujours pas ouvert et que je ne compte pas le faire. Le retour à la normal, je ne l'envisage pas vraiment. Peut-être que oui, dans quelques mois j'arriverai à retourner au lycée, mais pas dans celui-ci. Le regard des autres m'a toujours effrayée et jouer un rôle me permettait de l'affronter.
Mais je ne peux plus me cacher derrière ce personnage. À quinze ans, il est grand temps que je m'assume. Que je dévoile celle que je suis vraiment. Le risque c'est de me découvrir une personnalité que je n'aime pas.
Mais rien ne peut être pire que celle que j'ai actuellement.
Il faut se rendre à l'évidence : je suis horrible. Toujours en train de critiquer les autres, sûrement trop sûre de moi, pimbêche, hypocrite... Et c'est une liste loin d'être exhaustive.

J'ai découvert ce message ce matin en me réveillant et je n'ai même pas été surprise. J'avais toujours rêvé de vivre quelque chose comme dans toutes ces séries américaines, mais  je n'avais imaginé que mon vœux se réaliserait.
Et je regrette amèrement d'avoir passé des nuits blanches à m'imaginer impliquée dans une grande aventure. Car ce n'est plus un rêve. Je ne me réveillerai pas demain, soulagée de découvrir mon lit. Non, demain ça sera peut-être même pire.

Allie : Ok.

J'enfile pour la première fois depuis des siècles mon jogging. Tout au fond de mon placard, il semble abandonné. Il faut dire que je n'ai pas pointé mon nez dans le gymnase du lycée depuis un bout de temps déjà.
Il parait que le changement commence par de petites choses. Aujourd'hui, pas besoin de mettre un jean dix fois trop serré, ou même de me maquiller. Premier jour au naturel depuis... longtemps.
J'enfile un sweat et je descends déjeuner.

- Allie...c'est toi?
- J'ai juste mis un jogging maman !
- Oui...justement . Je ne t'ai pas vu en enfiler un depuis ton entrée au collège.

Je lève les yeux au ciel, mais je ne peux pas m'empêcher de rire. Ma mère fronce les sourcils. Je ne l'ai pas rabaissé, je ne lui ai pas répondu. J'ai l'impression que quelque chose se libère en moi et je ne sais pas comment gérer le flot d'émotions qui se déverse en moi. Alors je ris sans trop savoir pourquoi. 

Ma mère le remarque et vient me caresser les cheveux. Ce geste familier me rassure et j'arrête de rigoler pour sourire.

- Tu sors encore au parc ?
- Je...Pas au parc. 

Je baisse la tête. Mentir dans ces conditions me déchire, mais puis-je réellement dire à ma mère que je mène une autre enquête que celle des policiers ? Évidemment que non.

- Je vais changer un peu de chemin, ça me fera du bien, je pense.
- D'accord mais ne sors pas trop longtemps...
- Les policiers, oui je sais. 

Je finis mon bol de céréales et attrape mes écouteurs, mon manteau et mon portable. J'adresse un petit signe de la main à ma mère et je sors dehors.
L'air frais me gifle la figure mais j'avance quand même. Ça me rafraîchit les idées. Les rares fois où je sortais me promener avant, je réfléchissais à ma vie. J'ai pris plusieurs décisions importantes en marchant sur ce chemin, le vent dans le visage.
Je continue de réfléchir, jusqu'à ce que j'aperçoive Sirius, assis sur un banc, les écouteurs vissés dans les oreilles. 
Il est beau, vraiment beau. C'est le premier garçon qui s'intéresse vraiment à moi et ça fait juste bizarre. J'ai peur de trop me précipiter, de trop m'attacher à lui. J'ai peur qu'il me lâche et que mon cœur se brise en mille morceaux, j'ai peur de souffrir. J'ai peur d'aimer tout simplement.
Je m'approche silencieusement de lui. Il continue d'écouter sa musique, la tête entre les genoux. Je ne dis rien par peur de le déranger.
Il finit finalement par regarder autour de lui, et, dès qu'il m'aperçoit, il fourre ses écouteurs dans sa poche.

- T'es là depuis longtemps ?
- Presque.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Je ne voulais pas te déranger. 

Il hausse les épaules et me regarde, gêné. Un silence pesant s'installe, typiquement celui où tu souris poliment sans trop savoir quoi dire.

- Tu sais pourquoi Eden veut nous voir ? Il a confirmé ses infos ?
- Oui.
- Tu sais quoi?
- Oui. 

Il n'en dit pas plus. Encore une fois j'ai peur de déranger, mais ma curiosité prend le dessus et je l'interroge une seconde fois :

- Et donc ?
- On a trouvé le jeu dont parlait le vendeur.
- Sérieusement ? C'est quoi, je connais ?
- Blood Murder.
- Ah oui! Il paraît que certains gars du lycée y jouaient... des sortes de missions virtuelles glauques... Et comment vous savez ça ?
- J'y ai joué. Et j'ai découvert que le site n'était qu'un camouflage...Blood Murder est un groupe aux idées révolutionnaires ultra-violentes. Ils recrutent via leur site et ils voulaient que je rejoigne le clan...D'après ce qu'ils m'avaient dit ils avaient déjà plusieurs affaires sur le dos... Alors peut-être que les rumeurs du tabac sur les meurtres en soirée pourraient être vraies...
- Ouah. Et qu'est ce qu'on va faire ? Il faudrait trouver les leaders du groupe.
- Pour l'instant, je dois vous guider chez un ancien membre du groupe. Il a arrêté de me parler quand j'ai décliné leur proposition, mais c'était un pote à moi avant que je sache qui il était...réellement. 

J'hoche la tête. La vérité est toute proche et ça m'inquiète. Si ce groupe est responsable des affaires de meurtres dont ils parlent au tabac, il y a de fortes chances qu'il soit responsable du meurtre d'Amir aussi.

Eden, Malo et Rose arrivent. Eden les brief rapidement sur ce que Sirius m'a déjà expliqué, puis ce dernier nous conduit jusqu'à la maison de son ancien ami. Je me demande comment il va réagir quand il verra Sirius sur le pas de sa porte.
Sûrement niera t-il faire parti d'un quelconque groupe. Je sais que Sirius prend un risque en nous conduisant chez lui. Si le leader du groupe apprend qu'il refait surface, et en plus pour enquêter, il pourrait avoir de gros ennuis. Et impossible d'en parler à la police sans avouer que nous menons une enquête parallèlement à la leur.

Nous marchons dans le silence complet quelques minutes de plus avant que Sirius se stoppe. Il inspecte les plaques des boîtes aux lettres et nous confirme par un hochement de tête qu'il a trouvé la maison du garçon.
Il sonne avec assurance et s'avance vers la porte.
Une dame en sort. Elle a les cheveux gris, sans pour autant paraître vieille. Elle a de grosses cernes qui creusent ses yeux. Quoi qu'il en soit, elle paraît extrêmement fatiguée.

- Bonjour, je suis un ami de Kévin. On pourrait parler quelques instants à votre fils s'il vous plaît ?
- Vous ne l'avez pas vu depuis longtemps, pas vrai ?
- Oui, c'est vrai. Pourquoi ?

Elle sourit tristement et passe une main dans ses cheveux. Sirius se retourne vers nous, confus.

- Kévin est maintenant en hôpital psychiatrique. Mais bon... je pense que c'était la meilleure solution...pour tout le monde. Enfin, bref, là n'est pas le problème. Il ne revient ici que pour les vacances.
- Je...je ne savais pas...Je suis vraiment désolé. On ne peut pas le voir avant les vacances, alors ?
- Si...bien sûr. Il a l'autorisation de recevoir des visites. Mais je comprendrais que vous rendre dans un hôpital n'est pas évident.
- On ira. Il ne doit pas voir beaucoup de monde, je pense que ça lui fera du bien !
- C'est certain ! Je vous donne l'adresse ! Les visites sont autorisées tous les après-midi. Merci beaucoup, je ne crois pas qu'un de ses amis lui ait déjà rendu visite...

La dame rentre chez elles quelques secondes et en ressort avec un post-it. Sirius l'attrape et remercie poliment la dame. Elle sourit brièvement et referme la porte.

- Je savais pas, je vous jure.
- Vous pensez que le jeu a un rapport avec son internement en hôpital, chuchote Rose ?

Nous ressortons dans la rue et après s'être suffisamment éloignés de la maison, nous recommençons à parler à haute voix.

- J'en ai aucune idée, nous confie Eden, mais on va vite le savoir. On va rendre une petite visite à ce Kévin, et cette après-midi. 

Cluedo 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant