Cluedo 2.0

Chapitre 15 - Rose

L'idée d'Eden est merveilleuse, il faut le reconnaître. Si personne ne nous croit, alors c'est à nous de prouver notre innocence. Je n'aurai pas supporté une seconde de plus de rester chez moi à attendre le procès qui sera de toutes façons contre moi. 

En sortant du parc, je suis directement rentrée chez moi. Contrairement aux autres, je ne pouvais pas directement démarrer ma mission. Comment aurais-je pu débarquer comme ça chez ma tante sans prévenir ? D'autant plus que les policiers envahissent sûrement la maison, à l'affût du moindre indice. 

Alors je me contente de marcher précipitamment jusqu'à chez moi, en me récitant intérieurement le dialogue que je tiendrai avec ma tante. La moindre gaffe pourrait révéler la nature de ma visite chez elle, et je ne veux pas qu'elle sache que je mène l'enquête de mon côtés, même pour lui prouver ma bonne foie.
Elle ne m'en veut pas. Elle ne me croit pas coupable. De toutes façons elle n'y a pas réfléchi.  Elle est trop bouleversée, évidemment. Perdre son enfant est sûrement la pire chose qu'il puisse arriver à une femme. Elle ne le méritait pas. Elle et Amir s'entendaient si bien... Ça me brise le cœur. Ma mère et moi lui avons rendu visite le soir même afin de lui présenter nos condoléances.  Mais elle m'a simplement serré la main en silence, les larmes ruisselant sur ses joues.
Je ne l'avais jamais vue comme ça, elle qui semblait si forte si résistante à l'émotion. Ma mère la tenait par les épaules, comme si son corps menaçait de tomber à tout moment. Moi, j'observais les cadres photos représentant Amir à des âges différents.
Moi, je n'ai pas pleuré. Ça me semble tellement surréaliste : la vie ne peut pas partir alors qu'elle a à peine commencé. Je n'ai pas l'impression qu'Amir est parti pour toujours. 

Je n'ai pas l'impression qu'il est été mon cousin. Cela faisait trop peu de temps qu'on se connaissait pour pouvoir avoir établi de véritables liens familiaux. Il était plus comme un copain, que je voyais de temps en temps aux fêtes de famille. On s'entendait bien.  On avait réussi à établir une petite complicité en peu de temps. 

La première fois que j'ai vu Amir c'était il y a trois ans. Je ne l'ai pas tout de suite trouvé sympa. Il ne souriait qu'à ceux qu'il connaissait et moi il m'ignorait. Je me suis longtemps posé la question de savoir si quelque chose clochait avec moi. Je ne lui avais pas particulièrement parlé, mais avais-je laissé échappé quelque chose de mal sans m'en apercevoir ? 
Au bout de quelques temps, j'ai fini par comprendre que c'était plus de la timidité qu'autre chose.
Et sûrement aussi parce-que je suis la fille de ma mère. 

Ma mère et ma tante se sont disputées pendant longtemps. Elles ne se sont presque pas parlé pendant plus de quinze ans et se sont réconciliées il y a trois ans justement. J'ignore la cause des tentions et ma mère a refusé de me la communiquer. J'ai découvert en peu de temps une autre branche de la famille dont je ne soupçonnais pas l'existence. J'en ai beaucoup voulu à ma mère, pourquoi me cacher ça ? Mais la colère a vite laissé place à l'excitation de rencontrer mon cousin, et ma tante. La veille de la première rencontre, je n'ai pas dormis. J'ai imaginé pendant des heures et des heures ce que ça ferait, de rencontrer mon cousin pour la première fois. J'imaginais une brûlure, une décharge à son contact. Comme deux pièces d'un puzzle qui se retrouvent enfin. Mais évidemment, ça ne s'est pas passé comme ça. Premièrement, parce-qu'Amir était bel et bien un étranger même étant mon cousin, et deuxièmement parce-que je ne l'ai pas touché une seule fois. J'ai réussi à l'attendrir petit à petit, bien que ça n'est pas été chose facile.

Même si les embrouilles semblent finies, Amir et moi avons toujours remarqué des tentions entre les deux femmes. Des piques lancés sans raisons, des regards jaloux en biais... Mais je me suis toujours tût, de peur de voir ma famille s'éloigner une seconde fois.
Mais ma mère appréciait beaucoup Amir tout comme ma tante m'apprécie aussi.