Chapitre 9 - Sirius

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Je marche rapidement vers le parc. Je ne sais pas vraiment ce que je fais. est-ce-que c'est une bonne idée de m'associer avec eux ? Eux dont je ne connais presque rien, si ce n'est que leur prénom ? L'air frais de Mars se fait sentir, et je frissonne. Je n'ai enfilé qu'une simple veste, soucieux d'arriver à l'heure. Mais maintenant je ne suis plus si sur d'avoir envie de les revoir. Comment savoir si je peux leur faire confiance ? Je n'ai jamais eu vraiment confiance en personne, alors pourquoi je devrais m'embarquer soudainement avec quatre lycéens dont je ne sais rien ? Je fais mal, c'est tout. Mais une force invisible me pousse vers le parc, et au fond de moi je ne suis pas contre. Des adultes me regardent méchamment. "Quoi ? Un enfant qui n'est pas à l'école à cette heure-ci ?" "Mais où sont ses parents ?" "Ah la jeunesse de nos jours. Faignants, je vous dis, tous des bons à rien". C'est un des plus gros défauts de l'humanité : la curiosité. Toujours à se mêler des affaires des autres, à ce que les gens font de bien ou de mal. On est toujours si préoccupés par ce qu'ont les autres qu'on en oublie de vivre. Ces adultes, qui me dévisagent dans la rue, je sais rien qu'en les regardant qu'ils n'ont pas la vie qu'ils auraient voulu avoir. C'est pourquoi ils m'accordent autant d'importance : simple moyen pour eux de vérifier que les autres sont aussi malheureux qu'eux.  

Mes parents ne croient pas vraiment que c'est moi, heureusement. Mais ils pensent que j'y suis pour quelque chose, que la police ne m'a pas arrêté pour rien. Alors ils ne se sont pas vraiment fâchés, je crois qu'ils ont juste peur pour moi. Ils ne réalisent sûrement pas l'importance de cette affaire, et après tout : tant mieux. Les avoir sur le dos en plus de la police est la dernière chose que je souhaite. Je suis capable de gérer tout ça tout seul, sincèrement. 

J'ai reçu beaucoup de messages de mes amis qui me demandent des explications mais je n'ai répondu à aucun d'entre eux. Je les remercie d'être là pour moi, c'est vraiment sympa. Mais je ne sais pas... J'ai comme l'impression que prendre du recul avec tout le monde me ferait du bien. J'ai plus que tout besoin de décompresser, et la pause du lycée me le permet bien. Je n'ai répondu qu'au message d'Eden. Les autres attendront quelques jours. 

Quand j'arrive dans le parc, Eden, Rose et Malo sont déjà là. Ils sont assis sur un banc, et gardent le silence, des sourires gênés fixés aux lèvres. Géniale, l'ambiance. Je remarque rapidement l'absence d'Allie. Elle ne doit tout simplement pas être encore arrivée. Je sais que c'est bête, mais au fond de moi j'avais espéré lui reparler grâce à ce rendez-vous improvisé. J'hésite à leur faire la bise mais je me ravise. Si je suis réticent à l'envie de sympathiser avec eux, ils le sont sûrement tout autant. Alors je souris un peu et je lâche un timide "salut. " Ils hochent tour à tour la tête, et je m'assois à l'extrémité du banc.

- Bon on peut commencer. 

Eden nous regarde un à un comme pour vérifier que nous approuvons sa décision de prendre les devants. De toutes façons, il faut bien un leader, et il est évident que je ne serai pas celui-ci. Cependant, j'émets ma première objection :

- Attends, où est Allie ? On devrait l'attendre non ?

Elle aussi est dans cette situation, ce serait plus judicieux de l'attendre. Elle a aussi le droit de faire partie de ce groupes. Mais Eden secoue la tête avant de déclarer : 

- Elle ne viendra pas.

- Comment tu peux en être sur ?

- Je la connais bien.

- Moi aussi.

Il me regarde, surpris. Je sais qu'il ne s'attendait pas à ça. Mais il passe outre ma remarque et frappe dans ses mains, pour réclamer l'attention.

- Vous savez tous pourquoi on est là je suppose. Si je vous ai fait venir c'est parce-que je refuse qu'on me soupçonne à tort, je refuse d'être accusé alors que je suis juste venu à une soirée, comme des dizaines d'autres adolescents. 

Nous acquiesçons tous. Il continue :

- Je pense que cette affaire nous prendra du temps. Il va falloir s'impliquer et se donner à fond. J'ai une sorte de pressentiment en fait. Si nous avons été accusés ce n'est pas pour rien, et il va falloir trouver le vrai coupable. 

Mes poils se hérissent. Ses paroles résonnent dans ma tête. Tout cela semble beaucoup trop précipité. Comment peut-il partir ainsi à l'aveugle sans avoir de motif autre que sa propre détermination ?
Rose qui jusque là avait semblé timide et réservée, prend soudainement la parole avec assurance :

- Je suis d'accord avec toi Eden. Mais avant de tout commencer, il faut se connaître. Je ne pense pas qu'enquêter sans avoir la moindre sympathie les uns pour les autres nous servira à quelque chose. Il faut qu'on se sert les coudes et qu'on apprenne à se connaître. Après, on avisera.
- Comment ?
- On se présente tout simplement, le reste viendra naturellement. 

Elle sourit pour la première fois depuis le début et se lève du banc. Elle s'éclaire la gorge, avant de joindre ses mains, et de se présenter comme à des amis :

- Je m'appelle Rose, j'ai quinze ans. Je suis en seconde 5, au lycée donc. Il paraît que je suis réservée mais je sais me prononcer quand il le faut. A vous !

Elle me désigne du doigt, tandis que je me lève laborieusement du banc sur lequel j'étais assis. Je les regarde avant de déclarer d'un ton monotone :

- Moi c'est Sirius, quinze ans aussi. Seconde 3, j'suis tout ce qu'il y a de plus normal. Je ne pense pas qu'on puisse faire plus banal, plus ordinaire que moi. Mais bon, on s'y habitue au fil du temps.
- Malo quinze ans, seconde 1 qualifié d'intello par tout le monde, et surement par vous aussi. 

Il hausse simplement les épaules avant de se rasseoir sur la banc. Nous nous regardons, gênés. Chacun d'entre nous lui a forcément donné ce surnom un jour ou l'autre et le nier serait hypocrite. Eden hésite, puis se lève à son tour, sous les regards insistants de Rose.

- Eden, 16 ans. Première ES, assez franc et sportif. 

Nous nous regardons quelques instants, complices. Assez franc est le moins qu'on puisse dire.

-  Allie seize ans aussi, première L. pétasse il paraît malhonnête, méchante tout ce qui va avec en fait ! Et puis sûrement d'autres choses glorieuses que chacun d'entre vous pense, mais bon je m'en fou pas mal.

Nous nous retournons, surpris. Allie s'avance vers nous l'air hautain. Je savais qu'elle viendrait. Ses cheveux sont en batailles, et elle n'est pas maquillée. Je suppose qu'elle a décidé de nous rejoindre à la dernière minute. Quoi qu'il en soit, elle me sourit brièvement avant de s'asseoir à côté de moi. 

- Très bien, alors maintenant je suppose que ça commence vraiment ?

Nous gardons le silence. À ce stade nous savons que le retour en arrière sera impossible. Je sais que nous hésitons tous. Chacune des personnes présentes ici donnerait tout l'argent nécessaire pour oublier cet incident. Nous préférerions tous êtres blottis au fond de notre canapé, un chocolat chaud entre les mains. Seulement, voilà c'est impossible. Le destin a choisi ce qu'il allait nous arriver, et le sort qu'il nous réserve reste encore à découvrir. Nous pouvons juste nous contenter d'attendre et de subir ce qu'il va se passer. Si nous sommes tous impliqués dans ce mystère, c'est qu'il y a une raison. et le seul moyen de le découvrir est de partir à l'aventure, aussi dangereuse qu'elle soit. 

Je regarde mes compagnons. Il y a une semaine, ils étaient des personnes que je ne pensais jamais approcher. Des sortes de personnalités contraires absolument inaccessibles pour moi. Et pourtant aujourd'hui nous nous retrouvons embarqués dans une enquête surréaliste, tous ensemble. 

- J'ai peur, avoue doucement Allie. 

- C'est plutôt normal, je lui confie. Qu'est-ce qui pourrait faire plus peur qu'un meurtre ? Rien. Surtout quand les coupables, c'est censé être nous. Je suis sur que chacun d'entre vous s'est pincé, ce soir là, pour être sur de ne pas rêver. Parce-que c'est totalement injuste. Pourquoi vous, et pas d'autres ? Je suis sur que vous vous êtes dit "je suis tombé au mauvais endroit, au mauvais moment". Et en fait, vous avez raison. Mais c'est à nous de réparer ça et on va y arriver, je vous le promets.

Allie me fixe, les larmes au yeux. Elle renifle timidement. Faute de pouvoir la prendre dans mes bras, je lui tends un mouchoir, qu'elle attrape en me remerciant du regard.

-  Et bien, merci Sirius pour ce discours plus qu'encourageant. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Ce qui m'amène à vous poser ma première question : Si quelqu'un a quelque chose à dire, c'est maintenant. 


Cluedo 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant