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Dérapage

C'est la première fois que je mets les pieds dans une salle de cette envergure.

De part et d'autres du terrain s'étalent les dizaines de milliers de sièges disponibles dans les gradins : après tout, il fallait s'y attendre, de la part de la plus grande scène nippone.

C'est bien évidemment au Tokyo Dôme qu'auront lieu quelques centaines de combats, décisifs pour notre qualification en dernière phase du tournoi. La salle, aux dimensions gigantesques, avait déjà été rénovée il y a de cela onze ans, à l'occasion des Jeux Olympiques : elle y avait accueilli nombre de rencontres sportives, et cette histoire culturelle se ressent lorsqu'on y pénètre.

Notre petite délégation de cyber-athlètes prend alors place dans les gradins, s'émerveillant encore des particularités tokyoïtes, jusqu'alors totalement inconnues pour la plupart d'entre nous.

D'ailleurs, Tyrion s'amuse à nous vanter ses connaissances illimitées pour sa ville natale : il prend régulièrement la tête du groupe, imitant parfaitement un guide touristique... Depuis notre arrivée, hier, dans l'après-midi, il n'a fait que parler ; je crois savoir qu'il n'arrête pas, même dans le dortoir des garçons... et qu'il doit en énerver plus d'un !

Aujourd'hui, nous assistons donc au premier combat de la phase de qualification : toute la journée y est d'ailleurs consacrée, et quelque part, je prie pour que ce ne soit pas encore mon tour d'y passer... Ce premier duel s'ouvre donc, opposant deux joueurs ne venant heureusement pas de notre île. De plus, la découverte de ces lieux c'est accompagnée du premier contact avec les autres équipes japonaises, la première occasion de jauger l'adversaire, et de juger ou non de sa dangerosité...

Faye et moi regardons un petit groupe descendre les escaliers dans les gradins, et s'asseoir à quelques mètres en dessous de nous. Bien qu'il y ait une majorité masculine, il y a tout de même quelques filles, l'air plutôt sauvages, à en juger par leur avatar...

Tyrion se penche vers moi :

« Ils viennent d'Oita : j'ai entendu le vigile quand il les a appelés tout à l'heure... »

Il y a environ une centaine de centres accueillant des joueurs qui, comme nous, ont subi le bug d'il y a quelques mois. Chaque centre comporte aux alentours de cinq mille ou sept mille pensionnaires : autant dire que notre île est plutôt déserte...

Pendant notre discussion, Hae nous rejoint, et vient s'asseoir à côté de moi.

« Alors, tu as pu donner la liste des élèves ? », demande Arata.

L'interpelé acquiesce ; il est un peu essoufflé, mais parvient tout de même à articuler :

« J'ai dû traverser... tout le bâtiment pour enfin trouver quelqu'un qui pouvait me recevoir... Et bien sûr, il y avait la queue... »

« Tu as pu voir à quoi ressemblaient les délégués des autres centres d'accueil ? » demande alors Faye, un sourire moqueur sur le visage.

Puis, elle ajoute en rigolant, à notre adresse :

« Bien entendu, c'est nous qui avons les deux meilleurs joueurs japonais, donc ils ne font pas le poids ! »

Pour appuyer ses dires, elle me prend affectueusement le bras et pose sa tête sur mon épaule. Hae lui répond alors :

« A vrai dire, ils semblent plutôt gentils... Même s'ils m'ont pas mal fixé, pendant que j'attendais... Il y en a deux ou trois qui ont un look spécial, mais sinon ça va... »