Aura Spirit Online

Amour

J'ai sommeil...

Nue, sous l'eau chaude qui rebondit et dégouline sur ma peau, je reprends peu à peu possession de mon véritable corps. Tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui, et aussi ces huit derniers mois, tout me semble comme un rêve duquel je me serai réveillée brutalement et péniblement. C'est difficile à admettre, mais revenir à une certaine normalité est plutôt laborieux, voire déprimant.

« Plus de pouvoirs, hein ? »

Avant, lorsque je bougeais la main, poing serré, du haut vers le bas, mon épée apparaissait, prête au combat. Lorsque, une jambe arquée et l'autre tirée vers l'arrière, je m'apprêtais à bondir à toute vitesse sur mon adversaire, dans le but de le mettre à terre, lorsque je ressentais cette montée d'adrénaline causée par le pouvoir que je sentais grandir en moi, prêt à jaillir... Tout cela me semble si loin à présent, comme un doux souvenir amer...

Je baisse la tête, contemplant avec exaspération les mèches brunes qui viennent me barrer la vue, et me rappeler que ce rêve magnifique duquel j'étais l'héroïne est bel et bien terminé, à présent.

Et lui, comment me voit-il, maintenant ?

Est-il surpris ? Est-il déçu de mon apparence ? Je ne suis rien de plus qu'une adolescente japonaise plutôt moyenne, au physique banal et insignifiant ; rien à voir avec Sana, qui jouissait d'une beauté certaine.

Je soupire.

D'un geste machinal, je viens couper l'arrivée d'eau, et sort de cette douche sommaire, aussitôt accueillie par l'air glacial de l'hiver. Qui aurait cru qu'un hangar à l'allure dépravée comme celui-ci bénéficiait d'une salle d'eau encore opérationnelle ? Je suis chanceuse : je n'aurai pas pu survivre sans pouvoir prendre de douche... Surtout après tout ce que j'ai enduré aujourd'hui !

Je repense à la sensation désagréable d'être recouverte de poussière et de sueur...

Sur une chaise, je remarque des habits déposés ici à mon attention – un pull à col roulé, un jean et de gros collants ; après m'être séchée, je m'habille à la vitesse de la lumière en tentant par tous les moyens de me réchauffer.

De l'autre côté de la fine cloison, je peux entendre les rires de mes compagnons, certainement tenus éveillés par le froid. Je souris en comprenant quelques bribes de discussions, et continue à m'égoutter les cheveux, seul moyen pour moi de les sécher.

Je m'avance alors vers la glace embuée, et essaye d'y enlever le surplus de condensation, espérant y apercevoir mon visage, auquel je ne suis décidément plus habituée. Cependant, quelque chose retient mon attention...

J'étouffe un cri, et recule de quelques pas, effrayée par la vision que me renvoie la glace : il s'agit bien de mon visage, de mes cheveux, de tous les traits qui me définissent. Pourtant, le regard que je croise n'a rien à voir avec celui que je pensais trouver : aussi étonnant que cela puisse paraître, l'un d'entre eux – le gauche – est d'un violet brillant, hypnotique et presque magique, qui n'est pas sans me rappeler celui que j'avais donné à Sana ; je m'approche à nouveau de la glace, et tâte cette zone quelque peu anormale, contrastant avec mon œil droit, qui lui, est toujours d'un brun banal.

Se pourrait-il que je me métamorphose à nouveau en Sana ?

Je m'empresse de finir de me préparer, et ouvre la porte me séparant des autres avec une force brutale, trop, peut-être.