Fatalité

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«Hey Sana ! », m'interpelle une voix.

Je me retourne sur ma chaise, abandonnant l'exercice de maths dont les équations me donnent le tournis ; Faye me sourit de son air enfantin, et me chuchote :

« Dis, tu as vu le tableau pour ce soir ? La première année qui provoque en duel le molosse des troisièmes ? On ira voir hein ? »

J'acquiesce, lui rendant son sourire, et lui répond :

« On est un peu obligés, Faye... Mais oui, faudra se dépêcher : ce serait cool qu'on ait une bonne place ! »

Récemment, Sugihara-san nous a tous réunis pour nous informer du fait que les combats entre élèves seraient hebdomadaires, et fonctionneraient par mise au défi. Chaque semaine, un élève est tiré au sort par un professeur, et doit provoquer quelqu'un en duel, qu'il affrontera donc. Le rendez-vous a lieu tous les mardis.

« Au pire, on aura qu'à user de notre statut de délégué ! »

Elle rigole doucement.

« C'est de l'abus de pouvoir, les filles ! », intervient Nemi, avec dérision.

Cannelle nous regarde du coin de l'œil, à moitié intéressée par notre discussion.

« Cannelle-san, tu veux venir avec nous ? », demande Nemi d'un ton doucereux.

La jeune fille acquiesce timidement, et se remet à gribouiller sur son cahier.

Etrangement, mon avis sur elle a changé : bien que je la trouve froide, hautaine et distante au départ, maintenant, en apprenant à la connaître, j'ai appris qu'elle était dans le même cas que moi. Elle avait toujours été timide, à l'école, sauf qu'elle n'arrivait pas à s'en défaire, même dans Aura Spirit Online. Dans la peau de Cannelle, elle avait réussi à gravir les échelons, les niveaux, le tout en étant une solitaire invétérée. Comme moi.

C'est peut-être ce qui nous a rapprochées, quand j'ai aperçu qu'elle dessinait, l'autre jour, après la réunion des délégués : la discussion s'est engagée petit à petit.

Pour Faye, ça a été plus facile : elle possédait déjà une attraction amicale naturelle, qui lui a constitué un bon réseau d'amis, depuis les trois semaines et demie que nous sommes ici.

Ainsi, Nemi s'est jointe à nous, et, étant dans la même classe, nous sommes souvent ensemble.

A mon plus grand désespoir cependant, Erwann – ou Tadashi, c'est comme vous voulez –, a été déplacé dans une autre classe du même niveau : pour autant, grâce à Nemi, nous partageons tous les repas ensemble. Un bonheur !

Sur cette île, nous sommes deux-mille cinq-cents soixante-treize pensionnaires, répartis dans quatre dortoirs : deux pour les filles, deux pour les garçons.

Les délégués principaux ont un étage du bâtiment privatisé, ce qui nous évite les dortoirs bondés, l'absence d'un tant soit peu d'intimité. Et c'est appréciable...

Pour autant, Nemi et Erwann ne semblent pas s'en plaindre, du moins, je ne les ai jamais entendus. Parfois, de nos chambres privées, nous pouvons entendre la musique poussée un peu trop fort, surtout les week-ends.

Il est à présent 17h, et les quelques milliers d'élèves se pressent aux portes de l'arène dans laquelle je me suis battue il y a maintenant trois semaines. Depuis, nous avons assisté à un combat, un duel entre deux élèves de dernière année de lycée, donc des aînés. C'était une bataille acharnée entre deux épéistes d'une grande puissance. Mais eux, on n'a pas eu besoin de les séparer avec des hommes armés...

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