Chapitre 8

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Je m'étais réveillée la première, et selon la montre à gousset de Clother, il était 8h33. Alors que je mangeais un des gâteaux de Mama, j'observais Aron, et me rendis compte seulement maintenant qu'il avait un tatouage en haut du coup. Cela représentait une sorte de poignard avec une lame fine en superposition avec une guêpe. Je ne sais pas si cela a un sens, mais ce qui me dérangeait le plus, c'est le fait que je ne l'ai même pas remarqué avant. Je décidai finalement de le réveiller un peu avant 9h, pour qu'on ne parte pas trop tard.

Lorsqu'il eût ouvert ses beaux yeux verts, j'aperçus une certaine candeur dans son regard encore endormie. Puis en à peine une poignée de secondes, ses yeux si clairs à la lumière du soleil levant, se mirent à reprendre leur obscurité habituelle, s'envahirent d'une marque d'ombre semblable à nous tous, les tueurs à gages, ceux qui peuvent assassiner de sang froid, tant redoutés par « les autres ». Ce changement terne et impromptu me fit reculer d'un pas, comme percutée par son regard doux, innocent, transformé en une sorte de nonchalance, et d'agressivité passive. Il me lança tout en se frottant les yeux.

-Quoi ?

-Rien, il faut juste que tu te lèves au plus vite, histoire qu'on ne parte pas trop tard. Mon ton était doux, beaucoup trop doux.

-Ok. Il descendit de sa branche pour finalement ne boire qu'un peu et se débarbouiller le visage.

Lorsque nous fûmes partis depuis déjà un bon moment, je décidai d'entamer la conversation.

-Quelle classe as-tu choisi ?

-Le mage noir.

Si je ne me trompais pas, cela nous permettait d'accroître de façon radical notre puissance magique, quel que soit le sort que l'on invoquait. Mais, en contre partie, on subissait une baisse de vitesse et de force physique.

-Si j'ai bien compris, tu es une voleuse.

-Oui, c'est ça...

Parfois j'ai l'impression que ces genres d'affirmations ont des allures d'insultes, mais j'asseyais au mieux de mettre mes impressions de côté pour ne pas m'emballer. Soudain, je me souvins de son tatouage dans le coup et essayait le plus discrètement possible de le distinguer dans l'ombre du creux de son coup, mais il est bien trop discret pour en distinguer les traits, sauf si on savait exactement où regarder, et encore...

Environ un quart d'heure après notre courte discussion, nous arrivâmes dans la ville de Sepulcia, La ville qui n'a plus que son avenir pour rêver. En effet, elle est connue pour avoir un passé sombre que personne ne pourrait effacer. La ville a été construite sur les ruines d'anciens bunkers qui ont servi, pendant la période d'oppression juste avant la rébellion de 2137, à des chercheurs, des pseudo scientifiques, pratiquant des expériences sur des pauvres personnes qui se sont faites fauchées par la société.

Sepulcia est maintenant une « future étoile du commerce » selon notre dirigeante. Il était vrai que le nombre de boutiques était impressionnant, il y avait même trois grandes places crées exprès pour accueillir les plus grands commerçants nomades. Les ruines des bunkers sont devenues un site touristique, et les instruments qui ont torturé des pauvres gens, sont désormais maintenus au chaud, dans des vitrines de verre de cristal.

Lorsque nous arrivâmes dans le centre ville, nous décidâmes de nous séparer pour faire ce que l'on avait à faire jusqu'à 1h de l'après midi. Pour ma part, j'eus décidé qu'il fallait à tout prix me trouver un sac, ça ne pouvait plus durer. Sauf que je n'ai pas un curcy sur moi, mais qu'importe ! Je suis une voleuse, et je devais trouver un stand en proie à mes talents. Après quelques minutes de marche à travers une foule curieusement stupide et avide de dépense, je trouvai une échoppe faite de bois, plantée sur un trottoir, entre deux lampadaires. Parfait, vu le monde qui s'y amasse, et les mouvements de la foule, ce sera aisé pour moi de tendre la main et d'attraper un sac. Mais quel sac ? Il faut d'abord que je choisisse lequel je vais prendre, à bandoulière, ou un sac à dos ? Le plus beau esthétiquement serai la sacoche à bandoulière, mais cela risque de me gêner en retombant sur ma hanche, j'avais déjà des sacoches de cuire qui l'encombraient. Va pour le sac à dos ! Je m'approchait du stand à pas lent, traversant un tas de consommateurs sans borne. Je me plaçai derrière une grande blonde, perchait sur des plateformes d'au moins dix centimètres, et parcourais du regard l'étale ainsi présentée. Il y en avait pour tous les goûts, des sacs à main, des sacs à bandoulières, des petites pochettes, des porte monnaies, en cuir, en tissu, rapiécé ou uni, et bien sûr un sac à dos superbe. Il me le fallait, mais il était posté en hauteur, accroché par une simple ficelle. Il fallait que je trouve une solution rapidement, la grande blonde allait bientôt avoir fini ses achats, et ma couverture de grande envergure partirait en claquant des talons. J'aurai pu utiliser une bombe fumigène, mais cela aurait attiré l'attention des policiers qui passaient régulièrement entre les différents magasins, il fallait être discrète.

La grande perche finit alors par se pencher sur un modèle petit, peu pratique, mais en vogue. C'était alors à mon tour, j'eus une idée.

-Bien le bonjour mademoiselle, je peux peut-être vous aider dans votre choix ? Le commerçant s'adressait à moi avec un drôle d'accent.

Première phase de mon plan : Faire descendre le sac à dos tant convoiter.

-Ho oui certainement ! J'hésite encore entre plusieurs modèles. Dis-je tout en faisant divaguer mes pupilles de sac en sac. J'aimerai vraiment jeter un coup d'œil à celui-ci, mon doigt pointait alors ce sac à dos en toile brune et épaisse qui attisait mon regard.

L'homme me le décrocha, et je me mis à l'examiner, en commençant par l'extérieur, regardant attentivement les coutures finement serrées et robustes, puis continuant par l'inspection de l'intérieur du sac, qui avait l'air plutôt bien organisé.

-Avec quel autre modèle hésitiez vous mademoiselle ? Avec un sac plus léger peut-être ?

Deuxième phase du plan : faire diversion.

Je fis mine d'hésiter pendant quelques instant, puis lui désignai un sac pochette de ville, puis encore un autre, toujours plus au fond dans l'étale.

-Celui-là n'est pas mal, mais... Je réfléchis à ce que j'allais lui demander de faire. Est-ce que vous n'auriez pas une couleur plus foncée dans votre réserve ?

-Heu, peut être bien oui, je vais vérifier de ce pas, ne bougez pas.

-D'accord.

Alors qu'il reculait tout en prononçant ses paroles, je refermai le sac à dos qui demeurait entre mains, puis quand il fût retourné, j'empoignai le sac de toutes mes forces et me retournai brusquement.

Troisième, et dernière phase de mon plan : La fuite.

Alors que je cramponnais mon précieux tout en me frayant un chemin entre les regards étonnés et inquisiteurs de la foule, J'aperçus deux policiers à une cinquantaine de mètres, et un autre dans la rue qui bifurquait à droite. A gauche ? Un pile de caisses en bois, et des tonneaux de rhum. Parfait ! Mes jambes prirent à toute allure la direction des caisses de bois et je me mis à les escalader agilement.

Une fois sur les toits des habitations, j'eus le souffle coupé par une vue magnifique s'offrant à moi. Mon œil droit écarquillé devant la vue lointaine du désert, je fus subjuguée de trouver quelque chose de beaux dans ce monde sale, putride, dont je fais moi-même parti. Mes cheveux au vent reflétèrent alors l'ombre que j'incarnais sur cette vue idyllique. Cette voie rauque, presque sensuelle, si ce n'est que trop chaleureuse, si familière et propre à mon mentor vînt à me tirer de mes pensées.

-Belle vue, n'est ce pas ?

Le Jeu de RôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant