I see your true colors and that's why I love you

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Babi est allongée sur son lit, ses oreillers en bataille éparpillés autour d'elle et les jolies productions de ses élèves recouvrant le plaid en lin blanc.
En regardant les dessins pleins de couleurs et de matière, elle a le sourire. Ses petits monstres sont inspirés, drôles et pleins de surprise. Un éclat de rouge sang par ci, un arc en ciel interminable par là, des oiseaux sûrement exotiques, plein d'inspiration revigorante pour illustrer un poème à priori très simple. Babi a le sourire en revoyant leurs têtes concentrées, leurs mains dégoûtantes de peinture et l'application de leurs gestes pour préserver ce trophée jusqu'au séchage complet de la feuille.

Elle aime ce métier, avec tout ce qu'il comporte. Elle n'avait jamais pensé à enseigner avant de se retrouver seule face à elle même, ne comprenant plus sa propre vie, ne sachant plus ce qui compte vraiment. Quoi de plus évident alors qu'apprendre les choses basiques mais essentielles à des gosses innocents ayant la vie devant eux?
Et cela l'avait passionnée, lui faisant oublier tous ses fantômes pour un temps. Elle s'était plongée corps et âme dans son travail, y trouvant une énergie nouvelle et épuisante, une lumière. Elle oubliait l'heure à corriger ses copies et à préparer ses cours, elle ne parlait plus que de ça avec ses amis et reprenait chaque lundi, avec plaisir, le chemin de la petite école de quartier où 19 paires d'yeux l'attendaient impatiemment.
Babi avait trouvé un sens à sa vie, une vraie place dans ce monde bizarre et , surtout, une force nouvelle pour affronter ses propres démons.

Un jour un petit garçon nommé Rico lui avait demandé si elle avait un amoureux, elle avait sourit tristement en lui répondant que non, qu'elle était seule et qu'elle était heureuse ainsi. Et elle avait vu tant de compassion naturelle et décomplexée dans le regard de cet enfant, qu'elle avait eu un pincement au coeur.

-moi je trouve que c'est dommage que vous n'avez pas d'amoureux, il vous faudrait un copain c'est sûr, avait-il dit.
-on dit "que vous n'ayez pas", Rico, et pourquoi est ce que c'est dommage?avait-elle demandé.
-parce que vous êtes belle, rougît le petit garçon, ma maman dit que les jolies dames ont des maris et les autres ont des chats. Vous avez pas de chats hein?

Babi avait explosé de rire avant de répondre :

-non je n'ai pas de chats, mais pas de mari non plus. Dans la vie tout n'est pas blanc ou noir, il y a tellement de couleurs possibles tu sais.

Elle avait alors proposé de travailler sur les couleurs pour illustrer son propos. Ce soir là, en rentrant chez elle, Babi avait regardé un mauvais film romantique et avait pleuré toutes les larmes de son corps. Cette nuit là, elle avait rêvé de H, un rêve étrange, un rêve tout bleu, presque pastel. Et en se réveillant le lendemain elle avait su que son coeur lui serait toujours dévoué. Au moins jusqu'à ce qu'elle puisse lui demander pardon pour tout le mal qu'elle lui avait infligé.

Elle pose délicatement un dessin assez sombre sur le côté et s'allonge tout à fait sur le lit. La tête posée sur un oreiller en plumes d'oie et les yeux clos. Elle sourit en repensant aux quelques jours qui viennent de passer. A H qu'elle a enfin retrouvé.
Elle sent la chaleur de l'émoi dans sa poitrine, l'excitation du manque dans son coeur et si elle force un peu elle sentira son odeur rien qu'en fermant les yeux.
C'était le bon moment pour réapparaître dans la vie du jeune homme, il était prêt à l'entendre, à lui pardonner. Elle était prête, elle aussi, à assumer ses erreurs et à affronter un refus.
Il aurait pu ne plus jamais vouloir la voir, l'ignorer comme elle l'a fait dans le passé ou, pire, la rejeter méchamment. Mais il l'avait tout simplement aimé, comme si durant tout ce temps il l'attendait. Bien sûr il lui en a voulu, il n'a pas succombé tout de suite mais finalement la barricade avait cédé. Et ces quelques derniers jours ont été incroyablement romantiques, comme quand ils se sont baladés dans le parc Güell .
Entourés de fleurs et de plantes, de sculptures multicolores et de palmiers, le gravier glissant sous leurs pas, ils ont déambulé lentement en se dévorant des yeux, laissant parfois leurs mains s'effleurer furtivement. Ils ont parlé autour des fontaines mosaïques en granit, se sont presque embrassés entre les allées de roses odorantes. Ils ont passé de longues heures à se sentir l'un prêt de l'autre sans jamais se toucher.
Ne voulant pas risquer d'être vus par des regards indiscrets.
Perdus au milieu de la foule puis au milieu des recoins inconnus, abandonnés des touristes avides de photos classiques. Cet après midi là, H et Babi se sont retrouvés, seuls parmi le monde, et l'évidence de leur amour n'avait d'égal que le caractère écarlate et flamboyant de Gaudi.
En repensant à cette promenade Babi a le sourire. Depuis quelque jours elle ressent à nouveau les papillons nerveux de l'amour à chaque fois qu'elle laisse son esprit vagabonder jusqu'à son amoureux. Son bel ange déchu au regard sombre, à la carrure rassurante et au sourire parfait. Encore plus fou que dans son souvenir, cet amour là n'est plus tout à fait le même que celui qu'ils ont partagé par le passé. Ils sont plus mûrs, plus sûrs d'eux et surtout, bien plus libres.
Surtout pour elle.

Babi frissonne en réalisant que cette histoire commence sur une trahison et que son rêve n'est idéal que pour elle. Dans ce chapitre une femme va souffrir et cela lui fait de la peine. Elle ne connaît pas Gin hormis ce que Kat lui en a dit et H ne lui pas du tout parlé d'elle. Babi sait que Gin est une femme sensible et originale, douée, secrète et très amoureuse de H. Elle sait qu'il sera difficile pour elle d'accepter cette rupture. Comment l'en blâmer ?
Babi ne peut s'empêcher de jalouser ces années qu'H et Gin ont partagées, elle envie à cette femme toutes ces nuits passées auprès du jeune homme et surtout, plus que tout, elle s'en veut de les avoir involontairement poussés l'un vers l'autre. A cause de son égoïsme elle a réussi à détourner H d'elle.
Quelle bêtise !
Que de temps perdu!
Mais peut être leur fallait t-il ça pour mieux se retrouver. Peut être que ce contre temps était nécessaire pour pouvoir définitivement tourner la page douloureuse du livre et aborder un nouveau chapitre.
Mais dans le prochain paragraphe, il faut encore que H rompe avec sa petite amie et, d'après les dires des uns et des autres, cela ne sera pas une mince affaire.

Babi frissonne à nouveau, elle essaye d'imaginer cette jeune femme trahie, ses traits, son visage, sa voix. Elle se sent bizarrement proche d'elle et ce qu'elle sent lui insuffle de la crainte.
Babi ignore comment H va se sortir de cette situation cauchemardesque et, au fond d'elle, elle ne peut s'empêcher de craindre que le jeune homme n'ose pas franchir le cap.
Pourrait-il faire marche arrière ? Elle ne le pense pas mais un infime doute est bel et bien présent dans sa tete. Babi n'est pas sûre qu'elle y survivrait. Pas après avoir retrouvé l'amour de sa vie. Rien que d'imaginer qu'il puisse lui échapper elle ressent une énorme douleur dans le bas ventre.

Elle grimace en pensant à cette éventualité et se retourne à plat ventre sur son lit, le nez enfoui au milieu des oreillers moelleux elle reconnaît une vague odeur, un parfum lointain, une effluve agréable. Babi laisse échapper un soupir en se remémorant la tête de H posée ici quelques heures plus tôt. Et c'est avec un fragment de lui qu'elle se laisse entraîner vers le sommeil.

3 Mètres Au Dessus Du Ciel : Une Vie Avec ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant