sweet home Alabama, where the skies are so blue

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Il y a beaucoup de monde à l'aéroport, beaucoup trop pour Luque. Il ne sait pas où il doit attendre sa soeur et ça fait un bail qu'il poireaute en faisant les cent pas. Sur un des sièges une petite fille le regarde avec curiosité, se demandant qui ce beau garçon peut bien attendre. Il lui lance un sourire avant de se diriger vers la sortie pour fumer une cigarette.
Gin le trouvera là.
Dire que le fait que H n'ait pas pu venir chercher Gin l'exaspère grave est un euphémisme, ce mec est vraiment un gros con quand il s'y met. Qu'est ce qui peut bien le retenir? Il n'a pas vu sa copine depuis deux semaines et il ne vient pas la chercher? C'est vraiment abusé. Et Gin va être déçue, déçue et désagréable, mauvais mélange.
Très mauvais mélange.
Ce retour n'augure rien de bon. Quand il a eu sa soeur au téléphone il y a quelques jours, il a bien senti que c'était pas la grande forme. Il a mis ça sur le compte de la fatigue et du mal du pays mais il connaît sa soeur. Et l'absence de H aujourd'hui est un signe supplémentaire que ça va mal. Il aime bien le motard, c'est un chouette gars un peu paumé, mais qui ne l'est pas? Ils se sont bien entendu tout de suite quand sa soeur et lui sont sortis ensemble. Ils ont pas mal fait la fête d'ailleurs, partageant tout deux une histoire compliquée, mais depuis que Luque à rompu avec Katina, H s'est fait plus rare. C'est pas grave, des potes, Luque en a plein. Il aime bien sa vie, tout va mieux pour lui, vraiment.

Cependant aujourd'hui Luque est nerveux, sa copine l'a fait chier ce matin pour une vague histoire de cafetière sale et son patron lui a fait comprendre qu'il ne devait plus arriver en retard au boulot. Le problème c'est que Luque a du mal à se lever, depuis toujours. Et puis il y a Gin, et dans sa voix il l'a senti. L'orage sourd qui gronde au loin arrive lentement mais sûrement. Luque tire sur sa cigarette comme si c'était la dernière de sa vie.

...

Gin cherche son homme partout. Elle regarde dans chaque recoin de ce putain d'aéroport, revenant même sur ses pas au cas où elle l'aurait loupé. Elle avance lentement vers la sortie en se disant qu'il doit l'attendre dehors. Dans sa poche son portable vibre des messages qui arrivent les uns après les autres mais elle ne les consulte pas, elle est bien trop pressée. Son coeur de petite fille s'excite à l'idée des retrouvailles. Elle crève d'envie de le voir, de toucher sa poitrine vigoureuse, sentir son parfum enivrant, observer son visage anguleux et son sourire...
Bien sûr il y a des choses à régler, à éclaircir, un tas de sujets à traiter mais tout ça n'est rien à côté du bonheur d'être ensemble. Ils surmonteront toutes les épreuves puisqu'ils sont ensemble.

En attendant, Gin déambule seule dans l'aéroport climatisé. Une voix mécanique annonce le prochain vol en partance et ses pas raisonnent sur le sol en carrelage aseptisé. Il l'attend probablement dehors, fumant sa 10eme cigarette de la journée.
En sortant sous le soleil chaleureux, Gin agite la tête dans tous les sens à la recherche de H et soudain un énorme vide se forme dans sa poitrine.
Luque lui fait signe du bout d'un petit trottoir où les fumeurs s'agglutinent comme une grappe de fourmis sur un grain de raisin.
Bizarrement ses pieds refusent d'avancer un pas de plus, sa main crispée sur la poignée de sa valise. En l'espace d'un instant, elle se sent comme une petite fille abandonnée, comme un chien attaché à un arbre sur une aire d'autoroute. Elle détourne le regard de son frère juste pour voir si H n'apparaît pas au détour d'un malentendu.
Juste parce qu'elle n'arrive pas à y croire. Et alors, lentement, tout doucement, le sentiment de vide dans sa poitrine se transforme en quelque chose d'autre. Quelque chose de bien plus violent.

Elle attrape son téléphone en avançant vers son frère, le visage de cire, la main froide et tremblante. Elle remarque bien l'expression de son frangin mais elle ne fait aucun effort pour avoir l'air agréable. Gin se sent mal, une vraie douleur dans le coeur, une incompréhension et ce doute, toujours lui. Celui là même qu'elle refoule à coup de bêche à chaque fois qu'il pointe le bout de son nez. Elle ne veut pas l'entendre, elle ne veut même pas y penser.

-hello Sister ! La vache tu es bronzée!
-salut frangin! Pourquoi t'es là toi?
-H à eu un empêchement, il m'a appelé en speed pour que je puisse venir te chercher à sa place. Il a dû te laisser un message. Moi aussi je suis content de te voir Sister.
-je vois...j'ai pas regardé mon portable encore, fait elle en ouvrant ses messages avec frénésie.

Luque observe nerveusement sa soeur, cherchant le moindre changement dans son visage comme un indice sur la suite, sur la conduite à adopter avec elle.
Gin n'est plus vraiment là, elle lit. Et son expression est indéchiffrable.

"Luque va venir te chercher, je voulais que tout soit prêt pour ton retour mais avec le taf j'ai pas eu le temps. Je veux tout préparer avant que tu rentres. Désolé. A tout à l'heure.bisous"

Gin ne sait pas trop quoi penser de ce message si distant, comme si elle était partie hier. En même temps elle apprécie l'attention de vouloir tout préparer et, au fond d'elle, elle imagine une surprise, un dîner romantique, un cadeau singulier.
Non vraiment H est bizarre et elle ne sait pas sur quel pied danser.

-il t'a dit quelque chose H? Il ne dit rien dans son message.
-juste qu'il avait un truc à faire avant que tu rentres c'est tout. Mais tu sais il a beaucoup bossé je crois. Ou alors il a fait une grosse teuf avant que tu rentres et l'appart est en chantier, rit il sans conviction.

Gin soupire : Voilà, c'est sûrement ça!

-le connaissant ça m'étonnerait pas, bordel, il a intérêt à assurer pour s'excuser de son absence, le petit con.
-mais tu as ton frérot, c'est encore mieux que ce mec en carton, non?
-oui t'as raison Luque, je suis contente de te voir. Ça va toi?
-ah bah quand même! Tu vois que j'existe !
-bien sûr imbécile.
-ouais bin on dirait pas, j'aurais peut être dû te laisser galerer dans cet aéroport finalement.
-bien sûr, et moi je t'aurais tué sur le coup.
-j'en doute pas Sister. Bon on y va, j'ai hâte que tu me racontes tes vacances sur la route.
-c'était pas des vacances Luque, j'ai bossé comme une dingue. Sois pas chiant s'il te plaît.
-alors raconte moi ton boulot. Je veux tout savoir. Viens, la voiture est par là.

Gin et Luque se dirigent vers la voiture en se taquinant comme deux enfants, comme toujours.
Finalement l'orage ne sera pas au rendez vous sur le chemin du retour.

3 Mètres Au Dessus Du Ciel : Une Vie Avec ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant