seule la lumière pourrait défaire nos repères secrets

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Il passa une main doucement dans ses cheveux. Elle respirait lentement, tranquille, apaisée. Le veloutée de sa peau lui donnait des frissons tant il aimait la caresser encore et encore.
Elle semblait ne rien sentir mais un sourire discret restait accroché à ses lèvres malgré le sommeil profond dans lequel elle était tombée.

Il aurait pu l'observer pendant des heures juste pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Elle était là, endormie près de lui qui ne pouvait sortir de cette bulle protectrice dans laquelle elle l'avait entraîné un peu plus tôt dans la nuit.
Ils avaient fait l'amour, d'abord avec délicatesse, comme s'il ne fallait pas brusquer cet instant privilégié et fragile et puis la douceur était devenue passion. Le manque dont ils avaient tant souffert les avait pris par surprise, saccadant leurs gestes tendres.
Il regardait Babi dormir. Ses cheveux lui dessinait des rayons de lumières sur le visage. Son corps tour entier se soulevait à chaque fois qu'elle inspirait et sa bouche, entrouverte, charnue, rosie d'avoir trop été embrassée lui donnait envie de se jetter sur elle à nouveau.

Il l'observait, allongé sur le côté, un bras sous sa tête et l'autre sur sa peau.
Il pensa alors à la dernière fois qu'il avaient fait l'amour sur la plage. Un moment d'égarement sans saveur si ce n'est le goût du sable froid dans la bouche. Un moment de pure pulsion qui vous laisse une rancoeur tenace dans le ventre. Il s'était dit que plus jamais il ne serait l'objet de quelqu'un...Il sait désormais qu'il ne pourra jamais lui refuser ça à elle.

Aujourd'hui, cette nuit, tout est différent. Il la regarde dans la pénombre et il se sent bien, serein. Quelque part au fin fond de sa tête une vague voix lui crie le nom de Gin mais il ne l'ignore même pas. En vérité il ne se sent pas vraiment coupable, il n'éprouve rien d'autre à cet instant que le bonheur d'avoir assouvi un désir puissant et sourd.
Il sait que c'est mal, que tromper sa petite amie c'est détestable et injuste mais il n'est pas capable de s'en vouloir.
Il est bien trop heureux. Pour l'instant.
Il refoule le sentiment désagréable de la gêne qui lui grattouille timidement  le cerveau. Chaque chose en son temps, il se dit qu'il pensera à tout ça plus tard.  
En attendant il se contente de regarder Babi dormir et d'attendre qu'elle se réveille pour lui parler encore, peau contre peau. Il ne sent pas le sommeil le gagner, ni son corps perdre toute substance. Il ne sent rien quand ses paupières se ferment si ce n'est la caresse perdue d'une petite main engourdie sur sa poitrine.

Dans le silence de la nuit, les deux corps abandonnés de H et de Babi gisent sur le lit satiné, perlant encore de leurs ébats amoureux alors que la fraîcheur du dehors tempère un peu la moiteur de la chambre.
Ils sont beaux, assemblés au milieu des draps. Vaincus par la force de leur sentiment comme si tous les chemins qu'ils ont pris ou tout ceux qu'ils auraient pu prendre les menaient ici. Parce que résister ne servait à rien, inéluctable épilogue.

....

Katina rentre chez elle, usée. Elle a beaucoup bu avec ses amis et elle n'a pas les idées très claires. En marchant avec difficulté sur le trottoir mouvant elle se refait le court de la soirée et repense aux moments agréables. Elle aime ces moments intimes avec ceux qui la comprennent mieux que personne. Elle aime passer du temps avec eux. Elle se sent protégée à leur côté.
Ce soir, cependant, elle a eu peur.
En voyant H et Babi ensemble.
Une alarme silencieuse ultrasonique s'est déclenchée dans sa tete. Ces deux là forment un duo absolument merveilleux mais Kat sait aussi qu'ils peuvent tout détruire sur leur passage. Provocant le chaos et les entraînant avec eux.
Que faire? Les dissuader d'être ensemble? Inutile et suicidaire.

En pouffant de rire toute seule Kat manque de tomber. Son talon restant planté dans le quadrillage des pavés de la rue. Elle tortille son pied pour se dégager et se met à parler tout haut.

-bien sûr qu'il ne faut rien faire! C'est l'amour et puis c'est tout. Pourquoi lutter? Bon tu vas rentrer chez toi illico presto Kat. Parler toute seule c'est le signe qu'il est temps de se coucher. Pourquoi j'ai pas voulu que Diego me raccompagne déjà? Ah oui parce que je suis une femme indépendante et sûre de moi et bla bla bla....

Alors qu'elle esquisse un mouvement circulaire de la main elle entend un rire discret et arrête immédiatement de bouger. Elle plisse les yeux pour trouver celui qui s'amuse d'elle mais dans la pénombre elle ne voit rien. Un léger frisson lui parcoure l'échine. Elle décide alors en silence de continuer sa route.
Autant ne pas s'éterniser car même si Barcelone reste une ville sûre et animée tout au long de la nuit, on peut toujours tomber sur de drôles d'énergumènes.

Elle repart d'un pas décidé et laisse à nouveau son esprit s'évader facilement avec les vapeurs d'alcool.
En arrivant devant chez elle, elle se demande si H et Babi passent la nuit ensemble. Elle ne peut réprimer un pincement au coeur, une petite pichenette nostalgique en les imaginant ensemble et en repensant à cet autre dimension dans laquelle elle aussi vivait l'amour.
Elle grimpe les escaliers quatre à quatre en prenant soin de ne pas faire trop de bruit et pénètre avec soulagement dans son appartement.

-ah enfin! Dégagez maudites godasses!

Elle balance ses chaussures à travers le couloir d'entrée et se précipite dans sa chambre. Elle attrape au vol une bouteille d'eau qui traîne sur sa table de chevet et en avale une grosse rasade. Elle se dit qu'il faudrait qu'elle se démaquille mais le courage lui manque trop.
Le sommeil la gagne rapidement, assommée par l'ivresse, mise KO par les souvenirs. Le visage rieur de Poulet étant la dernière chose dont elle se souviendra avant de s'être endormie.

3 Mètres Au Dessus Du Ciel : Une Vie Avec ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant