3 Mètres Au Dessus Du Ciel : Une Vie Avec Toi

hello from the outside,at least i can say that i've tried to tell you i'm sorry

Il n'y a plus un bruit.
Pas un mouvement autour d'elle.

Même la ville semble éteinte dehors.
Elle n'a plus envie de pleurer, plus du tout. Assise lourdement sur son lit tel un fardeau, elle fait le bilan de ces dernières années passées avec lui.
Et ce bilan ne lui convient pas.
C'est toujours elle qui a fait les efforts, toujours elle qui a recollé les morceaux, toujours elle qui a porté son couple à bout de bras.
Et aujourd'hui il lui balance son mépris à la gueule sans sommation ?
Comment peut-il lui faire ça ?
Quelle idiote est-elle pour se retrouver dans cette situation?
Celle là même qu'elle excecrait dans le passé?
Celle de la femme affligée, soumise à un bourreau, dépouillée de sa force vitale.

Elle renifle, la morve a dessiné des petits cercles sur la couette grise. Elle sourit.
Tout ce résume à ça! A de petits cercles humides sur un lit défait.

Elle a lu dans ses yeux que sa décision était irréfutable, il ne reviendra pas en arrière, il ne reviendra pas tout court. Elle le sait et ça la bouffe de l'intérieur comme un putain de ver solitaire. Elle a vu aussi la pitié et ça....
Ça c'est de trop.
Il ne peut pas éprouver de la pitié pour elle, personne ne doit avoir pitié, ELLE N'EST PAS quelqu'un qui fait pitié.

En suivant du bout de son doigt les tâches humides sur le tissu, elle réfléchi à 100 à l'heure.
Il ne sera pas celui qui plante son drapeau sur sa tête, jamais elle ne sera la victime. Non!
Elle l'aime, ça oui, désespérément et depuis plus longtemps que de raison, mais elle ne peut plus l'aimer maintenant. Pas après ce qu'elle a vu dans son regard.
Elle doit lui dire qu'il ne la pas vaincu, qu'elle seule est maîtresse de leur jeu. Et qu'elle a décidé de finir la partie selon ses règles.

...

-allo Babi?
-salut toi! Comment ça va?
-plutôt bien je crois. Ça a été. Je suis juste incroyablement fatigué.
-je comprends H, c'est normal. Tu veux en parler?
-en fait pas vraiment. Je crois que j'ai envie de me reposer et d'oublier un peu la scène de saccage que je viens de vivre.
-mon pauvre! Ça a du être difficile!
-et bien pas tant que ça bizarrement. Bon, Gin ne l'a pas bien pris, évidemment, mais je m'attendais....à pire.
-comment tu te sens? Tu veux venir chez moi?
-Écoute j'ai vraiment envie de te voir mais je pense qu'il vaut mieux que je me pose pour l'instant. Je vais aller au garage me reposer et voir un peu comment ça s'organise demain. J'ai pas mal de truc à penser, le courrier, les factures, les affaires. Je ne sais pas par où commencer.
-tu m'étonnes ! Çà va aller, t'inquiète pas H. On se voit plus tard alors?
-bien sûr!
-tu m'as manqué aujourd'hui tu sais. J'ai beaucoup pensé à toi.
-moi aussi Babi, j'ai pensé à toi. Je crois que je pense à toi chaque putain de jour depuis que je t'ai rencontré. Je ne sais pas comment j'ai fait pour ne pas devenir fou.

Elle rit, il l'imagine la tête en arrière et la gorge déployée.

-ça aussi ça m'a manqué, dit-il en fermant les yeux.
-quoi donc?
-rien. On se voit plus tard. Je t'appelle Babi.
-Ok.

Elle raccroche et quelque chose lui manque, comme un goût d'inachevé dans les mains. Elle se demande s'il serait intelligent d'aller juste le voir, rien que 5 minutes.
Il lui a dit qu'il voulait se poser mais si elle passait vite fait au garage, pour un baiser, passerait-elle pour une sangsue? A-t-elle déjà le droit de prendre ce genre d'initiative?

Après avoir mordillé le bout de ses doigts elle décide de descendre plus tôt du bus vétuste qui la reconduit chez elle et d'aller chercher un truc à manger pour H. Elle lui déposera et le laissera tranquille. Juste histoire de le toucher, de le regarder encore dans les yeux et d'y voir ce qu'elle cherche depuis tant d'années.
Décidée, elle sort un petit miroir de sa poche et se recadre le portrait sous le regard perplexe d'un adolescent en pleine puberté.
Le gamin l'observe depuis un moment, bonnet gris sur le crâne alors qu'il fait chaud dehors. Quand elle lui sourit brusquement il détourne les yeux et rougît, flatté malgré tout qu'une femme aussi belle lui accorde de l'attention. Le gamin dispose ensuite, sur ses oreilles, un casque énorme d'où sortent toutes sortes de bruits plus ou moins mélodieux. Babi ne reconnaît pas la musique et soupire en se disant que celui là aussi aura sans doute des problèmes d'audition plus tard.

Le gamin prend bien soin de ne plus croiser le regard de la jeune femme, faudrait pas qu'elle le capte encore en train de la mater. Pendant quelques arrêts encore les notes de musique raisonnent en sourdine à l'arrière du vieux bus et Babi se surprend à hocher la tête doucement. Au moment de descendre elle tourne la tête vers l'adolescent et lui lance un sourire incandescent. Un sourire qui dit : toi! tu seras à croquer.

Et dans l'anonymat du bus, entouré de sa musique, une flamme vive s'allume dans la poitrine d'un gamin prépubère. Il lui rend son sourire, naturellement, sans même s'en rendre compte, et le garde sur le visage de longues minutes après qu'elle soit partie. Il gardera ce sourire jusque chez lui.

H, raccroche son téléphone et inspire profondément pour calmer l'excitation que lui procure la voix de Babi à chaque fois qu'il l'entend. Il n'est pas encore habitué à l'avoir à lui, à la savoir là pour lui, regagne la boutique pour dire au revoir à Katina, enfin libérée de son client désagréable. Comment fait-elle pour garder son sourire face à des gens aussi agaçants ?

-je rentre Kat, j'ai besoin de dormir.
-tu vois Babi ce soir?
-non je vais me reposer, je la verrai demain. Faut que je réfléchisse à comment je vais m'organiser maintenant. Trouver un appart et régler mes problèmes. Tout un programme.
-Hugo Olivera est devenu responsable! Il va neiger sur Barcelone ma parole! Dit elle en riant.
-responsable, je sais pas mais crevé ça c'est certain. J'ai juste une dalle d'enfer.
-si tu attends 10minutes je viens chez Estefan avec toi. J'ai une furieuse envie de buritos. Ça te tente?

H soupire et lève les bras, vaincu.

-les buritos d'Estefan ont toujours eu raison de moi. Après je rentre.
-super ! Alors aide moi à ranger ces fringues ça ira plus vite.
-hé mais je ne suis pas payé pour faire ton boulot ma parole!
-tais toi et range, ajoute Kat en lui jetant un pull kaki en laine fine au visage.

Les deux amis entament le rangement rapide de la boutique dans la bonne humeur même si une certaine tension palpable se fait sentir. Au fond d'eux, ils savent que la tempête n'est pas vraiment calmée, comme s'ils étaient dans l'oeil du cyclone sans savoir exactement quand la deuxième salve déferlera sur eux.

...

Le soleil est bel et bien couché, il a laissé quelques traces de son passage sur les feuilles des arbres un peu plus loin, l'air se rafraîchit à peine. Babi arrive devant le garage de H, le rideau de fer est baissé, bien entendu, mais le volet de la porte d'entrée est levé. Son coeur bat la chamade comme si elle était une ado prête à fuguer par la fenêtre, comme elle l'a fait avec H par le passé. Elle porte à la main son petit sac en papier, un bon gros hamburger avec sa portion de frites XXL, il faut au moins ça pour un mec comme H! Elle sait qu'il sera content et au pire il le mangera plus tard.
Juste un baiser et elle le laisse. Vraiment. Juste un seul.
Histoire de le voir, d'être rassurée sur ses sentiments à lui. Juste un baiser.
"Juste un baiser" se dit-elle en entrant dans la petite pièce d'accueil aux senteurs délicates de cambouis et de sueurs, aux relents de ferrailles, de pot d'échappement.
Telle une fleur fragile sur un champs de mine, elle avance, gracile, à peine gênée par l'odeur saisissante qu'elle n'identifie pas vraiment.
Elle entends dans l'arrière salle un bruit de choses qu'on déplace, du mouvement.

-H!! Lance t-elle, je sais que tu voulais être seul mais j'ai pensé que ça te ferait du bien de manger un morceau alors....

Elle arrête instantanément de parler quand elle aperçoit dans l'encadrement de la porte, une jeune femme au regard effréné. Elle ne l'a connaît pas mais, d'instinct, elle sait.
Et son sang se glace brutalement dans tout son corps.

-quelle délicate attention! H à rudement de la chance dites moi! Ricane Gin en voyant Babi laisser tomber son sac par terre.