Chapitre 5

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J'avais vraiment les yeux dans les chaussettes ce matin, mais je devais garder la face devant g/n... 'Je dois être fort pour lui' était la phrase que je me répétais sans cesse durant tout le temps où je fus en sa présence... et y/n... elle avait déjà tant fait pour moi... elle avait tant donné... je ne voulais pas l'inquiéter davantage...

et si elles venait à savoir la vérité... le fond de l'histoire... non. Jamais je ne devais lui dire ; elle en savait déjà beaucoup trop... il était hors de question pour moi de lui dire et risquer de la perdre elle et, par extension, mon fils.


Soupirant, je passai le seuil de la librairie, posai un vieux jeton sur le comptoir, puis me dirigeai immédiatement et sans être vu, vers la réserve où 'mon' atelier m'attendait. J'avais eu peu de chance avec mes employeurs depuis le départ... et pourtant, je n'avais jamais causé de problèmes... pas volontairement... bon, il y avait bien eu la fois où une femme de mon ancien village m'avait reconnu et avait hurlé dans l'épicerie où je travaillais en temps que casier...j'étais resté là-bas au moins deux ans sans me faire remarqué avant ça... et puis il y avait eu la cavalcade des enfants dont les parents m'avaient reconnu quand j'étais encore jardinier... pour le coup, j'avais même pas tenu un mois à ce poste...

J'avais même essayé de chercher du boulot dans d'autres pays... mais encore et encore,mon passé me rattrapait ! Mais finalement, j'avais réussi à trouver une place ici en tant que relieur, archiviste et, aussi concierge... ça revenait moins cher au propriétaire et moi ça me permettait au moins de contribuer à la survie de ma famille...

Je ne voulais pas être l'archétype du mâle alpha nourrissant à lui seul sa famille avec bobonne qui m'attendait devant la porte, un plat tout chaud à la main et les pantoufles sous la table, mais je ne voulais pas être un poids pour elle ! Je ne voulais pas être un parasite !Je voulais juste lui rendre les choses plus faciles... la soulager un peu... et... je pense... me prouver que je pouvais être un bon mari... un bon père... quelqu'un de bien, quoi !


Au moment où j'enfilai mon bleu de travail, la cloche qui était fixée au mur,juste au dessus de mon établi, se mis à sonner ; temps pour moi de nettoyer les chiottes. Je posai donc mes outils, enfilai mon vieux bonnet de laine et, prenant mon fidèle balai, serpillière et tout le saint frusquin, je remontai les marches quatre à quatre.


- « Un mioche a encore vomit dans la cabine numéro deux... »m'annonça mon patron d'un ton monotone quand je passai devant lui.Karl Wilhelm ; petit, malingre avec une tête plus lisse qu'un œuf, ce quinquagénaire ne payait vraiment pas de mine dans ses vieux polos rayés et ses pantalons trop courts. Toutefois, ce vieil Allemand n'était en rien un débris et n'avais jamais renoncé à son footing matinal. Levé à cinq heures tous les matins, même le dimanche, rien, pour cet homme, ne comptait plus que ses livres.


Arrivé devant la cabine qu'il m'avait indiqué, je me mis au boulot et, après quinze bonnes minutes de nettoyage et cinq autres, pour rincer ma serpillière et changer jeter l'eau viciée de mon seau, je retournai dans le sous-bassement. Encore une fois, j'étais coupé des autres... mais, derrière cette porte massive, je pouvais enfin me comporter normalement... sans peur d'être reconnu... de perdre mon travail... mon gagne pain... et de décevoir ma famille une fois deplus...


J'aurais voulu verser une larme, mais je n'en avais pas le temps et ce n'était pas l'endroit... j'avais des couvertures à relier et des fiches à classer... de plus, cet endroit méritait un bon coup de balai... il y avait tellement de poussière, tout semblait avoir perdu ses couleurs !

lectrice & Laughing Jack : arc 4 AgnosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant