LA PLUPART DES GENS détestent le silence. Il le trouve morbide, mystérieux, angoissant. Dans les films, un long moment de silence est toujours annonciateur d'une mauvaise nouvelle. C'est toujours comme ça, comme si le silence ne pouvait être qu'un malfaiteur. Il a fini par prendre cette fausse réputation, cette atmosphère violente qu'on lui associe si bien, et qui est pourtant à des lieues de ce qu'il est réellement.
Le silence n'a jamais rien eu de violent. Le silence est calme, apaisant. C'est l'absence de bruit, l'absence de sons stridents qui vous vrillent les oreilles. Trouvez-vous violent de ne plus entendre votre enfant pleurer au milieu de la nuit ? Non. Vous le trouvez reposant, accueillant.
A l'heure où j'écris, il n'y a pas un bruit autre que ceux de la nuit, les plus appréciables qu'il soit. Mes doigts s'agrippent au crayon et griffonnent le papier sur ma jambe. Assis en tailleur à même le sol, j'observe, j'écoute, depuis bientôt une heure. Les températures sont en chute libre, mais j'apprécie sentir ce froid mordant contre ma peau. Mes poils se sont hérissés, comme lorsque j'ai vu mon premier film d'horreur – qui fut par la même occasion mon dernier. Il n'y a pas vraiment de raisons pour commencer à écrire ce journal. J'ai toujours voulu écrire. Donner à ces pages vierges de tout trait gris une âme, par des mots, des dessins, des symboles. Les en recouvrir, jusqu'à qu'elle ne puisse plus en accueillir, et qu'elles doivent rejoindre cette étagère déjà remplie de carnets dans mon salon, qui leur est réservée.
C'est donc ici que tout commencera. Par des mots couchés sur une feuille blanche, un peu jaunie et pliée dans un coin. Où est-ce que cela se terminera ? Aucune idée. Quand la deux-centièmes pages de ce cahier sera à son tour couverte, comme ses consœurs. D'ici là, il peut se passer tant de choses. L'inspiration me vient comme elle s'en va : subitement, brusquement, aussi vite qu'une étoile filante.
Je sais que l'inspiration, la vraie, m'a quitté depuis longtemps, mais je ne peux m'empêcher de croire que je peux la retrouver en partant à sa recherche. Elle peut se cacher n'importe où, mais j'arrive à l'apercevoir ici, sous une autre forme : le silence.
Car telle est la raison pour laquelle je suis assis ici, dans cette allée où je n'étais jamais venu auparavant. J'étais en quête de cette amie qui aime tant me fuir, l'Inspiration. Elle aime se cacher dans des endroits où elle pense que je ne la trouverais pas, mais je suis certain qu'elle est ici, à Penthourne.
Je n'ai aucune idée d'où je peux bien être. L'allée est plongée dans le noir, minuit approche. Placé sous la lumière du lampadaire, la rue est comme une ombre, invisible à mes yeux. Quiconque passerait dans la rue pourrait me voir, je suis exposé à tous les regards. Ce n'est pas dans mes habitudes de pouvoir être ainsi épié, observé, à découvert. Je devrais me sentir dénudé, faible, mais les mouvements de mon poignet me font penser à autre chose. Mon imagination met mes neurones à feu, effaçant tout le reste. De toutes manières, je ne pense pas que beaucoup de gens soit dehors à cette heure-ci, en hiver. Personne ne viendra me déranger, et je me sens bien mieux ici.
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J'ai fini par retrouver mon chemin pour regagner notre appartement de centre-ville. A cette heure-ci, il est vide. Nous avons beau vivre à quatre dans ce petit 60 mètres carré, c'est à peine si je croise les autres en semaine. Je rentre toujours tard le soir, Charlie vit la nuit, jonglant entre musicien dans une boîte de nuit proche d'ici et scénariste amateur, Astrid s'enferme dans sa chambre pour finir ses travaux universitaires, restant parfois avec ses amis internes, et ma sœur...elle préfère rester dormir chez sa petite amie, mais elle paye quand même sa part du loyer. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle ne s'est pas décidée à quitter notre taudis minable, mais c'est son choix.
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Le Chant des arbres
General FictionPenthourne est une petite ville du Michigan, typiquement américaine : le capitalisme règne en maître, et chacun ne pense qu'à remplir sa bedaine et à embellir son héritage. C'est là que vit Alexander Bronx, artiste déchu qui recherche l'Inspiration...