Chapitre 15 : Jonathan (2)

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UN BRAS VIENT ALORS barrer ma fuite, avant qu'une main ne se plaque sur ma bouche.

- « Pas un bruit », murmure-t-il. « On va se réfugier dans la maison. Russel n'y verra que du feu. »

Acceptant son vœu de silence tant que nous ne sommes pas à l'abri, je suis Jonathan, perplexe par cette dernière partie de la phrase. Non pas que je ne crois pas que Russel ne nous y trouvera pas, plutôt à cause du fait surprenant que Jonathan connaisse son identité. La seule raison pour laquelle il pourrait la connaître c'est que...

- « On est chez toi », je chuchote sans vraiment à chercher à savoir s'il m'entend.

Il acquiesce néanmoins, au moment où apparait l'immense demeure de trois étages. Construite avec une architecture coloniale, comme en témoigne les deux colonnes qui siègent de chaque côté de la porte d'entrée que je parviens à distinguer dans la nuit, même l'escalier d'accès parait plus grand que mon salon. Je me doutais que la bâtisse devait être immense au vu du parc que je venais de traverser, mais je ne m'attendais tout de même pas à quelque chose d'aussi imposant : je me sens soudainement plus que minuscule.

Alors que je fais un pas à découvert, vers la petite fontaine – éteinte - qui s 'aligne parfaitement avec la porte d'entrée et le portail devant lequel nous sommes passés des heures plus tôt (à ce qu'il me semble), Jonathan m'agrippe le bras, me tirant en arrière, me faisant pousser un grognement : j'ai cru qu'il allait me l'arracher.

- « T'es malade, tu veux tomber sur ma famille ? On va passer par derrière, en plus je suis certain qu'Alice a laissé ouvert pour que les odeurs de la cuisine s'échappent. »

Bien que je doute que quiconque puisse être réveillé à une heure aussi tardive et que je ne distingue aucune lumière en provenance de la bâtisse, je décide de lui faire confiance et de l'accompagner de l'autre côté du bâtiment. Là, longeant la façade arrière, il parvient jusqu'à un petit escalier en pierre qui s'enfonce jusqu'au sous-sol, dissimulé sous l'escalier principal qui donne sur l'arrière du parc ; comme il l'avait supposé, la porte en bois est ouverte et une légère odeur de graisse chaude mélangée à celle de la chaleur du renfermé me parvient.

- « Bienvenue chez moi ! Et ne crains pas Russel, il est un peu sourd d'oreille depuis le Vietnam, mais mon père le garde quand même par sympathie pour lui. Olfi est bien plus à craindre.

-Il a dû flairer ton odeur sur mes vêtements, il est reparti après que je sois tombé de l'arbre. »

Je me rends alors compte que ma joue doit encore être souillée de la bave canine. Je me précipite vers le premier évier venu, tourne le robinet et frotte énergiquement mon côté droit.

- « Je hais les chiens », je lâche, sous le regard à la fois surpris et amusé de Jonathan.

Enfin, ce n'est pas vraiment une haine, plus un sentiment très étrange quand je les vois. Ils m'évoquent l'incendie d'il y a quatre ans, sans que je n'explique vraiment pourquoi. Olfi encore plus que les autres. Heureusement qu'il reconnait sans mal l'odeur de son maître.

Sans plus expliquer la situation, Jonathan traverse la cuisine, jouant le rôle de guide, fort heureusement d'un guide enfin silencieux. Le problème des visites guidées, c'est qu'on ne te laisse pas vraiment le temps d'observer les lieux, de dénicher des détails pour comprendre par toi-même avec les informations générales que l'on te donne. Là, seul le froissement de nos étoffes trouble le silence, et on pourrait presque croire que l'on visite une ruine avec une torche, comme deux aventuriers de l'ère contemporaine, avec la lampe de nos téléphones comme seul lumière dans la pénombre des pièces.

Le Chant des arbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant