LE CHANT DES OISEAUX emplit la pièce, et mes paupières se soulèvent. Je grelotte, frigorifié. J'ai à peine dormi de la nuit, simplement recouvert de mon manteau, mais c'était déjà mieux que mes nuits de deux heures chez moi. Mon ventre crie famine, je n'ai pas mangé depuis hier matin, et il me le fait violemment savoir. Je ne capte pas de réseau, et mon téléphone est complètement déchargé. L'imbécile que je suis n'a même pas pensé à l'éteindre durant la nuit : je n'aurais pas de GPS, ni de secours à prévenir en cas de besoin.
La luminosité dans la cabane est plus forte qu'hier soir. Sous ce nouvel éclairage, c'est comme si je la redécouvrais. Le bois est lisse, les planches ont été achetées déjà prédécoupées mais, d'après les lignes de coupes, on les a retravaillées. Ce refuge semble avoir été battis par une seule et unique personne, ce qui représente un travail titanesque. Celui ou celle (même si l'hypothèse d'une fille me parait moins plausible) qui l'a construite doit être doué, et, en plus, il doit beaucoup y tenir. Je me sens un peu comme un intrus ici, mais il semblerait qu'il ou elle ne soit pas venu depuis un certain temps, vu le tas de poussière sur lequel j'ai dormi cette nuit.
Sur le mur face à moi, des douzaines de punaises sont plantées dans le bois, certaines ne soutenant rien, d'autre portant des dessins. Intrigué, je me redresse et m'approche de la première feuille A4, sur laquelle un paysage sauvage a été dessiné au crayon, dans lequel deux chevaux galopent. Dans le lointain, une grande montagne solitaire apparaît. Le dessin ne porte pas de couleurs, mais leur absence ne m'empêche pas d'être subjugué par le réalisme et la vie qui émanent de la feuille.
Curieux, je me dirige vers la feuille suivante, ayant du mal à décrocher mon regard du premier dessin. Le second représente un homme assis sur un banc dans un parc, sa guitare posée à ses côtés, contemplant la ville à ses pieds. Contrairement au précédent, qui rappelait un peu le film Spirit par son côté sauvage et très vif, comme s'il s'agissait d'une photo prise sur l'instant, celui-ci dégage une certaine sérénité, un grand calme apaisant. Les détails sont moins marqués que sur le précédent, comme si son auteur ne voulait pas que l'on puisse identifier l'homme assis sur le banc ou la ville en contrebas.
Un bruit surprenant m'attire alors par la fenêtre, rompant ma contemplation des dessins, et je me dirige vers la petite ouverture pour voir d'où il provient. D'ici, la vue sur la forêt est imprenable. Le vent berce l'herbe verte de la clairière au gré de son envie. Un petit ruisseau la traverse de part en part, attirant à lui les petits animaux ayant le courage de se risquer au découvert. J'aperçois même une biche filer rapidement au loin, cachée entre les arbres. Au-delà de la cime des arbres, la surface bleue lisse du lac Huron resplendit sous les premiers rayons du soleil, brillant en bleu et blanc. Un sourire s'étire sur mon visage. On n'aurait pu choisir un meilleur endroit pour s'installer. Je rêverais d'avoir une vue comme celle-ci le matin en me levant, plutôt que sur l'immeuble d'en face, à moitié délabré, où certaines fenêtres sont condamnées et où les autres laissent échapper des cris de disputes. Ici, tout est tellement calme, tellement apaisant que je pourrais presque y passer ma journée si je n'avais pas à travailler.
Ma montre m'indique qu'il est bientôt six heures. J'ai un peu plus de trois heures pour retrouver mon chemin, je ferais mieux de partir maintenant. Pourtant, mon œil ne peut quitter le vert si pur de la clairière ni même de ces dessins, tous plus beaux les uns que les autres. Mais, à mieux y regarder, on peut voir trois traits différents, comme si tous les dessins qui étaient affichés venaient de trois personnes différentes, ce que je confirme en apercevant, dans le coin de plusieurs dessins, trois signatures opposées. J'étais persuadé qu'une seule personne venait ici, mais il semblerait qu'en réalité, ils soient plusieurs. Peut-être une fratrie d'enfants ?
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Le Chant des arbres
General FictionPenthourne est une petite ville du Michigan, typiquement américaine : le capitalisme règne en maître, et chacun ne pense qu'à remplir sa bedaine et à embellir son héritage. C'est là que vit Alexander Bronx, artiste déchu qui recherche l'Inspiration...