Prologue

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Le marbre renvoyait l'écho du martèlement des souliers qui claquaient durement la pierre. Le halètement de la reine s'y superposait. Elle courait sans relâche, ballotant l'enfant qui s'accrochait à son cou.

Les tapisseries qui ornaient les murs de pierres blanches défilaient dans son champ de vision. Les rayons de lumière coulaient des fenêtres et accrochaient à intervalle régulier le tissu satiné de sa robe.

Comment tout cela a-t-il pu se produire? D'où pouvait-il bien sortir?

Le cœur de la reine s'emballa quand elle pensa à son mari qui défendait leur honneur dans la salle du trône.

N'y pense pas, n'y pense pas, n'y pense surtout pas.

Elle colla la joue tendre de sa fille sur la sienne.

Courage, nous sommes presque arrivées.

La souveraine dérapa légèrement alors qu'elle bifurquait pour emprunter un escalier qui tourbillonnait jusqu'à la chambre royale. S'extirpant de ce colimaçon, elle déposa la fillette à la crinière blonde pailletée d'or sur la douillette duveteuse du lit à baldaquin qui trônait dans la pièce. Elle se pencha vers elle et enserra doucement son visage joufflu entre ses mains. Des larmes pointèrent au coin de ses yeux, mais elle n'en laissa couler aucune. Il fallait qu'elle soit forte. Elle était la reine après tout.

Elle se releva prestement et verrouilla la porte de bois massif. Une autre femme, enveloppée d'une cape noire, s'avança d'entre les ombres. En se retournant, la reine ne put s'empêcher de sursauter légèrement avant de prendre la parole :

-Vous êtes là.

La reine se retourna vers la petite poupée au regard innocent. Elle lui sourit malgré la tristesse qui l'envahissait, puis reporta son attention sur la femme en noir.

-Après avoir emprunté le passage, dirigez-vous vers l'endroit convenu, il y aura assez de vivres pour vous permettre de laisser les choses se calmer, puis quittez la ville.

L'autre femme hocha la tête en la baissant légèrement. La reine s'approcha pour poser une main rassurante sur sa joue.

-Ne désespérez pas, c'est notre fin à nous, mon mari et moi, mais certainement pas la sienne, affirma-t-elle en posant un regard aimant sur la petite fille.

Malgré le ton doux et sûr qu'elle avait employé, la panique s'agitait en elle. Elle allait mourir, c'était une évidence.

N'y pense pas.

Elle se retourna vers sa chère enfant.

Au moins ce ne sera pas en vain.

La femme à la cape la tira de ses pensées.

-Je ferai de mon mieux ma reine, jura-t-elle d'un ton vacillant.

-J'en suis certaine. Prenez bien soin d'elle.

La reine posa un doux baiser sur le front de sa fille et recula d'un pas lent vers la porte.

Je ne la reverrai jamais.

-Au revoir, ma belle enfant, je t'aime, souffla-t-elle

La petite fille agita lentement la main, geste auquel sa mère répondit, adossée au bois de la porte. Elle tourna la poignée et sortit avant de refermer le battant derrière elle. Elle glissa le long du bois, une main pressée contre ses lèvres. Elle ne put retenir les larmes qui tracèrent des sillons humides sur sa peau.

Il n'y a rien à regretter, maintenant, va le rejoindre.

La reine se releva péniblement, son dos toujours collé sur la paroi de la porte.

Cours, se morigéna-t-elle, cours avant qu'il ne soit trop tard.

Dans la chambre royale, la femme coula un regard attendrissant à la fillette et se pencha vers elle.

-Vient ma chérie, nous avons une longue route devant nous.

Elle couvrit la fillette d'une cape qu'elle noua avant de la prendre dans ses bras. Le bambin ne pipa mot et passa ses bras boudinés autour du cou de la femme. Celle-ci se dirigea vers une armoire ouvragée veinée d'or et pesa sur une minuscule rune gravée sur le revers de la poignée. Celle-ci s'effaça définitivement après le contact. L'armoire glissa rudement sur le côté, ne laissant cependant aucune trace sur le bois franc. Un passage sombre se trouvait derrière. La femme s'empressa de s'y engager après avoir saisi la lampe qu'elle avait au préalable allumé. L'armoire reprit sa place et un claquement sinistre se fit entendre.

Seules, il n'y avait plus que le bruit des pas de la femme pour meubler le silence.

Tout ceci est-il bien réel? se demanda celle qui emmenait l'enfant. 


Les anges d'Héliomande (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant