Les anges d'Héliomande (Terminé)

Chapitre 21 : Balafre

Igrim était assis, les mains posées sur ses cuisses. Il tentait de récupérer son souffle qui s'était raccourci à force de faire des allers et retour entre les litières des blessés.

Il se promenait tranquillement dans le camp lorsque des craquements de branches et des bruits pas n'avaient cessés de se multiplier pour emplir l'air d'un fracas infernal.

Le camp s'était activé en une fraction de seconde. Des anges avaient jailli de toute part pour se ruer aux abords du camp et repousser l'envahisseur. L'angoisse avait fait tomber les traits du vieil homme qui se départait rarement de sa mine joyeuse.

C'est à ce moment que Wellan avait atterri à ses côtés, distribuant encore quelques ordres avant de lui porter pleinement attention. Une infinie tristesse ainsi que l'adrénaline du combat agitaient ses prunelles vertes. Elle s'approcha à quelques centimètres de lui pour couvrir le bruit de l'émoi :

-Il faut que vous partiez. Je vous confie la garde des plus jeunes et le commandement de ceux qui se retireront avec vous. On se retrouve au point de rendez-vous.

Il posa une main ferme sur son épaule pour lui témoigner son appui et elle hocha la tête en réponse.

Un deuxième ange s'était posé et alors que Wellan les quittait pour combattre, il s'approcha. Igrim soupira amèrement.

Si seulement il avait encore ses propres ailes.

À contrecœur, il laissa le jeune ange le prendre dans ses bras son corps fragilisé par les nombreux combats qu'il avait menés par le passé. Igrim se sentit vieux, plus vieux que jamais auparavant. Il ne s'appesantit cependant pas sur son impuissance et dicta à l'ange l'endroit du point de rendez-vous.

Il avait à peine hoché la tête qu'ils décollaient déjà. En quelques battements d'ailes, ils s'étaient déjà fort éloignés du camp. Igrim avait resserré son étreinte autour de ses épaules alors que le vent mordant malmenait sa toge.

Le trajet dura une éternité pour le vieil homme assailli de courbatures.

L'ange avait fini par atterrir au sein de la forêt. Des constructions de bois phagocytées par la mousse et les plantes s'harmonisaient avec le paysage.

C'était un ancien village qu'ils avaient découvert au fil des explorations. Il était complètement abandonné depuis des dizaines d'années, mais il offrait un point de rencontre et une réserve idéale.

Igrim s'était retourné vers le jeune ange. Il avait les poings serrés et le regard perdu vers des pensées qui lui étaient propres, mais qu'Igrim pouvait tout de même deviner.

Il était frustrant de devoir rester derrière alors que les autres défendaient leur vie. Il avait eu un sourire plein d'indulgence à son intention. Il ne lui avait tout de même pas laissé le temps de ruminer, car ils devraient se préparer à recevoir les blessés.

Et peut-être des morts.

-Jeune homme, va chercher les litières, elles sont dans les anciennes écuries situées proche des pâturages.

Après qu'ils aient monté les brancards, les choses s'étaient considérablement accélérées. Des anges avaient débarqué, des compagnons blessés dans les bras ou eux même affligés de blessures.

Igrim avait retroussé ses manches et avait commencé à traiter les guerriers. L'effluve du sang et de la sueur se dégageait des corps mutilés.

Des heures durant, sans relâcher ses efforts, Igrim avait enrobé les plaies de cataplasme et de bandes de lin. Il avait également commandé à ceux qui pouvaient lui être utile ce qu'il devait faire afin de soigner leurs congénères. Des gémissements étouffés ainsi que des quintes de toux s'étaient propagés au milieu des souffrants.