Les anges d'Héliomande (Terminé)

Chapitre 2 : Les anges

Les trois jours qui suivirent furent éreintants, car elle mit toute son âme dans sa création. Ce poste d'apprentie était son avenir dans cette ville et elle comptait bien le décrocher en en mettant plein la vue à Fredrick.

Le four chauffa de la fermeture jusqu'à l'ouverture le lendemain matin. Sans répit, elle travailla le métal et raffina le couteau qu'elle préparait. Chaque coup de marteau résonna à travers son corps, en harmonie. En transe, elle ressentit chaque muscle se contracter sous l'effort.

Elle finalisa son ouvrage en y gravant les runes d'usages et certaines autres que son père lui avait apprises. Elle y consacra toute une nuit, traçant les figures avec précaution. Elle raffina elle-même l'encre d'albal qu'elle utilisa avec un tamis de sa confection.

L'albal était un arbre trapu à l'écorce d'ébène et au feuillage laiteux. Personne ne sait qui a eu la brillante idée de prendre sa sève pour tracer les runes, mais sa propriété indélébile rendait celles-ci plus résistantes au temps.

Cernée et fourbue, elle remit sa lame à Fredrick après trois jours de dur labeur. Il la prit entre ses mains calleuses et la détailla d'un œil critique avant de la lui remettre.

-C'est pas mal. Tu connais les runes, c'est bien.

Afaël eut un pincement au cœur, mais s'attendait à une telle réponse. Elle s'appliqua à garder une expression neutre.

-Tu seras parfaite. Je t'avoue qu'avoir une apprentie ne fera pas de tort. La guerre que le roi veut entreprendre demande beaucoup de matériel et malheureusement, c'est bon pour les affaires.

Un large sourire éclaira le visage d'Afaël.

-Je suis engagée?

-Oui petite, pour l'être, tu l'es. Il y a du talent derrière cette tête de cochon.

Il reporta son attention sur l'arme qu'elle tenait maintenant à la main et affecta un air pensif.

-Remontre-moi ton couteau.

Étonnée et curieuse, elle lui présenta la garde. Il retourna l'arme entre ses mains

-Ces runes me disent quelque chose...

Un déclic s'opéra et il la regarda d'un œil nouveau. Afaël rougit violemment sous le regard inquisiteur de Fredrick.

-Tu es la fille d'Aram Oaken hein! Ahaha, j'aurais dû m'en douter, il n'y a que lui pour apprendre à une fille un métier d'homme.

Afaël fronça les sourcils et croisa les bras suite au commentaire du forgeron. Devant la moue réprobatrice de sa jeune apprentie, Fredrick posa les poings sur les hanches et laissa échapper un rire grave.

-Ahahah, tout le portrait de son père, je t'aime bien petite.

Il lui tendit la main. Afaël roula des yeux, déjà prise d'affection pour le grand homme, et accepta la main qu'il lui tendait, la sienne disparaissant entre les doigts du forgeron.

********

Le lendemain, alors qu'elle assistait Fredrick, un étrange jeune homme déboula dans l'atelier.

-Papa! J'ai été pris dans le régiment 59!

Fredrick s'était redressé, le marteau suspendu au-dessus de sa tête. Cette pause ne dura que quelques secondes et il reprit son travail comme si de rien n'était. Les bras que Liam avait lancés au ciel retombèrent, ballants.

-Père, je n'ai pas crié assez fort, fanfaronna à demi le jeune homme.

Fredrick soupira.

-Bravo, fils.