Chapitre 1 : Fredrick

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-Afaël! Afaël! Arrête-toi.

Les roues délogèrent un peu de la terre sèche du chemin, créant un nuage alors que les chevaux s'arrêtaient et que la carriole s'immobilisait. Afaël tourna la tête et ses cheveux lisses roulèrent sur ses épaules. Elle attendit que la femme rondelette, qui courait en se dandinant, arrive à la hauteur de la calèche. Soufflant comme une forge, celle-ci tendit la main pour lui présenter une ceinture d'outils de forgeron. Afaël écarquilla les yeux et sauta en bas de son siège pour serrer la grosse femme dans ses bras.

-Merci, Jana, j'étais certaine que je l'avais mise dans mes bagages.

-Bien sûr, comme toujours. J'étouffe, s'étrangla-t-elle.

Elle la relâcha en cachant un sourire derrière sa main. Contrairement à sa mère rondouillette, elle avait une forme plutôt aléthique due aux longues heures passées à manier le marteau.

Les joues enflammées, Jana afficha un sourire bienveillant.

-Tu es sûre de toujours vouloir partir, tu sais que ton père a du travail pour toi.

Elle prit les mains boudinées de sa mère entre les siennes avant de répliquer :

-Oui j'en suis certaine. Tu sais que je vous aime, mais la vie de village ce n'est pas pour moi. Je veux voir la grande ville, je veux y vivre. Qui sait, peut-être verrai-je ces anges.

Elle lui fit un clin d'œil et sa mère sourit de plus belle.

-Ah la jeunesse. Eh bien, si c'est ce que tu souhaites, mais fais bien attention, il y a la guerre là-bas. Il est mieux de faire profil bas.

-Oui je ferai attention à moi.

Afaël enfouit son visage dans le creux de l'épaule de sa mère avant de se détacher d'elle et de remonter sur le siège de la carriole. Elle siffla et claqua les rênes. La carriole s'ébranla avant de prendre un rythme chahutant. Elle secoua vigoureusement la main en direction de Jana qui agita son mouchoir au-dessus de sa tête. Afaël regarda nostalgiquement la chaumière aux murs de chaux, aménagée au creux d'un flanc rocheux qui hébergeait une chute qui grondait joyeusement.

Pour la dernière fois.

*****

Elle martelait le fer sans relâche, des perles de sueurs glissant de son front avant de grésiller sur le métal chauffé à blanc. Il obnubilait ses pensées et elle ne pouvait desserrer la bride de sa concentration, toute mobilisée pour la tâche qui l'occupait.

Elle cogna le métal encore à quelques endroits et le plongea dans le bac d'eau. Des volutes de vapeur s'échappèrent et elle éloigna son visage. Sans plus de cérémonie, elle retira la lame du fourreau liquide. Afaël la retourna dans tous les sens.

Parfait.

Elle déposa la lame sur un morceau de cuir qu'elle avait placé sur la table montée sur tréteaux, avant de sourire de contentement. Un sentiment de plénitude familier l'envahit.

Elle adorait son travail.

Afaël tira sur sa natte qui s'était coincée entre sa camisole et la sangle de son tablier. Peu importe la façon dont elle les coiffait, ses cheveux accrochaient quelque part, s'enroulaient autour d'un bouton... Elle avait déjà pris des ciseaux dans l'intention de les couper, mais elle avait perdu courage en regardant la scène dans le miroir.

Alors que la jeune femme déposait son marteau, elle fut emportée par la taille, des bras musculeux la ceinturant. La pièce tourbillonnant dangereusement autour d'elle, Afaël grogna. Agacée, elle appliqua une bonne force sur un point de pression de la main de son « agresseur ».

Les anges d'Héliomande (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant