Trois semaines

3 0 0
                                    


Je m'étais endormie dans la douleur, pour espérer ne plus la sentir. J'avais bu un peu d'eau, mais je n'avais rien pu manger. J'étais restée là, affalée sur mon petit lit et ce matelas en mousse un peu troué, les volets fermés. La pièce était plongée dans l'obscurité totale, et j'étais seule. Depuis qu'elle m'avait changé mes bandages, ma mère n'était pas revenue me voir. Et c'était tant mieux.

Chaque mouvement, chaque frottement de tissu était une nouvelle cause de douleur.

Même quand je ne bougeais pas, ma peau me brûlait. Je n'avais même pas pleuré. Les soubresauts des larmes causant encore trop de peine à ce dos meurtri. Non seulement les chairs étaient lacérées, mais la force du coup avait atteint mes muscles, qui semblaient paralysés.

D'un autre côté, je ne m'étais jamais sentie aussi vivante. Tout mon corps répondait à la souffrance, et j'avais la sensation que plusieurs cœurs battaient dans ma chair. La douleur se faisait parfois lente, jusqu'à atteindre son paroxysme. Parfois, elle se contentait juste de me titiller quelques secondes. Elle semblait s'amuser avec moi.

Je m'assoupissais, puis je me réveillais en sursaut, sans savoir pourquoi. Ce petit cirque avait duré toute la nuit, jusqu'aux premières lueurs de l'aube que j'avais vue pointer à travers les lourds panneaux de bois de mes volets.

Je n'avais presque pas dormi, et tout mon être était engourdi.

— Lève-toi ! était venue m'avertir ma mère en ouvrant brusquement la porte.

Me lever ? Comment le pouvais-je alors que je n'avais même pas la force de respirer sans que mes poumons ne me brûlent ?

Voyant mon air hagard, elle vint m'attraper par le bras pour me lever de force. Je réprimai un cri de douleur.

— Tu te fais propre, et tu t'habilles.

Là aussi, comment est-ce que je pourrais bien m'habiller ? Le moindre contact avec un bout de tissu...rien que d'y penser, j'en frissonnais.

Mais je m'exécutai, préférant encore moins imaginer ce que ça serait de ne pas obéir à ma mère.

Je m'approchai de la petite bassine d'eau qui nous servait à nous laver les mains et le visage, et je m'en aspergeai abondamment la face. L'eau claire et fraîche m'aida à y voir clair. Je regardai le petit miroir qui était collé au mur juste au-dessus de la bassine. Mes yeux étaient gonflés et rouges, mes joues étaient un peu boursouflées, et j'avais des cercles noirs sous mes yeux verts.

À l'aide d'un peu d'eau je me lissai les cheveux, qui vinrent se plaquer derrière mes oreilles. Une petite expression de joie tout de même passa sur mon visage. Mes cheveux avaient assez poussé pour que je n'aie plus besoin d'utiliser cette substance huileuse et pâteuse que ma mère me mettait pour les faire tenir. Je souris, et je vis que ma mère le vit aussi, ce sourire. J'attachai bien proprement mes cheveux qui pendaient jusqu'au niveau de mon cou, au milieu, et je serrai bien fort à l'aide d'un élastique. Puis, je brossai mes dents. J'étais nue, complètement. Je ne pouvais rien revêtir.

Ma mère me jaugeait de la tête aux pieds, angoissée à la vue de mon corps qui se transformait. Elle me fit me pencher en avant ; et avec les bandes de tissu, elle enveloppa complètement mon dos, en s'aidant de ma poitrine pour tout faire tenir.

J'étais complètement emmaillotée, du haut du corps jusqu'aux hanches, devant et derrière. Elle serra sans me faire mal cette fois.

— Ça devrait tenir pour aujourd'hui, me dit-elle fermement mais en chuchotant.

— Merci, dis-je respectueusement.

Elle m'aida à enfiler ma robe d'école, puis à nouer le foulard blanc autour de mon cou. Elle épingla la broche sur ma poitrine, en haut à gauche. C'était la première fois que je la regardais vraiment depuis hier, et je vis que ses yeux à elle aussi étaient gonflés.

ColonisationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant