Premiers moments

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Les premiers moments de notre vie commune avaient été un peu tristes.

Oui. Je crois que c'est le mot qui convient le mieux.

Personne ne se parlait vraiment, surtout les premiers jours. Il avait installé ses affaires dans la chambre de ma mère, qui n'avait rien dit.

Moi, j'étais restée à observer. Qu'est-ce que je pouvais bien faire d'autre ?

*****

La nuit était tombée, et on prenait notre repas ensemble. Je baissai la tête, prise de timidité. Mais, mille questions brûlaient ma gorge. Je buvais une gorgée d'eau, chaque fois qu'une question surgissait sur le bout de ma langue. J'avais l'impression que de cette façon, j'allais la contenir. Que ce feu brûlant s'apaiserait. Mais ça n'en faisait rien.

Au contraire, j'étais de plus en plus frustrée. Il était devenu mon père par adoption, ou mon oncle. Un des deux. Dans tous les cas, il avait tous les droits sur moi, en accord avec la loi du gouvernement.

Cette loi, qui réglementait jusqu'à chacun de nos plus petits actes et mouvements.

S'il voulait me frapper, il en avait le droit. S'il voulait me punir, il en avait le droit.

À l'école, j'avais fait quelques recherches tant j'étais inquiète de cette nouvelle vie avec un homme. J'avais été dans notre bibliothèque, et j'avais parcouru cet énorme ouvrage, finement ouvragé, tel un bijou. J'avais soulevé la couverture en cuir, l'odeur des pages un peu jaunies m'avait prise au nez, et j'avais bien failli éternuer.

Chaque page était recouverte d'un liseré doré, sur la tranche. On aurait dit que le livre était illuminé, comme inspiré. Il était fait pour éblouir.

Mais il ne m'avait pas impressionnée. J'en avais même lu quelques pages.

Code de la famille

Art I- Le père, ou le substitut paternel, exerce tous les droits dans la famille. Il est le socle, le pilier, et le chef absolu de la famille. Le chef de famille est le seul habilité à prendre les décisions qui concernent la cellule familiale.

Art II- La famille jure obéissance et fidélité à la figure paternelle.

Art III- Tout acte considéré comme injurieux, offensant, ou contraire aux décisions du chef de famille, sera puni dans les cas définis par la présente loi.

Art IV- Le chef de famille peut décider des sanctions qui s'appliquent dans sa propre famille, sans recourir aux tribunaux du gouvernement.

Art V- Le divorce ne peut être consenti que sur la demande du chef de famille, et ne doit s'exercer que pour les motifs suivants :

a/ Stérilité de la mère ou âge trop avancé qui compromettrait la descendance familiale.

b/ Désobéissance de l'épouse.

c/ Adultère de l'épouse.

Dans ce dernier cas, l'épouse sera considérée comme répudiée d'office, et sera jugée par les tribunaux du gouvernement. La supplique devra être adressée explicitement au bureau du quartier, qui la transmettra au gouvernement.

Art VI- Dans les cas où le divorce est accepté par les représentants officiels de la loi du gouvernement, l'époux lésé peut prendre, s'il le souhaite, la figure féminine qu'il estime apte à recevoir sa descendance, au sein de sa propre cellule. S'il a une fille adoptive, il peut la demander en tant qu'épouse, dès l'âge de ses premières saignées, ou prendre pour épouse la soeur de sa précédente épouse.

Art VII- La polygamie peut être autorisée dans les cas où l'épouse na pas fourni de descendance mâle.

Et ainsi de suite

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