De Los Angeles à Hawaii [Tome II]

Prologue

Douzième mois.

Installée dans l'avion, je regarde par le hublot, sans vraiment voir que nous décollons. Depuis l'accident, je suis là sans vraiment l'être. Pendant que mon corps est le reflet de ma tristesse, de mon désespoir, de ma colère, de mon insomnie, de mon mal-être, mon esprit lui, est calme et en sécurité avec ... Eux, loin de moi, loin d'ici, loin de tout. La sérénité et la paix m'ont quitté au même moment qu'Eux. Mon cœur s'est brisé en même temps que toutes ses vies et familles détruites à jamais.

Je regarde Hawaii s'éloigner peu à peu. Malheureusement, au contraire de ma première fuite, ma détresse me colle à la peau, je ne peux la laisser sur cet archipel de malheur. 

Les images de l'accident me reviennent en mémoire, je ferme les yeux fortement pour les faire disparaître. Le feu, les cris, le sang, les corps, les pleurs, le brouhaha assourdissant tout me reviennent encore. Tout refait surface et je retrouve l'impuissance du moment, le chagrin des uns et la peur des autres. Le désarroi et la panique se mêlant à l'incompréhension. Une dernière image de cette scène digne de la fin du monde et enfin, je retrouve mes esprits. Cependant, il me faut encore quelques minutes pour retrouver une respiration normale. Des minutes durant lesquelles, toutes les tensions de ses deniers jours, les cris, les pleurs, les valises et les cartons à refaire, resurgissent sournoisement. 

Je suis, épuisée, dévastée, détruite, écœurée de la vie. Un an que je suis là. Un an où la vie semblait enfin me sourire, mais la vie est une hypocrite qui vient de m'a donner la plus grosse claque de mon existence. Elle a laissé à jamais sa trace sur ma joue, je suis marquée au fer rouge pour le restant de mes jours. 

Ma voisine de droite pose son bras sur le mien et me demande si tout va bien. Je voudrais lui hurler, à elle et au reste du monde, que, "Nan ! Tout va mal ! Mais que je puis-je faire ? Que pouvons nous faire face à l'injustice de la mort ? Que sommes nous face à ce fourbe de destin ? Cette crétine de fatalité ? Cet abruti de hasard ? Cette conne de destinée ?". Au lieu de ça, je ne lui adresse qu'un faible sourire et garde pour moi ma souffrance. Encore. 

Je contemple les visages heureux des vacanciers qui rentrent chez eux, après des vacances inoubliables sur cet archipel paradisiaque. Pourquoi est-elle synonyme de bonheur pour eux ? Alors qu'avec moi, elle ne rime qu'avec souffrance, douleur, mal être, chagrin, catastrophe, cruauté ? 

Ne pouvant plus voir autant de sourire et de joie, je retourne contempler la vue depuis le hublot. Hawaii n'est plus là, ce n'est plus qu'un lointain souvenir dans cet océan bleu.

Adieu Hawaii, je te quitte pour toujours, adieu papa, je ne reviendrais pas. 

Adieu ...