@thundergaia

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Cadeau fait par ➵ _esquisse
Cadeau fait pour ➵ thundergaia
Thème imposé ➵ Inspiré d'une musique

(inspiré de Just Like Yesterday de twenty one pilots)

Les notes s'envolaient dans les hauteurs de la salle.

Mes doigts jouaient mécaniquement la partition devant moi. Je ne réfléchissais même plus, fusionner avec un piano si souvent était devenu un automatisme. Et si les gens étaient venus voir "une jeune prodige", j'oubliais bien vite qu'ils étaient présents. Je ne savais même plus si c'était moi qui leur partageais un morceau ou si c'était eux qui volaient ce moment entre le piano et moi.

Et sûrement qu'ils étaient simplement venus satisfaire leur curiosité, pour avoir une histoire à raconter pendant les dîners. Et heureusement que la pratique du piano n'obligeait pas de les côtoyer de trop près, ces gens qui m'effrayaient avec leurs questions insistantes.

Je joue du piano pour libérer mon esprit, non pour traduire ou interpréter d'une certaine manière la partition de leur bien aimé compositeur. Qu'ils rangent leurs questions où je pense.

Le piano sous mes doigts m'aidait à prendre du recul. À m'échapper de mes complexes, à m'oublier dans mes pensées.

À oublier tous ces yeux de tous ces gens braqués sur moi. Et mes sentiments contraires quant à elle. Et ma lassitude quotidienne que je cachais sous un morceau joyeux, comme eux se cachaient derrière un mur lumineux de projecteurs.

J'aurais pu passer ma vie entière devant ce piano pour ne pas avoir à confronter toutes les ombres assises dans la salle. Je préférais porter ce masque devant une partition plutôt que de converser comme chaque jour de la pluie et du beau temps.

Et le piano sous mes doigts formait une barrière éphémère entre eux et moi. Une barrière qui me rendait forte, qui me faisait oublier mes peurs.

Malheureusement la barrière s'estompait à mesure que le morceau avançait. Et les dernières notes résonnèrent dans la salle en même temps que ma protection tombait définitivement pour ce soir.

Je me laissais profiter des dernières secondes de silence avant que tout me submerge et m'agresse. Mon esprit en apnée encore un peu plongée dans le morceau. Que devais-je faire déjà ?

Applaudissements étourdissants. Et la mémoire me revint.

Se lever. Sourire. Saluer. Comme d'habitude. Comme hier encore. Comme toujours.

La tête ailleurs et ma respiration se bloquant légèrement appréhendant la suite. Et pourtant, je savais bien ce qui allait se passer.

J'allais retrouver mes amis en coulisses. Le grand et silencieux brun Alex et son violon. La beaucoup moins grande Louise aux longs cheveux blonds et au caractère bien trempé. J'allais recevoir ses compliments à elle, avec son enthousiasme habituel. J'allais sourire, et rougir peut être un peu aussi. Mais Louise n'avait pas besoin de savoir ce détail. Elle était simplement venue encourager son amie.

Et j'allais devoir faire des efforts pour empêcher mes pensées de divaguer face à elle et ses sourires qui me faisaient du bien. Des efforts qui me fatiguaient déjà.

Et la foule de gens allaient m'arracher le peu d'énergie qui me restait avec leurs questions.

Et ce soir mon oreiller allait sécher mes larmes. Pourquoi Louise m'attirait autant, pourquoi j'avais commencé à me poser des questions sur notre relation, pourquoi je me torturais avec toutes ces pensées. Et comme chaque soir, mes larmes brûlantes allaient asséchées mes yeux fatigués.

Et demain allait débuter un nouveau jour, pourtant identique à celui-ci et à celui d'hier.

Tous ces jours qui se suivaient, sans qu'il ne se passe rien. Tous ces jours plein de banalité et affligeant à en mourir. La peur me crispait le ventre et rendait difficile ma respiration, rien que de penser à demain qui s'envolait déjà aussi vite qu'hier n'était parti.

Je souriais en imaginant les paroles rassurantes de Louise si elle m'entendait. Non. Je ne pouvais pas penser à elle comme ça.

Mais pour le moment, j'étais toujours debout sur cette scène avec une expression figée sur le visage. Et je voyais d'ici le visage de Louise alors que je me tournais vers les coulisses pour quitter cette scène. Et qu'une autre scène allait se jouer en coulisses, comme d'habitude. Comme toujours. Comme hier

Graine de Wattpadien ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant