Cadeau fait par ➵ EejilTheWriter
Cadeau fait pour ➵ abae_alice
Thème imposé ➵ La mort"Il fait beau, aujourd'hui, Ophélie. Vraiment très beau."
L'infirmière sourit tristement à la fillette immobile, raide comme la Mort dans son lit aux draps impeccables. Elle referma la fenêtre et ramassa l'écharpe aux mailles défaites qui gisait au sol, la glissant entre les mains de l'enfant. Ophélie n'émit pas un son. Seuls ses doigts bougèrent, se resserrant autour du vêtement.
"Icare va bientôt arriver. Quel livre va-t-il te lire ?"
L'enfant ne broncha pas. L'infirmière continua son monologue, habituée à ce silence pesant.
"Vous en êtiez à Harry Potter, non ? Le quatrième tome, je crois. J'ai beaucoup aimé celui-là. Tu savais qu'un autre tome était sorti cette année ? Une pièce de théâtre. "
Lançant un regard à l'horloge, elle se tut. Elle observa la pièce, tournant sur elle-même, d'un air fatigué. Une simple armoire en bois, une chaise, la fenêtre, le lit. Avec cette pauvre gosse immobile dans les draps comme un bout de bois dans la neige. Une pauvre gamine qui ne verrait plus l'éclat du soleil, qui ne marcherait plus dans l'eau, qui ne rirait plus, plus jamais aux plaisanteries d'un camarade. Une fillette que la vie avait violemment frappée, qui était maintenant alliée de la douleur et de la solitude. Elle contempla la perfusion qui se dressait, là, mât solitaire d'un esquif bien trop frêle pour tenir face aux courants et aux marées de l'existence.
Elle sursauta lorsque la porte s'ouvrit.
"C'est moi ! " s'exclama en entrant un jeune homme couvert de bleus et d'ecchymoses. De son bras droit, plâtré, il serrait contre lui un lourd ouvrage à la couverture brune abîmée. L'épais bandage qui lui enserrait le crâne et son teint grisâtre lui donnaient un air de momie vivante. Son regard d'un vert vif et brillant balaya la pièce tandis que son corps peinait à suivre. L'infirmière s'éclipsa dès qu'il fut entré, lui souhaitant un bon après-midi d'un ton pressé. Il resta quelques instants debout près d'Ophélie, la détaillant en silence. La fillette tourna lentement la tête dans sa direction, posant ses yeux vitreux sur lui. Une onde de tristesse le traversa, suivie d'un violent dégoût et d'une puissante envie d'abandonner à son sort la jeune infirme. Il se demanda pourquoi il continuait de venir lui tenir compagnie alors qu'elle ne réagissait plus à rien. À ses côtés, il ressentait un oppressant sentiment de solitude. Sa tristesse devint de la rage, une rage sourde à laquelle se mêla du désespoir. Ophélie allait crever, clamser, il le savait. Elle n'avait pas eu autant de chance que lui et n'était désormais qu'un poids inutile pour le reste du monde. Il devait traîner, en plus de ses blessures physiques, cette immense douleur psychologique qu'elle était devenue. Icare détourna les yeux, tentant de retrouver son calme. Il savait qu'Ophélie n'était pour rien dans cet accident, qu'elle n'avait jamais demandé cela. Mais il avait mal, terriblement mal et espérait que la douleur s'apaiserait s'il trouvait un bouc émissaire. Il était désespéré : sa vie le déprimait, l'usait, le tuait. Il sentait approcher le point de rupture.
Son regard dériva jusqu'à la fenêtre. Le ciel était beau aujourd'hui, vraiment très beau. Son froid bleu d'hiver était d'une violence sans rapport avec sa douceur estivale. L'abscence de nuages le rendait atrocement vide, immense, et le soleil qui l'illuminait en devenait effrayant par sa lugubre solitude. En cet instant, Icare avait peur, il avait mal, il n'en pouvait plus. La seule chose qu'il désirait était rejoindre ces cieux pourtant peu accueillants, de s'y perdre pour toujours. Il accueillait serainement l'idée d'un suicide, peu important ce qu'il devait laisser derrière lui. Il se sentait une terrible envie d'être égoïste, de se comporter comme le dernier des lâches et de tout quitter.《 Le suicide c'est la force de ceux qui n'en ont plus, c'est l'espoir de ceux qui ne croient plus, c'est le sublime courage des vaincus. 》*. Icare ne croyait plus, ses forces l'abandonnaient et il ne demandait que cela, accomplir un dernier acte courageux pour tout conclure.
Ophélie expira, doucement, d'un souffle profond qui ne produisit qu'un léger bruissement. Le garçon fut pris d'un violent frisson. Il ferma les yeux, n'osant les lever vers la fillette. Son coeur se mit à battre plus fort, beaucoup plus fort dans sa poitrine. Sa respiration se fit sifflante, et la douleur dans ses yeux lui fit comprendre qu'il allait pleurer.
"Merde," couina-t-il, "Comment tu peux me faire ça ?"
Il lâcha le livre et s'enfuit de la pièce, gémissant comme s'il avait la Mort à ses trousses.
* 64, "Merveilleusement détruite. [TOME 1]", asarahluna
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