Déchirée

Une complexe sensibilité

Malheureusement, ce retour d'une nuit l'avait à nouveau perturbée et le respect d'elle-même risquait d'être à nouveau atteint. Elle scrute dans le reflet du miroir ce brin de folie qui peut l'emmener dans un tourbillon de délices. Cette folie qui lui permet de préserver l'image de la femme épanouie et fonctionnelle. Parce qu'elle se doit d'être sagement transparente pour maintenir un équilibre avec ses mystères les plus sombres... Son attrait pour quelques montées d'adrénaline. Comme du sexe à haute tension. Une soumission inavouée et un désir de chair frissonnant. Comme une vitesse dangereusement incontrôlable. A la recherche de cette peur. Ce moment où son cœur se soulève pour lui rappeler qu'elle est toujours en vie. Et quelques substances pour oublier que cette même vie lui échappe.

Face à son reflet, elle s'analyse. La trentaine naissante, la bonne copine sympa et drôle, parfois un peu complexe. Elle se persuadait de vivre le plus bel âge de sa vie. Jeune femme libre, indépendante, passionnée, bien trop fragile, elle s'imaginait que sa vie allait commencer là, à cet instant. Comme si le passé pouvait s'effacer en un clin d'œil. Comme si son présent pouvait briller jusqu'à lui dessiner le futur qu'elle projette dans ses rêves les plus intimes.

- Je m'en fous, je ne lui dois rien, il doit sûrement déjà s'éclater avec une autre et j'ai le droit d'en faire autant. Je ne dois rien à personne de toute façon.

Il fallait juste qu'elle l'oublie. Encore...

Bien sûr, ses journées se répètent inlassablement entre le travail, les sorties, sa mère complètement barge, et ce père formidable pour qui elle donnerait tout. Chaque semaine est faite de nouveaux visages. Chaque semaine, elle remet son plus beau sourire et sa voix mielleuse pour tenter de soulager au mieux chacun. Répondre aux demandes des autres alors qu'elle cherche toujours celui qui répondra aux siennes. Appréciée pour sa franchise, sa droiture, mais aussi ses délires et son entêtement enfantin, les gens vont et viennent dans sa vie un peu comme on décide de monter dans cette grande roue ou ce manège à chevaux. Son contact semble leur évoquer cette douceur et à la fois cet engouement pour les choses nouvelles. Ils aiment cette jeune femme mal dans sa peau mais qui a tellement à donner. Et elle le rend bien. A force, elle s'est probablement égarée en chemin. Faire face à quelques obstacles, ce n'est pas son truc. Alors elle cherche des échappatoires. Quelques moments où elle peut s'abandonner. Donner libre cours à tout ce qu'elle a enfouit au plus profond d'elle. Baisser sa garde. Franchir les limites de l'(in)acceptable. Sous le regard bienveillant de sa sœur, elle tente de ne pas couler. Mais certains soirs son âme se perd dans la volupté de ces envies presque douloureuses. Elle se sent attirée par la brûlure d'un délicieux supplice. Celui de ne plus être soi ...mais d'appartenir.

Elle a ce don, par période, d'attirer à elle de nouvelles rencontres. Impromptues. Incroyablement surprenantes. Soif d'air et d'expériences, toujours en quête de ce qu'elle peut être et donner, elle se jette à corps perdus dans un échange sans masque de passions. Ce sentiment qui la prend face à l'inconnu. La découverte d'un horizon sans honte ni tabou. Un feu d'artifice d'émotions qui brûle chaque centimètre de sa peau. C'est ce don qui avait attiré dans son lit, il y a quelques mois, cet homme qui approfondit son goût à la soumission. Il n'était pas prévu. Il n'était pas libre. Mais sa femme n'en savait rien... Cet amant, elle l'avait presque aimé. Mais avait-elle aimé l'homme ou le maître ?