Elle a toujours tenté de faire de sa vie un roman, sans en avoir conscience. Et même si elle n'a jamais été sûre de la fin, elle espérait toujours qu'un feu d'artifice réchaufferait son cœur dans les dernières pages. Des feux, il y en a eu. Pas tous bienveillants. Et son cœur était fatigué de souffler sur les dernières braises pour tenter de sauver une once d'espoir. Une pause s'est imposée. Sa dernière aventure dans l'arène a laissé trop de traces pour ne pas réagir. Les mots sont parfois bien plus douloureux qu'une douleur physique. Elle a encaissé avec larmes et ripostes cinglantes, avec douleur et espoir, encore. Même dans la chute, elle continue de croire en l'autre. En sa capacité à comprendre et voir au-delà de l'image inébranlable qu'elle est capable de renvoyer. Comment peut-elle être à la fois si sensible et si forte ? Elle n'a toujours pas la réponse à cette question. Elle s'en pose toujours un tas d'autres aussi. Un cercle sans fin de pourquoi et de comment. Si elle s'est habituée à rester sans réponse, elle l'est moins quant à être seule.
Depuis cet homme, plus un n'a gagné ses grâces. Elle avait décidé de changer son fonctionnement, son approche. Ne plus montrer celle qu'elle pouvait être dans l'intimité, mais être fière de celle qu'elle est en société, avec sa famille, avec ses amis. Elle savait ses qualités et, sans narcissisme aucun, elle pensait mériter une attention différente. Au delà de la prédatrice romantico-sexuelle, elle était surtout sapiosexuelle. Elle s'ennuyait vite sinon. Avec le recul, elle en a fui plus d'un sous mille et un prétextes sachant qu'intellectuellement ils ne lui apportaient aucune stimulation. Le sexe c'est bien, les discussions aussi. Les deux réunis et le feu d'artifice est en approche... Mais elle avait toujours mis le sexe en avant, une priorité, un besoin primaire nécessaire à son épanouissement. Jusqu'à cet instant où elle confond l'intimité physique aux sentiments naissants. L'affection de l'autre, le témoignage de sa tendresse et de son désir pouvaient être bien plus forts qu'un orgasme qu'elle devait parfois aller chercher seule. Evidemment c'est aussi à cet instant que tout s'écroule. Les cartes ont été données au début du jeu, il n'était plus question de les redistribuer. Elle voulait devenir la reine de cœur quand son jeu ne comportait que des cartes noires.
Elle cherchait donc son roi dans des discussions. Des mots qui n'évoquaient pas son vagin à tout moment, qui ne réclamaient pas un bout de chair contre un peu plus de dialogue. Seulement ce roi était difficile à débusquer. Elle devait faire face à une myriade de chevaliers sans cervelle ou manipulateurs. La plupart la couvrent de mensonges, de promesses qu'elle ne demandait pas. Elle ne parvenait pas à comprendre le but de tous ces faux-semblants. Pourquoi l'humain a-t-il tant besoin parfois d'attiser le désir en l'autre jusqu'à certaines limites inacceptables ? Elle fait face encore une fois à la tristesse et la déception. Cependant, il n'y a pas de place pour la culpabilité cette fois. Elle ne s'en veut pas, du moins pas trop. Elle n'a pas cédé à ses faiblesses, elle ne s'est pas vendue. Elle se dit qu'elle devrait probablement arrêter de croire le premier venu. Aussi mignon fut-il, avec ses mots comme avec son sourire. Mais que lui resterait-il alors à part un peu d'amertume et beaucoup de méfiance ? Elle est déjà sur ses gardes, elle ne veut pas devenir cette femme qui ne croit plus en l'amour et la sincérité.
Mais elle ne comprend plus les hommes d'aujourd'hui. Ceux qui scindent le monde des femmes en deux. Celles avec qui ils s'amusent et celles avec qui ils se marient. Comme si les femmes étaient soit des putes soit des mères. Un mélange subtil des deux leur est impensable, même s'ils en rêvent dans le fond. Il n'envisage pas d'aimer la femme qu'ils baisent parfois brutalement ni de souiller la mère de leurs enfants avec des actes trop salaces. A quel moment la société a-t-elle réduite l'image de la femme à ces deux versants ? Ou plutôt, quand le monde arrêtera-t-il de véhiculer cette image ?
Elle rencontre ces hommes aux idées arrêtées, qui tombent des nues quand il découvre la possibilité de ce mélange sans en être convaincu. Ils gardent leurs œillères, et leur pseudo ouverture d'esprit se réduit d'un coup au schéma éducationnel sociétal. Une idée préconçue et archaïque que l'amour ne peut exister s'ils baisent leurs femmes avec des mots moins respectueux parfois. Dans quel siècle vit-on ? Personne ne demande d'étaler l'intimité en public, mais d'assumer l'amour sous ses nombreuses facettes. De ne pas juger. De ne pas cloisonner. De laisser une chance. D'aimer la putain et la mère à la fois.
Elle ne veut pas être une mère sans plaisir, ni une femme libérée sans amour. Elle veut être une mère libérée de la vision prude d'un orgasme pas trop bruyant en missionnaire, voire en levrette les jours de fête ! Elle veut aimer tendrement et violemment parfois aussi. Etre cette femme aimante et responsable, en même temps qu'une amante passionnée, dévouée ou dominatrice.
Non, elle ne les comprend plus. Elle ne sait plus comment s'ouvrir, comment se donner. Comment interpréter les signes, comment les envoyer. Elle pense même ne plus savoir aimer correctement. L'a-t-elle jamais su ? Entre une relation destructrice et d'autres bien trop éphémères, l'amour ne lui a pas vraiment laissé le temps de l'apprivoiser. Elle n'a aimé que dans la douleur et la peur. Aujourd'hui la seule crainte qui lui reste est de ne jamais connaître le véritable goût de ce sentiment si ardemment désiré. Elle ne sait déjà pas s'aimer elle-même. Elle se cherche encore et encore jusqu'à se perdre toujours plus. Un jour elle pense être elle-même puis elle passe les suivants à se détester tout en le cachant comme elle le peut. Alors elle cherche du réconfort, et la réalité la renvoie continuellement à d'autres échecs. Chaque jour est un défi qu'elle se lance toute seule. Ne pas craquer. Ne pas céder à ses démons. Rester sur la bonne voie. Avoir confiance en elle, en sa nouvelle façon d'envisager l'autre. Etre patiente. Etre positive. Passer outre son manque, ses envies, ses attentes, ses exigences. Montrer son intelligence, cette stabilité qu'elle a acquit même si elle en doute parfois. Même si ça lui en coûte parfois...
Alors elle aime ce qu'elle peut, qui elle peut. Ses amis, leurs enfants, leurs vies, leur amour. Les gestes et les regards qui se perdent. Les mots tendres qui ne se prononcent presque plus entre eux. Elle met en avant la moindre douceur pour qu'ils se souviennent que la solitude n'est pas ce qu'il y a de mieux. Que leurs familles existent pour prouver que l'amour peut donner un sens à la vie. Qu'il protège, qu'il rassure, qu'il évolue et qu'il faut toujours en prendre soin. L'amour fait partie de chacun d'entre nous. Le doute aussi. Il est permis, même s'il fait mal. Il ne faut juste pas en abuser.
Et si c'était ça aussi l'amour ? La patience, l'attente, l'amont des sentiments, la construction d'un lien, la découverte d'un inconnu, peu importe l'endroit. L'amour ne vient pas toujours tout bouleverser sur son passage, l'amour peut vous approcher de différentes façons. L'amour, le véritable, vous pousse à faire des choix de vies, de désirs, d'habitudes. Il vous retranche dans vos limites, les vôtres et celles qui vous unissent à l'autre. Vous vous risquez encore à frôler le danger par moment pour vous sentir vous-même, parce que l'amour, quand il arrive, vous confond avec un autre par moment. Vous doutez de vous, de ce que l'autre peut vous trouver. Quand vous ne passez pas votre temps à chercher ce qui vous différencie. Avec le temps et l'acceptation, elle finira par juste vivre ces moments avec quelqu'un, et se plaira à appartenir quelque part à un homme. Parce qu'au fond c'est ce qu'elle a toujours voulu... Ce sentiment d'amour réciproque et de partage qui unit à l'autre. Et si ça pouvait la rendre heureuse tout simplement...
Elle est émotive, pensive, pleine d'envies, de désirs, elle éprouve un manque, ...mais elle est heureuse. La vie est étrange parfois, mais aussi étonnante. Quelques larmes coulent pour s'écraser sur un sourire. Un sourire pour un cœur qui bat comme jamais auparavant. Un cœur qui voudrait tout vivre à cent à l'heure mille et une folies...comme si la vie était un film. Et si la fin est tragique alors autant vivre le film comme s'il devait finir à l'instant. C'est parti...
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Déchirée
Short StoryElle est tellement de choses à la fois. Tellement d'émotions réunies en ce petit bout de femme qui ne se nourrit que d'amour et de passions dévorantes. Entre celui qu'elle a aimé trop longtemps et les autres qui ont traversé son lit et sa vie, elle...