Des Coeurs et des Corps

Iwaizumi

Iwaizumi Hajime avait six ans le jour où il rencontra Oikawa Tooru. Hajime était le genre d'enfant à toujours avoir des pansements aux genoux, à chasser les insectes avec un filet les jours d'été, à dépenser son trop-plein d'énergie, d'un naturel turbulent mais gentil. Oikawa lui, était un petit passionné d'aliens et de volley-ball, un peu pleurnichard, un peu vantard aussi, mais pour une raison ou une autre, ils devinrent meilleurs amis, et intégrèrent la même équipe de volley-ball après qu'Oikawa eût convaincu Iwaizumi que c'était largement mieux que le foot ou le baseball, ou encore que la chasse aux insectes.

Ils grandirent ensemble, et naturellement, choisirent le même collège, Kitagawa Daiichi. Oikawa progressait à une vitesse impressionnante dans le sport et leur amitié, leur complicité leur permettait de jouer en symbiose parfaite. Ils devinrent un duo passeur-attaquant des plus performants ; le seul point négatif était qu'ils ne pouvaient vaincre l'équipe championne, et Oikawa, compétiteur, ne supportait pas la défaite.
Lorsqu'ils entrèrent en troisième, gonflés à bloc et désireux plus que jamais de battre Shiratorizawa, Oikawa était devenu capitaine de l'équipe et Iwaizumi vice-capitaine. Ils étaient impatients, bien sûr, de rencontrer les nouveaux venus dans le club de volley. Quelques jours après la rentrée et un bon nombre d'inscriptions plus tard, ils rassemblèrent les sixièmes intéressés pour qu'ils se présentent. Ils étaient tous petits, tellement petits, songea Iwaizumi en sachant pertinemment qu'il ne devait pas dégager meilleure impression à l'époque où il était à leur place. Ils se présentèrent tour à tour, et Iwaizumi renonça à retenir tous les noms et prénoms. Oikawa, au contraire, tentait de se mettre le plus possible dans son rôle de capitaine.

Les jours passant, il finit par apprendre à les reconnaître. L'un d'eux, Kindaichi Yuutarou, était un garçon dont les cheveux noirs étaient dressés à la verticale sur sa tête, et qui souffrait d'être trop grand pour son âge (pourquoi se coiffe-t-il comme ça, alors ? s'interrogea Iwaizumi perplexe, en refoulant l'image mentale d'une échalote), mais il était plein de bonne volonté, désireux de bien faire quoiqu'un peu timide. Il était souvent avec un garçon brun, qui paraissait toujours en train de somnoler, Kunimi Akira, l'air toujours au ralenti et manquant cruellement d'enthousiasme, mais Iwaizumi était conscient de l'intelligence qu'il possédait et restait optimiste à son propos. Leur trio était enfin complété par Kageyama Tobio –encore plus petit que les autres, et Iwaizumi apprit plus tard qu'il était le plus jeune du club-, un garçon timide mais avide d'apprendre, toujours avec une balle dans les mains et ses yeux bleus attentifs et grand ouverts.

Iwaizumi trouva tous ses nouveaux cadets intéressants, mais Kageyama retint particulièrement son attention. Quand il le vit jouer la première fois, il resta sidéré. Ce garçon avait un don, c'était indéniable. Oikawa parut davantage sur la réserve par rapport à lui, et lorsque les coachs décidèrent de le former au poste de passeur qu'occupait justement Oikawa, ce fut le scandale, et le capitaine cessa tout contact avec Kageyama. Iwaizumi tenta de le raisonner, mais il savait à quel point son ami était borné. Plus que cela, c'était de la rivalité, la peur pure et simple de se faire voler sa place. Comment pouvait-il ne pas être inquiet vis-à-vis de la masse de talent que représentait Tobio ?

Si celui-ci brillait sur le terrain, il paraissait un peu à part des autres et complètement inconscient d'être la cible de tous les regards. Il se dégageait de lui une impression d'innocence totale et pure, d'une candeur encore tout à fait enfantine, comme la joie qu'il manifestait en se précipitant sur le terrain, qui attendrissait Iwaizumi. Quand ils travaillaient ensemble, il lui tapait dans la main, dans le dos, sur les épaules, pour le féliciter et l'encourager, et Tobio lui décochait de grands sourires heureux. Après l'entraînement, Oikawa faisait mine de l'ignorer et ils se disputèrent plus d'une fois pour cette jalousie étrange, et cette répulsion viscérale que Tooru développait à l'égard de son cadet.