5: Des vivants bouleversés

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Comment était-ce possible ?

Comment cela avait-il pu arriver ?

Ils avaient seulement fait la fête en remerciant une nouvelle fois la nature d'avoir répondu à l'appel cette année, avant de débuter l'hiver...

Comment avait-il pu... partir ?

Le visage du grand elfe était serein, en paix. Sa peau semblait être faite de marbre tandis que son corps était à présent froid. Froid comme la mort.

Ce n'était pas la première fois que les elfes remarquaient l'extinction de la chaleur corporelle chez un individu : les animaux qui mourraient subissaient cela.

Mais jamais aucun elfe n'était mort jusque-là. Car pourquoi auraient-ils eu besoin de tuer l'un des leurs ? Pour le pouvoir ? Il était partagé équitablement entre tous. Pour une rancune inexistante ? Ils n'éprouvaient pas ce sentiment. Pour quoi ?

Les longs cheveux argentés du musicien avaient été brossé avec soin et recouvraient ses épaules. Quant à son tronc, il était habillé d'une chemise et ses jambes recouvertes d'un pantalon, tous deux en satin noir. Ses pieds avaient vu passer chaque elfe de la cité qui avaient peint à l'encre noire un souvenir. On pouvait ainsi y admirer un violon souvenir de toutes les soirées endiablées ainsi qu'une fleur synonyme de sa bonté, une flèche pour tous ses échecs hilarants avec un arc, un trophée pour son prix inter-cités de musique, une lyre pour son duo iconique avec sa femme, une alliance pour son mariage réussit et un igloo, souvenir d'une magnifique journée avec sa fille.

Il y en avait tant qu'on ne pouvait les compter ! Mais chacun rappelait un sourire, un éclat de rire.

Sauf l'un d'eux, fait par l'enfant sauvée.

On y voyait l'un de ces monstres, peint à la perfection. Chaque détail était retranscrit. Il partait du talon à la pointe du pied et bien que petit face à l'original, il était le plus grand dessin de tous.

La fillette se trouvait au premier rang, aux côtés de la femme du défunt et de sa fille.

Toutes trois avaient le visage bouffi, les yeux rouges et les épaules secouées par les sanglots, car deux d'entre elles avaient perdu un être cher tandis que la dernière ressentait une culpabilité grandissante.

Les autres elfes se trouvaient derrière elles et les soutenaient, tout aussi bouleversés.

En effet, il incarnait un mari, un père, un sauveur, mais aussi un ami.

Ravalant ses larmes, Alenna, la mère d'Elwina, s'avança vers son mari et plaça une minuscule graine sur son cœur.

Cette vision renouvela les sanglots, tandis que l'on remplissait le trou dans lequel se trouvait le musicien avec de la terre.

Chacun y planta une fleur pour l'accompagner vers l'inconnu, puis s'écarta. Encore jamais on n'avait tenté de transmettre la vie d'un elfe dans un arbre. Mais certains assuraient que c'était possible, alors chacun espérait que leur ami se réincarnerait dans la graine enterrée.

Ils attendirent de longues minutes dans un silence pesant. Seuls quelques reniflements le brisaient de temps en temps.

Chacun était replongé dans les souvenirs passés auprès de ce grand elfe.

Jusqu'à ce qu'une minuscule pousse immerge de la terre.

Cette pousse grandit, s'élargit, brunit, pour finalement laisser place à un imposant chêne, resplendissant.

Chêne, symbole de force morale et physique.

Chêne qui attire la foudre.

Ce qui était l'incarnation même du grand elfe qui avait lui-même choisi d'attirer la fureur d'un dragon pour sauver une enfant.

La Bataille des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant