14 : Le jugement

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Des cris, des pleurs d'enfants, les rires des passants ...

Le cri d'une fillette, le rugissement d'un dragon, la haine ressentie...

Lianne se réveilla en sursaut, comme toutes les nuits depuis leur mort.

Elle paniqua un moment, alors qu'elle ne se trouvait pas dans sa chambre. Puis elle se rappela l'appel de leur père, le voyage en vaisseau, l'attaque d'Okeanos, son incarcération, le nouveau voyage en vaisseau, les éléments, les autres peuples, le conseil manipulé... Et son jugement.

Elle aurait pu s'échapper bien souvent, mais en fin de compte, elle en avait assez de lutter encore et encore. Sur sa planète Bellum, elle avait souffert. Sur la planète d'eau, elle avait failli aussi y perdre la vie, entre sa compassion soudaine ayant entrainée son hémorragie, le traitement des humains, et l'étendue d'eau dangereuse. Elle n'avait pas pu aller sur la planète des anges et elfes, était simplement restée attachée à son poteau durant tout le trajet, mais elles devaient aussi être pleines de danger. Au souvenir des vaisseaux, il était difficile de savoir lequel des voyages avait été le plus agréable. Certes, lorsqu'elle était partie pour Okéanos, entourée de démons et dragons, le voyage avait été compliqué car le dragon dans le vaisseau s'était permis de croquer les pieds de quelques démons le dérangeant trop. Mais elle pouvait encore se déplacer, contrairement au voyage avec les autres peuples. Et puis, elle n'avait pas eu à subir le regard des autres. Bien sûr, démons et dragons la connaissaient de nom et la jugeaient aussi, mais, ce n'était pas pareil. Démons et dragons la jugeaient pour les actions qu'elle avait commises, tandis que les autres peuples la jugeaient pour des actions qu'elle n'avait pas commises, et cela changeait tout.

Quoi qu'il en soit, elle aurait pu s'échapper de sa prison, mais elle ne le voulait pas. Ici, elle était nourrie, était en sécurité, choses qu'elle n'avait que si peu connue. Oui, elle aurait pu s'échapper dans les montagnes lorsqu'elle était partie se dégourdir les jambes le premier soir de leur arrivé... Mais il aurait fallu tout réaprendre : les règles qui s'appliquaient sur Bellum ne s'appliquaient pas ici. Et puis, les nains faisaient assez peurs : ils étaient si minuscules, elle avait peur de leur faire du mal. Or leur père leur avait toujours dit que les nains étaient de bonnes personnes et qu'on ne devrait jamais leur faire du mal...

Voilà pourquoi elle avait accepté son sort, et était rentrée dans sa cellule à chaque fois qu'elle revenait de son sport. Elle en avait assez de souffrir et de faire souffrir les autres. Peut-être espérait-elle au fond d'elle qu'ils la tuent ?

Elle n'avait pas peur qu'ils décident de la tuer car la mort finissait par toucher tout le monde, sauf les entités. Depuis sa naissance, elle savait qu'elle pouvait mourir à tout moment. Et en fin de compte, elle avait vécu assez longtemps vue sa situation.

Elle observa sa cellule. On lui en avait confectionnée une après son arrivée, à sa taille. Jamais sur Bellum on ne lui aurait fait ça. Quoique, jamais elle n'aurait été emprisonnée non plus. La salle était assez grande, contenant un lit, un tapis et un « bain » où de l'eau pouvait couler à tout moment. Ce contrôle de l'eau la faisait toujours frissonner. Même les prisonniers pouvaient avoir accès à l'eau à toute heure, tandis que sur Bellum, le seul moyen d'en avoir était d'entreprendre un voyage de plusieurs mois, d'aller jusqu'aux volcans d'eau en longeant ceux de lave, en traversant les plaines désertiques et les hauts plateaux des dragons, pour stocker de l'eau dans des jarres et revenir chez soi. Un voyage où la mort pouvait survenir à chaque instant.

Elle tenta d'oublier leurs cris alors qu'ils tombaient. Ces hurlements de terreur l'empêchaient de dormir depuis tant d'années... Par la seule faute d'une entité.

Elle chassa de nouveau ces pensées et se reconcentra sur le jugement. Elle ne savait même pas comment cela allait se dérouler. Sur Bellum, ça aurait été Neinur ou Abbakon, ou encore même leur père, qui aurait présidé l'assemblée. Qu'importe car le résultat aurait été le même pour tous : la mort.

La Bataille des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant