7: Des vivants en colère

152 18 102
                                    

Les vagues ondulaient à la surface de l'eau turquoise tandis qu'ils attendaient : sirènes et tritons avaient délaissé tout attribut surfait et s'étaient réunis dans le simple but de faire leurs adieux car l'une d'eux était partie.

La mort n'était pas chose rare sur Okéanos : les humains ne semblaient pas vivre très longtemps, environ une soixantaine d'années, et avaient même tendance à mourir bien avant à cause de leurs dangereuses activités.

Mais parmi le peuple sirène, c'était tout autre chose : grâce à leur meilleure alimentation, meilleur train de vie et meilleur environnement, ils vivaient au moins une centaine d'années et mourraient rarement avant l'heure. Or le destin de Nymphéa avait été tragiquement écourté. Les adieux étaient donc bien plus douloureux.

Quelques dizaines de mètres plus loin, les abysses se trouvaient face à eux, ces étendues à la profondeur effroyable que peu de sirènes appréciaient : les premiers tritons et sirènes avaient appris à leur dépend qu'elles renfermaient des créatures marines tout sauf amicales.

Et le corps de Nymphéa s'y dirigeait.

Il reposait sur un tapis de pétales de fleurs combinés à du lychen, à même le bois d'un radeau. La voile accrochée au mat était bombée sous l'effet du vent, le faisant avancer. La structure entière prenait feu, étant assez résistante pour tenir jusqu'aux abysses.

Ainsi, la sirène sombrerait avec le radeau au plus profond de l'océan.

Chaque Élément avait sa place dans l'adieu, puisqu'ils étaient tous enfants de la Création. Chacun avait sa place et nul ne devait être oublié.

Les larmes aux yeux, Eurydice regardait le radeau emporter sa cousine au loin, navire de fortune car nulle richesse ne sauverait qui que ce soit si les Éléments ne le protégeaient pas.

Si seulement leur créateur avait été là...

Sa main droite était dans celle de son père tandis que sa main gauche serrait celle de sa mère. Celle-ci était collée à sa sœur qui, accrochée à son mari et son fils, pleurait de toute son âme.

Ce décès était si inconcevable pour tous.

Après tout, sirènes et tritons avaient été assez épargnés par les attaquants puisque ces derniers ne connaissaient pas leur existence aquatique.

Alors pourquoi l'une d'elles avait été tuée ?

Eurydice avait la réponse puisqu'elle l'avait vue avec l'humain. Mais les autres n'étaient pas au courant de leur relation et hors de question de les prévenir maintenant.

Pourtant, au fond d'elle-même, l'enfant aux cheveux rouges se demandait si sa cousine ne serait pas morte à cause des conflits entre sirènes et humains. Après tout, si leur couple avait été approuvé, Nymphéa n'aurait pas eu à aller le voir en cachette, n'aurait donc pas quitté la fête de l'apprentissage de sa cousine et serait toujours là !

Nymphéa Juliette... et Jonathan Roméo...

Un couple qui aurait pu contribuer à une réconciliation si les géants lézards n'étaient pas intervenus.

La petite sirène avait beau savoir qu'un individu ne représentait pas toute une espèce, elle ne pouvait s'empêcher de vouer une haine à celle-ci.

Les humains prouvaient bien que chaque individu d'une espèce se ressemblait, en risquant sa vie et celle des autres pour des broutilles : la découverte du pétrole avait intoxiqué toute une partie de la vie marine d'une île et pourtant les humains avaient continué ! Il avait fallu l'intervention de leur Créateur pour qu'ils arrêtent.

La Bataille des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant