8: Une survivante indésirée

155 17 88
                                    

Un éclair de haine illumina son regard alors qu'il ne pouvait plus rien faire, les mains coupées et les cornes coincées dans le bouclier de la démone. Quelle lâche avait-elle été d'en avoir emmener un !

Lianne, nullement impressionnée par le flot s'écoulant des moignons du démon et son corps au sol embroché, se tourna vers les tribunes. La foule galvanisée par tout ce sang hurlait à l'hystérie. Elle soupira puis, sans qu'aucune émotion ne la trahisse, trancha la tête du démon. Celle-ci s'écrasa à ses pieds, soulevant un nuage de sable. Sous les hurlements de plaisir de la foule, la démone attrapa les cornes du démon et souleva sa tête comme un trophée, grimaçant en sentant du sang coulait le long de son bras.

Une nouvelle âme venait de perdre la vie sous son épée, mais cela ne le touchait plus, elle y était habituée. Elle avait bien compris qu'il n'y avait pas de bonté sur Bellum : seul le plus fort survivrait. Alors elle tuerait tous ceux qui la menaceraient.

Alors pourquoi n'était-il pas mort ? se demanda Lianne en repensant à l'humain qui l'avait escaladée après qu'elle soit tombée.

Peut-être n'avait-elle pas voulu le tuer ? Peut-être l'avait-elle laissé lui planter cette brochette dans l'abdomen pour ne plus avoir à combattre ? Peut-être qu'elle avait « oublié » l'unique leçon qu'on lui avait inculpée, soit frapper encore et toujours jusqu'à ce que la mort la rattrape ?

Quelle qu'en soit la raison, elle était toujours vivante et respirait difficilement alors que le sang s'écoulait de sa plaie. Elle ouvrit les yeux et ses rétines brûlèrent à la vue du soleil à son zénith. Elle referma ses paupières aussitôt, avant de les entrouvrir petit à petit, jusqu'à ce qu'elle y soit habituée.

La démone observa la plaine dans laquelle elle se trouvait : c'était une grande étendue d'herbe recouverte de boue éclaboussée par du sang, sang qui avait depuis séché. Les démons, dragon et humains s'y étant battus étaient à présent morts. Elle n'avait pas encore rejoint ces pauvres âmes à la vie écourtée lors d'une banale mission, mais cela ne saurait tarder.

La balafrée avait encore assez de force pour penser et détermina selon l'odeur des cadavres que l'attaque devait remonter à trois jours : trois jours qu'elle était donc étendue là, un couteau dans le flanc. Elle ne devait sa survie qu'à l'inexpérience de l'humain qui pensait l'avoir tuée, ainsi qu'à son propre métabolisme.

Leur Père était certes cruel, il restait pour autant intelligent. Puisqu'il voulait que démons et dragons s'entredéchirent sur Bellum, il fallait un juste équilibre entre les deux camps. Ainsi, les dragons étaient bien plus puissants, dangereux à cause de l'arsenal qui composait leur corps, mais une fois touchés, ils se vidaient rapidement de leur sang. Au contraire, les démons, eux, étaient « nus » face aux reptiles, mais ils pouvaient continuer à se battre avec des plaies ouvertes et profondes. Ainsi, le temps que le sang s'écoule de leur corps, ils pouvaient se relever pour frapper encore et encore l'ennemi.

L'effectif des espèces jouait aussi dans la balance puisque les dragons, plus difficiles à tuer, étaient peu nombreux, les naissances assez rares, tandis que les démons se multipliaient.

Mais elle chassa rapidement ces pensées. Cela ne servait à rien de s'en souvenir puisqu'elle partirait bientôt. Certes, l'hémorragie semblait avoir cessé, mais dans quelques heures, le coup de l'humain lui serait enfin fatal à cause de l'infection qui devait se propager.

La démone pensa à sa vie, bien piètre de bons moments et bien rapide à son goût. Mais ses premières années de vie lui revinrent et elle sourit en revoyant les visages de son enfance. Sourire qui devint grimace en repensant à tout ce qui en avait découlé.

La Bataille des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant