Partie 28 : Retour aux sources

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"Le renouveau a toujours été, d'abord, un retour aux sources" Romain Gary

Nous sommes le 8 avril, soit, une semaine après ce qu'on a appelé "l'incident". Il a été résolu sans encombre, et sans le moindre effort de la part de la principale intéressée. Enfin bon, cela ne m'étonne pas. J'ai remercié mon sauveur : Aaron et depuis on se texte un peu mais sans plus. Il a du, à mon grand dam, retenir la leçon. J'ai beaucoup de travail en ce moment mais je crois que je commence à ressentir un burn-out, pas seulement à cause du boulot. Le burn-out est défini comme "un état d'épuisement physique et mental causé par l'implication à long terme dans des situations complexes (...) il relève d'une combinaison de fatigue physique, d'épuisement émotionnel et de lassitude cognitive". Pour soigner ce mal, j'ai réfléchi à ce que je pouvais faire. Et puis tout à coup j'ai eu une illumination, il faut que j'aille rouler ma bosse ailleurs. J'ai des envies d'ailleurs tout simplement. Je veux retourner là où tout a commencé. C'est à dire en Algérie. J'ai besoin de me ressourcer un peu. Voir beaucoup. Enfin je ne vais pas demeurer là-bas éternellement je suis bien trop attachée au continent européen et à son confort. Mais pour l'instant j'ai besoin de ça. C'est aussi l'avis de mon médecin ! J'ai commencé un traitement léger (selon lui car il a un effet assommant sur moi) et il pense que ce voyage me revigorerais. J'ai bouclé ma bagagerie Louis Vuitton. Ce matin direction l'aéroport du Bourget ou le jet privé m'attends. Je suis habillée en mode voyage jogging peau de pêche noir, claquette chacha (chanel) édition limitées, un sac à dos louis Vuitton et des lunette noires basiques de chez Céline. Les lunettes noires m'accompagnent en toute circonstance, elles apportent toujours un plus. Et oui mesdemoiselles, quand on prends l'avion ou qu'on voyage tout court la sobriété est de mise. Les talons sont prohibés je répète : FORBIDDEN, PROHIBIDO, PROIBITO, VERBOTEN ; j'espère que le message est compris. Car premièrement c'est un fashion faux pas et deuxièmement c'est totalement inconfortable. Les pieds gonflent c'est juste horrible, l'odeur doit macérer pendant des heures, berk ! Le vol a été vite expédié, c'était : rapide, clair et concis. J'ai atterri a 11 heures, j'ai donc ma journée pour profiter de la terre de mes ancêtres. Une fois descendu de l'avion, l'air chaud et désertique a fouetté ma peau, l'odeur de la mer Méditerranée m'a coupé le souffle, le soleil a éclairé mes idées noires et les palmiers m'ont accueilli à bras ouvert. La dernière fois que je suis venu il faisait gris autant dans ma tête que dans le ciel. Je n'étais pas revenu depuis l'enterrement de papa. Mes tantes du bled ont bien essayé de me faire changer d'avis, et de me persuader d'arrêter de bouder l'une de mes nations mais rien à faire. L'une de mes nations c'est bizarre non ? La double culture est un peu difficile a gérer, mon coeur est divisé en deux parties distinctes : la France et l'Algérie. Quoi qu'il en soit je ne me voyais pas revenir dans de telles circonstances, le mot "Algérie" rimait avec une "mélancolie" Baudelairienne. Désormais, la mélancolie a fait place à la nostalgie, et je ne vois plus ces terres comme l'endroit où mon père a été enseveli, je la vois plutôt comme celle où il a grandit et qu'il chérissait tant.. Mais ma logique est complètement erronée car si l'Algérie est le pays où mon père est enterré, la France est celui où il a perdu la vie. Daddy mettait un point d'honneur à nous transmettre son amour patriotique mais on en a souvent fait abstraction. Peut être parce qu'au fil du temps notre famille s'est embourgeoisée et que les voyages au bled sont devenus des voyages à Cabo ou Aux Maldives. C'est assurément le complexe du riche : penser que les destinations les plus coûteuses sont les plus grandioses. Voyager dans un jet privé et arborer fièrement les pays les plus prestigieux pour faire croire aux autres que tu pèse. C'est totalement faux. Enfin, je n'ai rien contre les tropiques mais l'Algérie est un pays tout aussi magnifique et diversifié mais beaucoup trop sous estimé. Mon père faisait la pluie et le beau temps sur les marchés financiers, autant en Europe que sur le continent Africain. Beaucoup de gens le craignait ici, mais la majorité l'admirait. Il n'a jamais eu ce caractère hautain de chef d'entreprise milliardaire, au contraire il pensait toujours aux gens qu'il avait laisser au bled. Il a fait construire des écoles, des routes, des instituts. Pendant que je passe en revue toutes les choses que mon père a accomplies le taxi me dépose devant notre villa. La villa familiale. Une immense maison blanche de 4 étages avec une magnifique cour, une piscine intérieur et extérieur, un jaccuzzi, un hammam, un sauna, une salle de sport, un imposant escalier en marbre et des chambres immenses. Elle est située en plein coeur d'Alger, de ma fenêtre je peut voir la mer. J'ai une vue imprenable sur la Casbah. Je peut sentir l'odeur du souk, l'ambiance des rues. Ce n'est pas à Paris que je pourrais avoir cette vue ni même une maison de cette ampleur. C'est magnifique. Je retrouve mon confort et mes habitudes. Tous ces moments d'émotions, tous ces visages heureux, ces balades nocturnes, ces sublimes couchers de soleil algérois. Je monte tout en haut de la maison, sur le stah. Le stah au bled c'est traduisible par : toit. Mais ce n'est pas un toit comme en France c'est un toit tout plat à l'image d'une terrasse ou tu peut bronzer, ou tout autre activité comme étendre le linge ou faire du sport. Sur le notre il y a une piscine, j'y trempe un doigt et je vois que l'eau est aussi chaude que la température ambiante. Elle est très propre, nos employés sont fidèles et efficaces. C'est paisible. Ce paysage est digne d'une carte postale. J'aimerais capturer ce moment pour le vivre encore et encore. Il manque juste le rire de mes frères en fond sonore.. Si je pouvais remonter le temps je pense que je reviendrais à ces étés passés au bled en famille où nous étions heureux et soudés. Ces moments valent de l'or mais ils s'échappent petit à petit de ma mémoire. J'ai besoin de lire cette lettre il le faut. J'ai attendu bien trop longtemps. Je descends fouille dans mes valises et la trouve. "A l'attention de ma chère fille Mia" une magnifique enveloppe satinée. Je l'ouvre et sors la lettre elle fait quatre pages recto verso. Come on, ai du courage Mia, lance-toi.

La vie de MiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant